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Entreprise
Priorité à la sécurité sanitaire pour le centenaire Pochat & Fils

Touchée l’an dernier par des rappels liés à une contamination de Escherichia coli, et alors que le lait cru est montré du doigt, la fromagerie Pochat & Fils a récemment ouvert ses portes à la presse, évoquant ses contrôles sanitaires très stricts. Reportage.

Après une année 2018 où les rappels des fromages Pochat & Fils, à cause de taux de Escherichia coli (E. coli) anormalement élevés, ont « affecté toute la filière », d’après Mathilde Paignat, directrice marketing et développement des ventes de la société, le fabricant et affineur de fromages savoyards a fêté ses cent ans. Une occasion pour la société, rachetée par Lactalis en 2005, d’ouvrir ses portes aux médias, le 23 mai, et d’insister sur l’importance du respect de la sécurité sanitaire.

« À partir du moment où nous travaillons sur du vivant, à savoir du lait cru, il y a toujours des risques. Le lait commercialisé est de plus en plus propre. Deux conséquences : les consommateurs sont de moins en moins immunisés, et dès qu’il y a une bactérie dans le lait, celle-ci se développe très rapidement », souligne Bruno Agnellet, producteur de reblochons fermiers. « Après la crise de l’an dernier, la Direction générale de l’alimentation a interdit la consommation de fromage au lait cru dans la restauration collective pour les enfants de moins de 5 ans. En soi, il y a même un risque jusqu’à l’âge de quinze ans », ajoute Mathilde Paignat.

Nous arrivons facilement à identifier le problème et le producteur concerné

La société analyse chaque livraison sur l’exploitation agricole des producteurs et une fois les fromages dans les caves. En plus du taux de cellules dans le lait, les résultats signalent également les taux dans les fromages de E. coli, staphylocoques, Listeria et de salmonelles. « Nous avons des contrôles déjà très stricts par les autorités. Nous travaillons étroitement avec le Syndicat du reblochon afin de les renforcer d’autant plus. Il arrive que certains lots doivent être rappelés alors qu’ils ont été expédiés. Grâce à la traçabilité renforcée de nos produits, nous arrivons facilement à identifier le problème et le producteur concerné. Il arrive cependant que lorsque les produits reviennent, nos contre-analyses infirment la déclaration de contamination. Mais notre politique est de ne prendre vraiment aucun risque. Au moindre doute, les lots concernés sont rappelés », justifie Mathilde Paignat.

Afin d’éviter toute contamination, le cahier des charges du reblochon interdit de nourrir les vaches avec de l’ensilage ou de l’enrubannage d’herbe. Ces aliments risquent de contenir des bactéries butyriques, qui se trouvent naturellement dans le sol. Elles se retrouvent dans le lait puis dans le fromage et peuvent créer des lainures dans l’emmental en libérant du gaz : des conditions idéales pour le développement des Listeria.

Une année 2018 satisfaisante en matière d’activité

Malgré ces soucis sanitaires, Pochat & Fils a connu une année 2018 « satisfaisante », réalisant 80 millions d’euros de chiffre d’affaires et ayant affiné et commercialisé plus de 10 000 tonnes de fromages (soit 95 millions de litres de lait). La société fromagère travaille aujourd’hui avec 300 exploitations agricoles laitières, possède six fromageries et caves d’affinage et emploie 286 salariés. « Notre objectif est de développer durablement les filières AOP et IGP », précise Mathilde Paignat. À noter : 80 % des volumes de Pochat & Fils sont réalisés sous AOP ou IGP, dont la production du beaufort est « la plus valorisée auprès des producteurs », ajoute-t-elle.

Pochat & Fils vend ses produits à toutes les enseignes de grande distribution et à des crémiers fromagers. Sa gamme de fromages s’est élargie, avec le fromage à raclette à l’ail des ours et une tomme de montagne à l’ail des ours, qui ont tous deux reçu « un très bon accueil des consommateurs », rapporte Mathilde Paignat.

Pour 2019, Pochat & Fils continue d’innover, avec le lancement d’une tomme fondante au chèvre, qui est un mélange original de lait de vaches savoyardes et de crème de chèvre, affinée quatre semaines au minimum. Toute la gamme de la société fromagère dispose d’un nouveau packaging pour 2019, sur lequel il est précisé que la marque est désormais centenaire. La fromagerie Pochat vend une partie de ses fromages en dehors des frontières françaises, majoritairement aux pays limitrophes, à savoir Allemagne, Espagne et Belgique, mais aussi aux États-Unis.

Un souci de renouvellement de main-d’œuvre

Le site d’Annecy du fabricant et affineur de fromages, qui emploie 50 personnes (hors saisonniers), possède huit caves, lui offrant une capacité de plus de 9 000 meules conservées à 7 °C. « Le beaufort doit rester 5 mois dans son lieu de fabrication, c’est le cahier des charges qui l’impose. Quand les meules arrivent ici, nous pouvons continuer l’affinage lorsque c’est nécessaire. Selon les clients, le beaufort peut nécessiter jusqu’à 5 mois supplémentaires d’affinage », affirme Alain Berolatti, responsable de l’affinage des pâtes pressées cuites à la fromagerie d’Annecy.

Nécessitant près de 400 litres de lait, chaque meule de beaufort pèse jusqu’à 45 kg, et est retournée manuellement dans les caves tous les 2 jours pour ne pas qu’il y ait de lainures. Les meules d’emmental peuvent peser jusqu’à 75 kg, entraînant un retournement manuel difficile. « Nous étudions des solutions pour aider à la manutention pour réduire la pénibilité du travail, et espérons attirer de la main-d’œuvre lorsque les salariés actuels partiront. Nous maintiendrons cependant un soin manuel des fromages, car les caves ne sont pas adaptées aux robots », explique Cédric Guillou, directeur de la fromagerie d’Annecy.

Nous voulons réduire la pénibilité du travail

Une incompatibilité qu’Alain Berolatti ne voit pas d’un mauvais œil : « En retournant les meules à la main, nous pouvons jauger et adapter le frottage du sel qui a été déposé dessus au préalable et qui a fondu grâce à l’humidité de la cave. Ça, la machine ne peut pas le faire ! »

Une production de reblochons diminuée au printemps

« Pendant les mois d’avril, mai et juin, nous devons diminuer nos productions de fromages de 25 %, car les gens en consomment moins au printemps, et pour ne pas faire déborder les stocks des fromageries », affirme Bruno Agnellet, producteur de reblochons fermiers pour Pochat & Fils. Les éleveurs profitent de ce moment pour faire de la tomme, en faisant tourner le lait dans un chaudron en cuivre à 40 °C (au lieu de 33 °C pour le reblochon). Le grain du lait obtenu, plus fin et plus sec, est récupéré pour la fabrication du fromage. Le liquide résiduel, nommé le petit-lait, est riche en protéines, calcium et en matières grasses. « L’éleveur le passe dans la centrifugeuse, puis dans une baratte pour en faire du beurre. Le petit-lait écrémé est ensuite redonné aux vaches de tout âge », explique Bruno Agnellet. Ce procédé permet de valoriser les déchets de la production du fromage. « Jeter le petit-lait écrémé dans les égouts est interdit, car très mauvais pour l’environnement », prévient-il. Pour le reblochon, comme pour le beaufort, les races bovines montbéliardes, abondances et tarines sont autorisées par les cahiers des charges.

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