Point de vue
« Nous avons passé le cap des 3 000 fermes bios »
Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de la Bretagne, a fixé l’objectif de hisser sa région au niveau de leader européen du bien-manger, avec le bio « en tête de pont ». Il reformulera ce vœu lors de l’inauguration du prochain Space.
Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de la Bretagne, a fixé l’objectif de hisser sa région au niveau de leader européen du bien-manger, avec le bio « en tête de pont ». Il reformulera ce vœu lors de l’inauguration du prochain Space.
Les Marchés Hebdo : Première région agroalimentaire historique de France, la Bretagne se situe au 6e rang pour le nombre d’exploitations et d’opérateurs aval bio et au 8e rang des conversions. Selon vous, peut-elle rapidement progresser dans le classement ?
Loïg Chesnais-Girard : On nous compare à des régions beaucoup plus grandes et ayant des cultures différentes. En lait bio, nous sommes leaders. On installe 200 jeunes en bio par an, c’est considérable. Nous avons passé le cap des 3 000 fermes bios sur 32 000 exploitants avec une dynamique très forte. On va encore progresser. Je sens une appétence pour le bio, c’est une bonne nouvelle.
Nous consacrons 32 millions d’euros d’aides directes et indirectes au bio
LMH : Il y a un an, dans une tribune, vous appeliez la Bretagne à devenir le leader européen du bien-manger. Remplir cette ambition nécessite-t-il, selon vous, forcément une montée en puissance dans le bio ?
L. C.-G. : Nécessairement, car le bien-manger passe par des efforts dans tous les domaines. Le bio est à la pointe, mais le bien-manger, c’est pour tous. Et il faut reconnaître que tout le monde ne peut pas se payer du bio. L’ensemble de l’agriculture bretonne doit passer à l’agroécologie, avec le bio en tête de pont.
LMH : Quel budget la Région consacre-t-elle (en 2019, 2020) au soutien de l’agriculture bio ? Quid des industries agroalimentaires souhaitant s’engager ou innover sur ce créneau ? Comment les incitez-vous ?
L. C.-G. : Nous consacrons en moyenne 24 millions d’euros par an à l’aide au maintien – nous sommes l’une des seules régions à l’avoir maintenue –, au soutien à la conversion au bio et aux aides agroenvironnementales (Maec, ndlr). Si l’on ajoute le pass bio (pour le conseil) et les investissements indirects, on arrive à 32 millions d’euros d’aides directes et indirectes. L’industrie agroalimentaire, on l’accompagne dans son ensemble sur la transition écologique et la montée en gamme, l’un des outils étant le bio. Nous constatons que beaucoup d’industriels basculent une partie de leurs gammes en bio. Souvent, ce choix s’accompagne d’investissements, on les accompagne.
Je n’ai pas à rougir de nos tomates
LMH : Le 11 juillet 2019, le Comité national de l’agriculture biologique (Cnab) a adopté des dispositions pour encadrer en France le chauffage des serres pour la production des légumes d’été en agriculture biologique. Une mauvaise nouvelle pour la Bretagne ?
L. C.-G. : Pour moi, les règlements et normes au niveau du bio doivent être pris au niveau européen. Prendre des mesures nationales est antinomique de la réalité du marché européen. Si chaque pays fait une réglementation différente, nous allons contre la clarté pour le consommateur. Nous travaillons avec nos serristes vers le zéro carbone fossile, ce qui ne veut pas dire zéro chauffage. Nous travaillons sur le bois bocage, la méthanisation, la cogénération. Cette chaleur est envoyée dans le ciel ! Il vaut mieux l’injecter dans les serres. Manger une tomate bio provenant de serres chauffées avec zéro pesticide et zéro carbone fossile me semble plus pertinent que manger une tomate bio qui a fait 3 000 kilomètres. Je n’ai pas à rougir de nos tomates. Au Space, je réitérerai notre message en faveur de l’agroécologie et de l’autonomie alimentaire.
La recentralisation des aides bios, une très mauvaise nouvelle
LMH : Quelle est votre position concernant la réforme du règlement bio européen et la réforme de la Pac sur l’aspect bio ?
L. C.-G. : Il faut continuer les débats sur la veille opposition entre le bio artisanal et industriel. Si on veut nourrir 60 millions de personnes en bio, il va falloir se poser la question : comment fait-on ? Le sujet de l’intensité agricole doit être posé. La Pac a plutôt avancé sur le bio, mais j’ai une inquiétude sur la recentralisation des aides bios et Maec, aujourd’hui gérées par les Régions, annoncée par le gouvernement. C’est une très mauvaise nouvelle.
LMH : À la suite de la prise d’un arrêté anti-pesticides du maire de Langouët, Emmanuel Macron a annoncé souhaiter « aller vers un encadrement des zones d’épandage de pesticides ». Êtes-vous pour cette évolution réglementaire ?
L. C.-G. : Je suis très à l’aise avec cela. Dans le cadre de la Breizh Cop (initiative de concertation pour construire un projet de transition pour le territoire breton, ndlr), nous avons fixé l’objectif de zéro pesticide chimique en 2040. C’est très ambitieux et très compliqué. Pour l’urgence, la question des parcelles jouxtant les habitations, nous faisons la proposition d’une contractualisation entre l’agriculteur et la collectivité, avec accompagnement financier si besoin. Le corollaire étant que nous nous attaquions à la disparition des terres agricoles, grignotées par les lotissements et zones d’activités.