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Chronique
Mais qu’est-il donc arrivé au nom Petrus ?

Le 12 juin, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du célèbre château bordelais Petrus à Pomerol qui réclamait à une société girondine de ne plus commercialiser de vin utilisant le mot Petrus. Décryptage.

Didier Le Goff, avocat

Le monde du vin se retrouve une nouvelle fois dans l’actualité judiciaire. Il y a trois mois, nous rapportions le cas d’une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne qui avait considéré qu’une marque de vin portugaise qui était constituée de la jonction d’un mode de production et d’un lieu géographique était dépourvue de distinctivité. Et nous en tirions les conséquences pour la plupart des marques viticoles françaises qui sont constituées de la sorte.

Le 12 juin 2019, la Cour de cassation aurait définitivement tranché ce jour en faveur d’une absence de protection du nom Petrus.

L’examen de l’arrêt en cause et des antécédents du litige enseignent cependant que les choses ne sont pas aussi simples. D’autant plus que l’objet du litige n’était pas tant la question de savoir si le nom Petrus devait être protégé dans sa patrimonialité-même par le droit de la propriété intellectuelle, que de déterminer si, dans un contexte précis, l’utilisation parmi d’autres éléments d’étiquetage, de ce terme par un tiers, est de nature à induire le public en erreur en caractérisant le délit de pratique commerciale trompeuse.

En décembre 2010, des opérateurs du milieu viticole de la place de Bordeaux déposent une marque complexe intégrant le terme Petrus pour désigner des vins d’appellation d’origine.

La célèbre maison de Pomerol forme immédiatement opposition à son enregistrement sur la base d’un droit antérieur, mais cette opposition est rejetée pour absence de risque de confusion entre les deux signes en présence. Nous étions alors sur le terrain du pur droit des marques.

Mention « second vin »

Mais plus tard, Petrus relève l’offre à la vente sur Internet d’un vin présenté, selon elle comme le second vin de Petrus. Une plainte est immédiatement déposée pour contrefaçon de marque et pratiques commerciales trompeuses, et une instruction est ouverte.

La prévention met en évidence, outre l’usage du nom Petrus dans un ensemble complexe, la mention « second vin », et retient le seul grief de pratiques commerciales trompeuses. En 2016, des condamnations sont prononcées. Mais, en 2018, la cour d’appel de Bordeaux provoque un coup de théâtre en réformant la décision et en relaxant les prévenus.

Pour elle, aucune des mentions d’étiquetage critiquées n’était de nature à susciter la confusion dans l’esprit du consommateur, ni prise isolément ni en combinaison les unes avec les autres. Spécialement en ce qui concernait la mention « second vin », stigmatisée par la prévention, car l’opérateur mis en cause n’en avait pas commercialisé de premier. La cour d’appel considère qu’une telle pratique n’est pas interdite, et que la véritable question est de savoir si cette mention est apposée pour faire croire à un second vin de Petrus ou non.

La contre-étiquette prouve que non.

Attirer l’attention du client

Pour la cour d’appel de Bordeaux, il s’agit d’une utilisation habile de leur marque par les prévenus dans le but d’attirer l’attention du client. Mais attirer l’attention du client ne signifie pas le tromper ou risquer de le tromper, l’étiquette, complétée de la contre-étiquette ne laissant pas de place à l’ambiguïté. C’est cet arrêt qui vient d’être approuvé en tout point par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

On le voit, cette affaire ne portait pas sur la patrimonialité du nom Petrus, mais sur la faculté d’opposer celui-ci dans un litige de pur droit de la consommation, dans des circonstances extrêmement précises même si cette problématique de risque de confusion est également présente en droit des marques.

Cette notion relevant du pouvoir souverain du juge du fond, puisse l’arrêt du 12 juin amorcer une forme de convergence entre juge des marques et juge de la consommation, qu’il soit civil ou pénal, sur l’approche du risque de confusion parmi la clientèle.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international.

56, av. Victor Hugo, 75116 Paris - www.dlegoff-avocat.fr

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