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Volaille : le solde commercial français dans le rouge

En 2016, pour la première fois, la France a importé plus de volailles qu’elle n’en a exportées. La filière va porter ses efforts sur le marché de la restauration hors domicile pour inverser la tendance. Témoignages.

La consommation de volailles ne cesse de progresser dans le monde et en France, mais la filière tricolore peine à suivre le rythme. Pire, « la France affiche en 2016, pour la première fois, un déficit en volume, de 54 000 tonnes. La chute est rude », a lancé Vincent Chatellier, économiste à l’Inra, devant les interprofessions de la volaille de chair, réunies le 27 avril à Angers pour leurs assemblées générales.

Alors que la consommation française de volaille a augmenté de 4,4 % l’an dernier, cette dynamique profite clairement aux importations, et surtout aux pays européens. La plupart ont vu leur production de viandes de poulet croître en 2016, notamment le leader polonais (+13 %), alors qu’elle reculait de 2 % dans l’Hexagone. Résultat, la volaille importée représente aujourd’hui 43 % de la consommation française, selon le dernier baromètre AND. Un chiffre qui grimpe à 85 % sur le poulet en restauration collective. S’agissant du poulet standard, la part de l’import est même à 90 % en restauration collective et à 76 % en industrie et rôtisserie.

Les causes de décrochage de la filière identifiées

Si l’influenza aviaire a accentué les déséquilibres, deux causes majeures de ce décrochage sont identifiées par la filière. D’abord les écarts de compétitivité sur le poulet standard, ensuite l’insuffisance volumétrique de l’offre française adaptée, notamment au marché de la RHD et au débouché industriel. Les flux d’import sur les produits élaborés (+42 % en cinq ans) et sur les découpes désossées en témoignent. Face à ces chiffres inquiétants, « la reconquête du marché interne est la priorité de nos actions, notre combat », a martelé Jean-Yves Ménard, le président du Comité interprofessionnel du poulet de chair (CIPC).

Afin d’inverser la tendance, la filière a notamment décidé de porter ses efforts sur la restauration hors domicile. « Nous sommes victimes de notre histoire. Une grosse partie de la filière française s’est structurée autour de la GMS et ne s’intéressait pas au marché de la RHF en tant que tel », a diagnostiqué Christophe Couroussé, directeur général de Galliance, lors d’une table ronde sur les stratégies à élaborer pour reconquérir le marché intérieur. Dès lors, une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de la restauration s’impose.

De « gros efforts » ont déjà été faits en termes de grammage, a reconnu Yannick Strottner, le président de l’Association culinaire des établissements hospitaliers de France (ACEHF). « Ces ajustements ont permis de diminuer les volumes en surgelés, avec lesquels on complétait, et de réduire le gaspillage », a-t-il poursuivi. Dans le secteur, la tendance est à l’augmentation de la demande en produits préparés crus, type lanières ou finis (rôtis cuits, pavés de dinde cuits…). Deux films projetés ont mis en lumière le hiatus entre les discours favorables à la volaille française des acheteurs et des chefs de la restauration collective et la dure réalité des chiffres.

« Les exigences principales de la RHF sont le prix, la qualité sanitaire, la régularité de l’approvisionnement, la qualité organoleptique puis l’origine », a recadré Christian Renault, consultant chez AND International. « Il n’est pas facile d’avoir du "français" tous les jours avec des budgets serrés », a convenu son interlocuteur Yannick Strottner. Mais le contexte financier contraint et les évolutions sociétales pourraient paradoxalement donner un coup de pouce au poulet tricolore. Car « réduire les portions ou mettre un jour sans viande à la cantine est une opportunité pour proposer une viande plus chère et de meilleure qualité », a observé Christian Renault.

L’exemple néerlandais

Certains acteurs appellent à une remise en cause plus poussée du modèle français. « Si on reste sur les schémas actuels, on va continuer sur la tendance », a estimé Olivier Rochard, directeur général de Hubbard. Ce dernier a notamment rappelé comment la filière néerlandaise avait travaillé avec des acteurs de la distribution pour lancer le « poulet de demain » (kip van morgen), une alternative au poulet standard. Le gain de compétitivité peut passer, là aussi comme aux Pays-Bas, par le développement d’élevages spécialisés.

Éleveur de dindes dans le Morbihan, Jean-Michel Choquet s’est récemment lancé dans le poulet lourd (3,5 kg à 45 jours) avec le groupement Gaévol. Son investissement dans deux bâtiments de 1 700 m² s’élève à 300 euros du mètre carré et sera amorti sur quinze ans. « Nous allons sur un marché de découpe, d’où l’intérêt du poulet lourd. Il faut que chacun des maillons soit lié par des objectifs partagés, que l’on réécrive des projets communs », a souligné Christophe Couroussé. Au-delà de cette volonté affichée des acteurs (génétique, nutrition animale, élevage, industrie) de jouer collectif, la filière française ne manque pas d’atouts. Les restructurations industrielles récentes autour de LDC et Galliance et les lourds investissements en cours vont renforcer sa compétitivité.

Le savoir-faire sur les volailles sous signe de qualité constitue une force, à davantage valoriser en RHF et à l’export. « Chahutée, la filière volaille française reste dynamique », a conclu Jean-Yves Ménard dans un élan d’optimisme.

Une année difficile pour la dinde et le canard

Alors que la production de poulets a légèrement baissé l’an dernier, les autres espèces ont connu des évolutions contrastées. Si la production de dindes a augmenté de 5,2 %, le nombre de mises en place de dindonneaux accuse un recul de 8 %. L’année a été « difficile du fait d’une baisse du prix de vente de 4,4 % », indique Patrick Pageard, le président du Cidef. Côté canard, l’année 2016 a été marquée par une forte baisse de la production de canards gras liée à la grippe aviaire. Ce manque de production a été compensé par une forte hausse des importations (+25 %). Du côté de la pintade, les mises en place ont progressé pour la seconde année consécutive après dix années de baisse, mais 2017 ne devrait pas confirmer la tendance. Le Synalaf annonce enfin une croissance de 1 % de la production de volailles label Rouge, IGP et bios en 2016.

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