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Protéines végétales : la production française peut-elle répondre à la demande ?

Contrairement à ses voisins européens, la France a misé sur la diversification de ses cultures de protéines végétales qui ne cessent de monter en puissance avec le temps.

Grâce à sa diversité climatique, la France peut se permettre de produire une large gamme de protéines végétales, au contraire de ses voisins européens très spécialisés dans certaines cultures. « Nos filières structurées permettent de nous organiser vite pour produire rapidement de nouvelles choses. C’est un avantage de taille pour les industriels qui cherchent à s’approvisionner en France », se réjouit Françoise Labalette, responsable du pôle amont de Terres Univia. Entre le nouvel intérêt pour le pois, le développement fort du soja et la forte croissance des légumes secs, la France fait partie des meilleurs élèves européens. « Nous importons en France près de 40 % de nos protéines végétales, contre 65 % pour la moyenne des pays européens », souligne Christophe Rupp Dahlem, président de Protéines France. Cette bonne dynamique a été impulsée par le développement de la culture de colza, lancé dans les années 1990, dont les tourteaux étaient plus compétitifs, pour l’alimentation animale, que les tourteaux de soja importés.

Un regain d’intérêt pour le pois

Stabilisée autour de 600 000 tonnes depuis maintenant dix ans, la production française de pois est aujourd’hui portée par une nouvelle demande émergente : les similis végétaux de viande, dont les sociétés productrices font de l’approvisionnement en France un argument commercial de poids. Entre 2018 et 2020, les surfaces ont gagné 60 000 hectares pour atteindre 208 800 hectares. « La France arrive aujourd’hui à répondre à tous ses besoins en pois. Nous parvenons à suivre les évolutions du marché, à la hausse en ce moment. La demande est tirée par les jeunes de 25 à 34 ans, dont beaucoup sont flexitariens et veulent remettre du végétal dans leur assiette », assure Christophe Rupp Dahlem. À ce jour, le pois se cultive majoritairement dans la moitié nord du pays : en Normandie, dans le Grand Ouest, mais aussi dans le Grand Est et les Hauts-de-France.

« La France arrive aujourd’hui à répondre à tous ses besoins en pois », Christophe Rupp Dahlem, président de Protéines France.

La France reste le producteur majeur de pois européen, avec 742 millions de tonnes en 2020, devant l’Allemagne et ses 568 millions de tonnes. « Le pois est redevenu une matière première importante pour l’alimentation humaine, car c’est une protéine intéressante et adaptée pour les produits transformés », ajoute Françoise Labalette. À l’inverse du soja, le pois présente l’atout de n’être ni allergène ni génétiquement modifié.

Soja : climat compatible avec l’autosuffisance

Si la France importe 90 % de sa consommation de soja, majoritairement pour l’alimentation animale, la tendance est néanmoins à la baisse grâce au développement de la filière française de soja sans OGM. « La filière s’est structurée assez rapidement et permet aujourd’hui aux industriels français de s’approvisionner intégralement en France. Nous sommes même exportateurs aujourd’hui », détaille Françoise Labalette. Les cultures se situent majoritairement dans le nord-est de la France et le Sud-Ouest et gagnent en importance dans le nord de la France ainsi qu’en Bourgogne. « Le changement climatique favorise la culture de soja dans toute l’Europe. Aujourd’hui, les conditions sont compatibles pour une autosuffisance de l’UE », indique David Makowski, directeur de recherche dans l’unité MIA à l’Inrae.

L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine ont été en 2020 les deux régions françaises où les cultures de soja étaient les plus présentes, avec respectivement 65 000 hectares et près de 45 000 hectares. « C’est une culture qui a connu un gros regain, avec une multiplication par cinq des surfaces depuis 2012-2013 », commente Françoise Labalette. La France est aujourd’hui le deuxième producteur de soja de l’UE avec plus de 406 000 tonnes, loin derrière l’Italie (965 000 t en 2020). « Avec l’augmentation des températures, le climat italien sera trop chaud pour les cultures de soja. Celles-ci vont se diriger vers le nord et l’est de l’Europe », prévient David Makowski.

Les légumes secs portés par le pois chiche

La France importe de moins en moins ses légumes secs grâce au développement des cultures de lentilles et de pois chiches. « Depuis 2016, les importations de lentilles ont été divisées par deux grâce au déploiement de la filière », explique Françoise Labalette. Alors qu’elles affichaient moins de 5 000 hectares en 2003, les cultures de lentilles se sont étendues sur plus de 35 000 hectares en 2019. Celles-ci sont très présentes dans la région du Puy-en-Velay (Haute-Loire) et du Berry (Ventre-Val de Loire) grâce à leur signe de qualité AOP. Les lentilles sont très présentes également à l’est du Bassin parisien (Yonne, Aube) grâce à la stratégie commerciale des coopératives de ces territoires qui ont investi pour monter des filières intégrées. Enfin, l’Occitanie et la Vendée sont également deux zones productrices de lentilles, dont une part significative en bio.

Mais le développement en France des légumes secs est surtout porté par le pois chiche en matière d’innovations (surfaces de 35 000 ha en 2019, contre moins de 1 500 ha en 2003). « Il y a un engouement des industriels pour les utiliser dans des plats traiteur », illustre Françoise Labalette. Si les cultures de pois chiches se trouvent un peu partout en France, celles-ci sont majoritairement concentrées dans la moitié sud de la France, le climat y étant plus adapté. Le légume ne disposant pas de signe de qualité en France, les filières de production sont intégrées autour d’une coopérative.

La féverole, majoritairement utilisée en alimentation animale, gagne en épaisseur dans l’alimentation humaine. Limitée par le climat, leur culture se fait sous un climat océanique et se trouve tout le long de la bordure atlantique. « Le marché de la féverole n’est pas encore mature, mais on observe de plus en plus d’innovations qui en contiennent. Ça reste tout petit mais le signal est là », conclut Françoise Labalette.

L’association céréales-protéines végétales, une voie d’avenir

L’un des freins au développement des protéines végétales est la disponibilité des ressources en terres. « On a éliminé beaucoup de surfaces naturelles, il nous reste peu de marge de manœuvre », souligne David Makowski. En s’implantant dans les rotations, les cultures de protéines végétales entraînent mécaniquement une baisse de la production des autres cultures. Une solution permettrait d’y remédier : l’association de cultures céréales-protéines végétales. « Beaucoup d’expériences ont associé soja et maïs dans la même parcelle, ou blé et pois. Le soja fixe l’azote de l’air, le rejette dans le sol et le maïs peut ainsi en bénéficier. Cela diminue le risque de maladie et la quantité d’engrais apportée », détaille David Makowski. La mécanisation de ce type de culture est cependant difficile. « La recherche européenne travaille sur la séparation et le tri grâce à la prise en compte de la taille des grains par exemple », conclut David Makowski.

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