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Accords de libre-échange de l’UE : quels seront les gagnants et les perdants dans l’agriculture et l’agroalimentaire

L’effet cumulé des dix accords de libre-échange en cours de négociation ou de mise en œuvre par l’Union européenne serait positif pour le secteur agricole selon une modélisation réalisée par le Centre commun de recherche de la Commission européenne. Mais beaucoup de filières seraient en réalité perdantes, comme le bœuf, la volaille et le sucre. 

diorama collage of Europe with container ship on each seas
L'Union européenne accélére les négociations sur les accords commerciaux bilatéraux.
© Généré par l'IA

Le Mercosur n’est pas le seul traité de libre-échange que négocie l’Union européenne. Il faut aussi prendre en compte les négociations en cours ou tout juste conclues avec l’Australie, le Chili, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Thaïlande. 

Modéliser les effets des traités de libre-échange en 2032

Le Centre commun de recherche de la Commission européenne (ou Joint Research Center, JRC) a publié début 2024 une étude1 actualisant celle de 2021 sur les effets cumulés de ces dix accords commerciaux pour le secteur agroalimentaire européen d’ici à 2032.

Lire aussi : Accords de libre-échange, à quoi les filières alimentaires doivent s’attendre ?

Un exercice de modélisation technique qui conclut à une accélération des échanges, importations comme exportations. Les auteurs étudient un scénario conservateur et un scénario ambitieux. Le scénario conservateur retient 97 % des lignes tarifaires entièrement libéralisées avec une réduction tarifaire de 25 % pour les produits sensibles pour les accords encore en discussion. Le scénario ambitieux retient 98,5 % des lignes tarifaires entièrement libéralisées avec une réduction tarifaire de 50 % pour les produits sensibles dans ces derniers accords. 

Produits laitiers, vins et viande porcine font partie des produits dont les exportations européennes sont attendues en hausse après la signature de ces traités de libre-échange, au contraire, certaines filières vont en souffrir, avec des importations en progression, comme la viande bovine, la volaille et dans une moindre mesure les fruits

Le secteur laitier pourrait être gagnant des accords de libre-échange

Se projetant à 2032, l’étude estime ainsi que comparé à un scénario de base sans aucun de ces 10 accords en œuvre, le scénario ambitieux permettrait d’accroître de 4,8 % les exportations de produits laitiers, soit 780 millions d’euros supplémentaires. La collecte laitière progresserait alors de 0,1 % et les prix du lait de 0,4 %, ajoutant 323 millions d’euros à la valeur de la production de lait. 

Lire aussi : Mercosur : Produits laitiers, vins et spiritueux, ces filières ont-elles un intérêt à l’accord ?

Les produits du porc en profiteraient aussi

Même raisonnement pour les produits du porc, avec une hausse attendue de 5,4 % des exportations, soit 566 millions d’euros, pour 118 000 tonnes équivalent carcasse exportées en plus. Les prix du porc augmenteraient alors de 1,3 % et la production de 0,4 %, toujours selon ce scénario ambitieux. 

Bœuf, sucre, riz, volaille, perdants du libre échange

Lire aussi : « La France importe déjà du Mercosur pour 1,92 milliard d’euros de produits agricoles et agroalimentaires »

Les importations de viande bovine en nette hausse

Toujours selon ce scénario ambitieux, les importations européennes de viande bovine pourraient augmenter de 24 %, et tout de même de 21 % avec le scénario conservateur. En cause, le bond des envois du Mercosur (432 millions d’euros de plus dans tous les scénarios) mais aussi ceux de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Ces 81 000 à 91 000 tonnes de plus engendreraient une chute des prix de 2,4 % et de la production de 0,9 %. 

Lire aussi : Mercosur : « Nous sommes aujourd’hui à un tournant décisif » s'alarment quatre interprofessions agricoles

La volaille européenne serait plombée par les exportations

Même constat pour la volaille, avec des importations communautaires qui progresseraient de 209 000 à 274 000 tonnes selon les scénarios (+21,3 % à +28,3 %), notamment du Mercosur et de la Thaïlande.  La production européenne reculerait alors de 1,3 % à 15 %.

Réorganisation des circuits de l’agneau

Les importations de viande ovine progresseraient, quant à elles, de 4 000 à 6 000 tonnes, avec une baisse attendue du prix au producteur européen de 1,9 % à 2, 7% et donc de la production de 0,3 % à 0,5 %. A noter, l’Australie gagnerait des parts de marché dans l’UE aux dépens de la Nouvelle-Zélande. 

Le riz européen face à la concurrence thaïlandaise et indienne

En riz, les importations progresseraient de 47 000 à 82 000 tonnes, de Thaïlande et d’Inde. La production communautaire reculerait de 1,2 % à 2,3 % mais les auteurs se montrent prudents, les variétés cultivées n’étant pas les mêmes en UE et en Asie. 

Le Mercosur menace le sucre

Comme le Brésil est un acteur mondial du sucre, un traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur conduirait à une hausse des importations de 183 000 à 200 000 tonnes, soit 13 % à 15 % de plus. 

Lire aussi : Qu’est-ce que le « split » qui pourrait faire passer l’accord UE-Mercosur ?

Peu d'effet sur les légumes, mais les fruits pourrait souffrir des traités

Les filières des fruits peuvent redouter les accords avec le Mercosur et la Nouvelle-Zélande avec des envois attendus en hausse tandis que les exportations de l'UE ne bénéficieront pas des traités puisque les pays ne sont que très peu acheteurs de marchandises européennes. En revanche, l'impact sur les productions légumières est jugé peu significatif dans le modèle utilisé. 

Un peu moins d’échanges entre l’UE et le Royaume-Uni

Les auteurs s’attachent aussi à modéliser l’impact des accords de libre-échange que négocie, de son côté, le Royaume-Uni, sur les flux entre l’UE et son ex-membre. Les accords récents du Royaume-Uni avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et son adhésion future au CPTPP (Partenariat transpacifique global et progressiste) pourraient réduire les exportations de l'UE vers le Royaume-Uni de 300 millions d'euros. La balance commerciale agroalimentaire de l'UE pourrait diminuer de 261 millions d'euros. Cet impact est considéré comme très faible, la balance commerciale agroalimentaire UE-Royaume-Uni étant estimée à 28 milliards d'euros en 2032. La création de nouveaux marchés pour les produits de l'UE compenserait en partie l'érosion des préférences résultant de l'accord commercial UE-Royaume-Uni, selon le degré de libéralisation des échanges entre l'UE et ses partenaires.

 

1 European Commission: Joint Research Centre, Ferrari, E., Elleby, C., De Jong, B., M'barek, R. et al., Cumulative economic impact of upcoming trade agreements on EU agriculture – Update 2024, Publications Office of the European Union, 2024, https://data.europa.eu/doi/10.2760/54976

 

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