Œufs de poules élevées en cage : est-ce vraiment fini en 2025 ?
La transition de la filière œufs hors des cages a été retardée cette année, mais va devoir s’accélérer pour répondre aux engagements des opérateurs. Matériellement, faire évoluer l'intégralité des systèmes cages existant vers l’alternatif va s’avérer intenable d’ici fin 2025. Importer, ou rééchelonner ses engagements, voici la question à laquelle vont devoir répondre les utilisateurs d’œufs.
La transition de la filière œufs hors des cages a été retardée cette année, mais va devoir s’accélérer pour répondre aux engagements des opérateurs. Matériellement, faire évoluer l'intégralité des systèmes cages existant vers l’alternatif va s’avérer intenable d’ici fin 2025. Importer, ou rééchelonner ses engagements, voici la question à laquelle vont devoir répondre les utilisateurs d’œufs.
2025, c’est la date qui résonne dans les engagements des acteurs, distributeurs, grossistes, chaînes de restauration pour arrêter définitivement la commercialisation d’œufs issus de poules élevées en cage. 1er janvier ou 31 décembre 2025 ?
« il n’y aura pas assez d’œufs alternatifs pour répondre à la demande»
Probablement décembre, « il n’y aura pas assez d’œufs alternatifs pour répondre à la demande» tranche Aymeric Le Lay, chargé d’étude économique à l’Itavi.
La France pourra-t-elle répondre à ses besoins d’œufs alternatifs ?
La transition hors des cages a ralenti
Au 1er novembre, un quart des œufs français sont produits par des poules élevées en cage, comme en 2023 (25,7 %).
La baisse du poids de la cage s’est arrêtée en 2024. « La demande d’œufs de cage est bien présente d’une part. De l’autre, il faut au moins deux ans entre le projet de rénovation ou construction et à la première mise en place de poules pondeuses. Or en 2022 avec la flambée des coûts de construction il y a eu peu de projets. On devrait voir arriver les premiers nouveaux bâtiments l’an prochain, commandés en 2023 », explique l’agroéconomiste.
Passer de la cage au sol ampute le potentiel
« Lorsqu’une exploitation rénove un bâtiment pour le faire passer de la cage au sol, elle perd 20 % de capacité en moyenne selon notre étude », explique Aymeric Le Lay, qui pointe « tout l’enjeu pour la filière c’est de limiter cette perte, quand une exploitation a une autorisation de production, il faut la garder ». L’Itavi estime à environ 25 €/poule le coût d’une rénovation d’un bâtiment, pour passer de la cage au sol.
« quand une exploitation a une autorisation de production, il faut la garder »
Dans le cadre de la construction d’un nouveau bâtiment, l’investissement monte à 50 €/poule. « Ainsi pour passer un bâtiment de 100 000 poules en cages en 80 000 poules au sol, on est sur un investissement de 2 millions d’euros. Pour garder la même capacité de production, il faut investir 3 millions, c’est très lourd », calcule Aymeric Le Lay.
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S’attendre à un déficit d’œufs alternatifs en 2026
Selon les estimations de l’Itavi, le nombre de poules en cage passerait de 14 millions en 2023, où le marché a déjà été globalement tendu sur l’année, à 6,7 millions en 2026. « C’est l’année où l’on peut supposer qu’il y aura le plus d’écart entre l’offre et la demande d’œufs alternatifs » estime l’économiste. Dans l’hypothèse que les engagements de l’aval sont maintenus, et qu’il y a de la disponibilité d’œufs à l’étranger, le taux d’auto-approvisionnement pourrait tomber à 90 % en 2026. Une remontée progressive est attendue par la suite, sans pour autant retrouver l’autosuffisance.
« À court terme, un recours accru aux importations semble inévitable »
« À court terme, un recours accru aux importations semble inévitable, bien que ses modalités précises restent difficiles à anticiper. Il n’est pas exclu que des relations commerciales créés à cette occasion se maintiennent à moyen et long terme » prévient l’économiste.
Importer des œufs alternatifs ou vendre des œufs de cage français ?
Pour les utilisateurs d’œufs ayant communiqué sur les engagements, 2026 risque donc d’être tendue. La demande va se focaliser sur l’alternatif, tandis que l’offre de cage sera encore potentiellement bien présente. Il faudra faire un choix.
« On a du mal à imaginer les GMS remettre plus d’œufs de cage. On a aussi du mal à imaginer les GMS proposer des œufs étrangers. Mais on a surtout du mal à imaginer que les GMS laissent des rayons vides.»
« On a du mal à imaginer les GMS remettre plus d’œufs de cage. On a aussi du mal à imaginer les GMS proposer des œufs étrangers. Mais on a surtout du mal à imaginer que les GMS laissent des rayons vides. L’œuf alternatif français ira en priorité aux GMS. Le courant d’import, cage ou autre, se renforcera d’abord sur les segments RHD et ovoproduits. Cela donnera aussi un peu de marge de manœuvre aux acheteurs dans la négociation face aux éleveurs et organisations de production », juge Aymeric Le Lay.
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A noter que le recours à l’importation d’œufs alternatifs implique selon toutes probabilité que les « frères » des pondeuses auront été broyés, une avancée pour le bien-être animal cachant donc un recul. Recul qui ne manquerait pas d’être soulevé par les éleveurs français ou les ONG. « Mais si cela devient nécessaire aux GMS françaises, rien n’empêchera certains de nos voisins d’importer des poulettes ovosexées pour les élever au sol et exporter les œufs vers la France », nuance néanmoins le spécialiste.
« Rien n’empêchera certains de nos voisins d’importer des poulettes ovosexées pour les élever au sol et exporter les œufs vers la France »
Rééchelonner les engagements
« Certains opérateurs peuvent aussi opter pour une communication positive, expliquer que l’offre manque pour faire la transition maintenant, qu’ils sont attachés à l’origine France et proposent donc des œufs français, mais de code 3, et donner des gages aux ONG qui les pressent que leur transition est bien en route », évoque l’économiste. Parmi les opérateurs les plus susceptibles de rester sur du code 3, il évoque les supérettes, les circuits parallèles mais aussi la restauration hors domicile, notamment collective.
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Jusqu’à quand la France produira-t-elle des œufs de code 3 ?
« Un bâtiment de code 3, bien entretenu, peut durer très longtemps », avance Aymeric Le Lay. L’Itavi a mené, pour le CNPO, une étude visant à mieux comprendre le devenir des bâtiments de cage. D’après les réponses obtenues, l’Itavi projette environ 2,5 à 3 millions d’emplacements perdus, d’ici 2030, que ce soit à cause des arrêts ou des pertes lors des conversions.
« Un bâtiment de code 3, bien entretenu, peut durer très longtemps »
Il resterait alors 3,5 à 4 millions d’emplacements pour des poules en cage. « Cette production de code 3 se fera en spot, il ne devrait pas y avoir d’opérateurs preneurs pour des contrats longs sur de la cage. Ce seront les cagistes qui porteront le risque de faire le lot de trop et de ne plus trouver preneur, mais les résultats économiques du moment leur ont donné des reins solides » projette l’économiste. Car le jour où tous les acteurs assumeront leurs engagements, ce sont plus de 70 % des débouchés du code 3 qui se fermeront. Reste l’export. « La France peut être compétitive, mais il est essentiel d’investir en R&D » assure Aymeric Le Lay.
Une conversion à marche rapide
En 2014, il y avait plus de 30 millions de pondeuses en cages aménagées. En 2024, il en reste 14 millions. L’Itavi projette le maintien de 4 millions d’emplacements en 2030 et le passage de 3 millions d’emplacements en code 2 d’ici 2026. Sur la période 2027-2030, il y aura donc 7 millions de poules à passer à l’élevage au sol. « Cela représente 35 élevages par an à convertir ou remplacer, heureusement qu’il y a une douzaine de fabricants de volières », calcule Aymeric Le Lay. Les cages démontées en France devraient trouver preneurs dans des pays intéressés par les cages aux normes de l’UE, comme l’Ukraine.
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Vers une restructuration des centres de conditionnement ?
« Il y a un enjeu sur tous les centres de conditionnement attenants à des emplacements en code 3 », prévient également Aymeric Le Lay, qui note qu’il y a actuellement une surcapacité en France, d’autant plus qu’avec la robotisation des gains de productivité peuvent encore être effectués. Si certains petits ou obsolètes pourraient fermer, il faut s’attendre à un mouvement de consolidation, avec des rachats. « Certains capitaux étrangers pourraient investir en France », évalue l’économiste.