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Porc bio : « On a demandé à nos producteurs de produire 20 à 30 % de moins »

Le porc est la viande qui a été la plus touchée par la crise du bio. Avec des coûts de production en bio bien supérieurs au conventionnel, les prix de vente ont effrayé une partie des consommateurs déjà touchés par l’inflation. Arrêts, quotas, l’amont a baissé sa production au point que, désormais, le marché se retourne et les opérateurs rapportent un manque de viande de porc bio. 

viande de porc bio à biocoop
En magasins spécialisées, la consommation de viande bio se stabilise
© Dorothée Briand

« Le porc bio a connu une énorme crise », prévient Aurélie Mauget, directrice des fonctions support de la coopérative Unebio. « En porc, on a vraiment souffert, beaucoup plus qu’en viande bovine où les coûts de production sont plus similaires à ceux du conventionnel » abonde Jérôme Jacob, éleveur de porcs bio et président de Bretagne Viande Bio

« En porc, on a vraiment souffert »

En effet, même si les cours du porc conventionnel sont restés assez élevés en 2023, le porc bio en valait le double, ce qui pourtant « couvre à peine les coûts de production », souffle l’éleveur. Des coûts élevés liés à un cahier des charges bio très contraignant qui rend l’élevage complètement différent du standard.

En rayon, un consommateur qui se détourne du porc bio

Et c’est ainsi qu’en grande surface on peut trouver aujourd’hui du jambon bio aux alentours de 40 €/kg, contre des références de marque nationale en conventionnel autour de 20 €/kg. De quoi faire réfléchir à deux fois le consommateur, en cette période d’inflation. De plus, le porc bio est devenu rare en rayon. « Certes la GMS a rationalisé l’offre mais Système U, avec Les Porcs bio de France nous a accompagné pendant la crise, en mettant notamment un jambon bio dans son panier anti-inflation » nuance Aurélie Mauget.

Lire aussi : Unebio : « Dans nos boucheries, le bio avance masqué » 

Chute de la production française de porc bio

La consommation a chuté rapidement et les groupements ont dû s’adapter. « On a une caisse de sécurisation qui finance les déclassements, mais la situation était très difficile, la filière bovine a dû soutenir le porc, nous avons des valeurs collectives » explique Aurélie Mauget pour Unebio. 

 « La filière bovine a dû soutenir le porc, nous avons des valeurs collectives » 

Des déclassements à gérer

Du côté de Bretagne Viande Bio, mêmes souvenirs « on s’est retrouvés en surproduction. Or, un porc, on ne peut pas le stocker sur pied, il faut le nourrir et la qualité se dégrade. On a donc dû déclasser, ce qui coûte 200 €/porc », explique Jérôme Jacob, concluant « On a demandé à nos producteurs de produire 20 à 30 % de moins, on a mis des quotas ».  « On avait 40 éleveurs de porcs, on n’en a plus que 23 » renchérit Aurélie Mauget pour Unebio. Plusieurs ont jeté l’éponge, certains sont passés en vente directe et un en Label Rouge. « En porc bio, on ne peut pas se déconvertir, le bâtiment est spécifique, d’où les arrêts », précise Jérôme Jacob ; estimant qu’à Bretagne Viande Bio, ils ont perdu une petite dizaine de producteurs sur les 30, « mais les jeunes ont été les plus impactés. Ils avaient des amortissements, et un prévisionnel à base de croissance du bio ».

Lire aussi : Viande bovine bio : « On est moins nombreux à se partager le gâteau » 

Au total, les abattages de porc bio en France ont à peine dépassé 21 000 tonnes équivalent carcasse en 2023, en chute de 23 %.

Une relative pénurie de porc bio

« Aujourd’hui, le marché est à peu près équilibré, ce n’est pas grâce à un retour de la demande mais plutôt à la chute de l’offre », juge l’éleveur de porc, qui parle d’une « relative pénurie ». Même discours à Unebio, « depuis quelques mois, on manque de porc ». 

Lire aussi : La consommation de viande bio, passée sous son niveau de 2018, peut-elle repartir ? 

Un déplacement de la consommation

À Unebio on évoque des nouvelles commandes de la restauration collective, notamment sur du sauté. À Bretagne Viande Bio, Jérôme Jacob met en avant « le déplacement de la consommation de la GMS, où on a été très déréférencés vers les magasins spécialisés ». L’éleveur reste dubitatif sur le débouché de la restauration, « ils utilisent le porc bio en dernier recours. Pourtant la viande bio, c’est 30 % de pertes en moins à la cuisson » et met en avant les démarches de sensibilisation pour aider à changer les pratiques.

Philippe Sellier, le président d’Interbev Bio pointe aussi la bonne résistance de la vente directe « le consommateur cherche les bons plans, et va au contact des producteurs ». 

« Pour faire un cochon bio, ... il faut un an. Comment sera le marché dans un an, c’est compliqué de se projeter »

Une grande prudence des éleveurs de porcs bio

Face à ce nouveau déséquilibre du marché, Aurélie Mauget explique « On propose aux éleveurs de remettre en production mais ils sont frileux… ce qui se comprend. On accompagne au mieux. C’est dur, on rupture des clients alors qu’il y a quelques mois on avait trop… ». Va-ton assister à un retour de la production ? « Pour faire un cochon bio, de la gestation à l’abattage, il faut un an. Comment sera le marché dans un an, c’est compliqué de se projeter » s’interroge Jérôme Jacob. 

 

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