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Et si on débourbait les moûts rouges avant macération ?

Thomas Beauvillain, dirigeant de la société Biomco, a créé un procédé pour séparer les jus du marc afin de les débourber avant le début des macérations pelliculaires. Dans le Lot, deux vignerons approuvent la méthode qui leur permet d’obtenir des vins plus fins et plus précis.

La méthode Fepjuc nécessite deux équipements: un petit pressoir continu pour extraire le jus et un séparateur permettant d'envoyer le marc et le jus extrait dans deux cuves distinctes. © Biomco
La méthode Fepjuc nécessite deux équipements: un petit pressoir continu pour extraire le jus et un séparateur permettant d'envoyer le marc et le jus extrait dans deux cuves distinctes.
© Biomco

Si les bourbes sont éliminées dans les itinéraires d’élaboration des vins blancs et rosés, c’est qu’il y a une bonne raison. « Les bourbes apportent de la lourdeur, des notes végétales voire de moisi », commente Thomas Beauvillain, œnologue et dirigeant de la société Biomco. Alors pourquoi ne pas débourber les rouges ? « Dans la pratique, le débourbage est compliqué à mettre en œuvre sur les rouges parce qu’il faut remettre le marc au contact du jus pour les macérations », explique-t-il.

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Un pressurage léger pour extraire le jus sans écraser les pépins

Depuis 2012, il planche sur un procédé permettant de séparer les marcs légèrement pressés des jus clairs, afin de pouvoir les débourber. Jusqu’à obtenir, en 2020, un brevet pour sa méthode intitulée « fermentations pelliculaires en jus clarifiés » (Fepjuc). « L’objectif était de trouver une méthode simple et rapide, qui modifie très peu les itinéraires de vinification habituels », précise Thomas Beauvillain. En sortie d’érafloir ou après la table de tri, les raisins passent dans une sorte de petit pressoir continu composé de rouleaux espacés de 0,5 à 1 mm. « Ça permet d’extraire le jus sans écraser les pépins, et sans sécher le marc », expose l’œnologue. Puis, le mélange de jus et de pellicules est envoyé dans une seconde machine mobile, composée d’une cage ajourée et de râteaux effectuant un mouvement rotatif. C’est ce qui va permettre de séparer les pellicules des jus dans deux cuves différentes. Le moût est ensuite débourbé à froid, par flottation ou par filtration. « Plus c’est rapide, mieux c’est car il faut éviter que le marc ne sèche trop avant de le remettre au contact du jus », préconise Thomas Beauvillain. Pendant cette phase d’attente, le dirigeant recommande d’inerter le marc et de le levurer pour éviter que d’autres micro-organismes ne colonisent le milieu. « Et comme ça les fermentations démarrent tout de suite une fois le jus réassemblé », poursuit-il.

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Des vins comme débarrassés « d’arômes parasites »

D’après Thomas Beauvillain, cette façon de procéder crée un milieu réducteur, améliorant la résistance des vins à l’oxydation et permettant de réduire les sulfites. Elle présente également un avantage logistique. « En fin de macération, on constate que le marc est plus aérien que dans une vinification traditionnelle. Le jus s’écoule mieux et le décuvage est moins long et fastidieux », observe-t-il. La durée des cycles de pressurage après décuvage serait elle aussi plus courte, avec une fraction de jus de presse réduite. Mais le réel intérêt est bien l’impact du procédé sur le profil organoleptique des vins rouges. « Il y a une réelle différence », affirme le dirigeant. Un constat partagé par Thierry Simon, vigneron au Château Lacapelle Cabanac, dans le Lot. « Les vins sont plus droits, plus nets. Je n’ai pas l’impression qu’ils sont plus aromatiques mais c’est comme s’ils étaient débarrassés d’arômes parasites », explique-t-il. Il a voulu tester la méthode Fepjuc, « car l’approche me semblait logique », relate-t-il. Après un essai concluant sur petit volume en 2019, il l’a appliqué sur 80 hl de malbec en 2020. « Cette finesse, c’est ce que je recherche dans mes vins. À l’avenir, je pense intégrer davantage cette méthode dans ma façon de vinifier », envisage le vigneron.

Les équipements standards commercialisés par Biomco travaillent à des débits allant de 10 à 15 t/h. De plus hauts débits sont disponibles sur demande.

Benoît Beauvillain, vigneron au Château Beauvillain de Monpezat, dans le Lot

« La circulation du jus dans le marc est plus uniforme »

« J’ai commencé à utiliser le procédé Fepjuc en 2012. J’ai toujours cherché à me débarrasser des bourbes car je n’aime pas le côté végétal qu’elles apportent au vin. Le malbec se prête particulièrement bien à la technique. Comme la vendange arrive déjà plutôt liquide au chai, la première étape de pressurage à travers les rouleaux est presque inutile. Sur le merlot en revanche, c’est indispensable. La méthode n’est pas contraignante, les machines s’intègrent facilement dans la chaîne de production. Lors des décuvages, j’ai remarqué que le marc contenait moins de matières collantes. Quand je l’attaque avec la fourche je n’ai pas la sensation que c’est du béton, comme c’est parfois le cas après un mois de macération. J’ai également noté que l’extraction se faisait plus rapidement. Il faut donc être vigilant pour ajuster les remontages et délestages en fonction de la dégustation. Ces éléments me laissent à penser que la circulation du jus dans le gâteau de marc est plus uniforme. Lors des premiers soutirages en décembre, j’ai constaté qu’il y avait moins de lies qu’habituellement, donc moins de pertes car je les envoie à la distillation. Concernant le profil des vins, je trouve que ça a un impact sur la texture, avec plus de gras, de rondeur. Le côté fruité ressort, et il n’y a plus de notes végétales. Ça donne un potentiel vraiment intéressant. »

voir plus loin

La méthode fait ses preuves sur les vins blancs de macération

Thomas Beauvillain a mené en partenariat avec l’IFV pôle sud-ouest des essais comparatifs entre des vins de chardonnay vinifiés de façon traditionnelle (avec macération préfermentaire à froid) et selon la méthode Fepjuc. Ils montrent un impact positif de la méthode sur l’aromatique des vins. « On extrait 2 à 4 fois plus de composés aromatiques », commente Thomas Beauvillain. À titre d’exemples, les analyses révèlent des concentrations en thiols de 171 ng/l avec la méthode Fepjuc contre 47 ng/l avec la méthode traditionnelle. Les concentrations en DMS, un exhausteur d’arômes, étaient de 3,8 ng/l contre 0,9 ng/l dans la méthode traditionnelle. « En décuvant entre 1 020 et 1 010 de densité, on a une intensité colorante inférieure avec cette méthode, à 0,14 contre 0,20 avec la vinification traditionnelle. Ce qui prouve qu’il n’y a pas d’extraction excessive de polyphénols », poursuit Thomas Beauvillain. La technique a par ailleurs montré une influence sur le pH, qui s’établit à 3,65 contre 3,38 avec la méthode traditionnelle. « Les vins sont donc moins acides et plus ronds », analyse Thomas Beauvillain. À voir toutefois si c'est un avantage ou non.

 

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