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Limitée, l’offre en agneau tend à se réinventer

Le marché de l’agneau est tendu en France, avec une offre locale modérée et des importations limitées. Côté consommation, la filière veut faire bouger les habitudes des bouchers.

Il est des traditions qui ne semblent pas possibles de voir s’essouffler, comme le gigot d’agneau sur les tables de Pâques. Pourtant, la filière est consciente des changements progressifs des habitudes et ne veut pas voir l’agneau relégué en star d’un seul repas dans l’année. D’où le lancement ce printemps de la campagne « nos clients changent, changeons l’agneau ». Plus des trois quarts des volumes de viande d’agneau sont achetés par des personnes âgées de plus de 50 ans, selon Interbev.

« Il faut que nous parlions aux 35-49 ans, qui en plus ont des enfants qui profiteront de cette initiation au goût », explique Patrick Soury, président de la section ovins d’Interbev. « Le gigot est une pièce massive qui ne se prête plus à une consommation régulière, on veut proposer des mini-rôtis, des pièces pour wok, du haché », précise-t-il. Pour cela, l’interprofession veut s’appuyer sur les bouchers, artisans ou des grandes surfaces. « La France n’a pas les volumes pour rentabiliser des investissements en abattoir, comme au Royaume-Uni, alors on va vraiment s’appuyer sur les pièces ; la découpe », explique le président.

Cette année, cinquante points de vente ont été sélectionnés, en Nouvelle-Aquitaine, PACA et Occitanie, des régions de forte tradition de consommation d’agneau. Des bouchers, artisans ou de grandes surfaces, seront accompagnés : « On va les amener à travailler davantage de petites pièces, plus diverses et à des prix plus abordables pour le consommateur, pour leur montrer qu’en découpant davantage, on ne rogne pas sur les marges, mais on augmente les volumes ! » détaille Patrick Soury. Une philosophie dans la continuité de la stratégie précédente « Agneau Presto ».

« En découpant davantage, on ne rogne pas sur les marges, mais on augmente les volumes ! » Patrick Soury, président de la section ovins d’Interbev

Pour la saison actuelle, « on n’aura pas assez d’agneaux, malgré une production qui devrait être stable à haussière. Les importations, ce n’est plus une menace, mais un besoin pour répondre à la consommation », tranche Patrick Soury. La France ne produit que 45 % de la viande ovine consommée en France. La consommation dépend à 55 % des importations, selon les données 2020 relayées par Interbev.

Le Royaume-Uni dans le flou

Nos échanges avec le Royaume-Uni ont été perturbés par le Brexit dans un premier temps. Mais si l’on en croit les données des Douanes, ils sont depuis florissants, puisque les envois britanniques ont augmenté de 77 % en 2021, soit près de 26 000 tonnes équivalent carcasse (tec) supplémentaires ! Une flambée qui s’explique par le rôle de plaque tournante de la France dans le commerce de la viande ovine britannique, puisque nos exportations ont progressé de 83 % dans le même temps. Difficile de savoir quelle est la part de la viande ovine qui reste effectivement en France du fait des effets de stocks, mais il y a fort à parier qu’elle n’est pas plus forte qu’avant le Brexit, quand l’origine britannique représentait en moyenne 22 % de nos achats.

Un flou qui se retrouve aussi dans les données de production outre-Manche, de l’aveu même des analystes d’AHDB qui énoncent leurs prévisions avec circonspection. Les abattages devraient progresser au premier semestre 2022 par rapport à leurs bas niveaux de 2021, légèrement plus qu’en 2020. Au second semestre, là encore, les volumes devraient progresser sur un an, mais rester sous leurs niveaux de 2019 et 2020. À moyen terme, la production britannique pourrait renouer avec la hausse, mais l’incertitude domine faute de perspectives claires sur les politiques agricoles.

Une offre irlandaise limitée

85 % des agneaux irlandais sont destinés à l’exportation, et la France est leur première destination. « Les envois vers la France ont baissé en 2021, certes, car la demande y était calme avec la pandémie, mais surtout par manque d’agneaux », explique Germain Milet, analyste des marchés de la viande pour Bord Bia. « Avec le Brexit, de nombreux éleveurs avaient anticipé les abattages en 2020, il a donc manqué d’agneaux de report début 2021 », explique-t-il. De plus, les conditions météo avaient pénalisé la reproduction en 2020, donc aux naissances en 2021. Dans un contexte de marché positif, nombreux sont les éleveurs à agrandir les troupeaux et garder les agnelles. « On a constaté une hausse de 4 % du nombre de brebis reproductrices entre juin 2020 et juin 2021, elle devrait même être de 5 % en décembre », rapporte l’économiste. La recapitalisation pourrait continuer cette année, car le marché reste au vert.

Plus de reproductrices donc plus de naissances en 2022, « on s’attend donc à une hausse des disponibilités au second semestre, prévient Germain Milet. Pour autant, les exportateurs irlandais pourraient continuer à devoir faire des arbitrages, comme en 2021, où ils servaient avant tout les meilleurs clients et les marchés les plus rémunérateurs. » En France, l’agneau irlandais est majoritairement utilisé dans le secteur de la transformation et de la restauration, pour sa régularité, son prix compétitif et sa saisonnalité, en complément de l’offre française.

La Nouvelle-Zélande de moins en moins présente en France

La France a importé 9 360 tec de viande ovine en provenance de Nouvelle-Zélande en 2021, c’est 5,7 % de moins que le déjà bas niveau de 2020 et 28 % de moins qu’en 2019. Tout laisse à penser que les marchandises néo-zélandaises vont continuer à se raréfier sur le marché français. À court terme, car la production a reculé de 2,3 % en 2021 par suite de la baisse du nombre de brebis. Et de manière plus structurelle, parce que la Nouvelle-Zélande se tourne toujours plus vers les pays d’Asie du Sud-Est, très demandeurs, notamment la Chine, mais aussi les États-Unis. Ces marchés sont en croissance et avec des coûts logistiques moins importants que l’Union européenne. Quitte à faire parcourir un long chemin à ses cargaisons, le pays les orientera plus probablement vers le Royaume-Uni puisqu’un accord de libre-échange est en cours de ratification entre les deux pays, élargissant les quotas et promettant la fin des droits de douane dans seize ans.

L’élevage ovin est dynamique en France

La baisse du cheptel de brebis continue, « mais elle est atténuée, -1 % par an, c’est beaucoup moins qu’il y a une dizaine d’années », explique Patrick Soury, président de la section ovins d’Interbev. Parce que les jeunes sont attirés par la filière ovine, « on est à une installation pour un départ », se réjouit Patrick Soury, mettant en avant tout le travail de pédagogie et les investissements réalisés par la filière depuis des années. « Les effectifs continuent de s’effriter, car les jeunes s’installent avec de plus petits troupeaux, les pratiques changent », décrypte le président. Particularité des ovins, « près de 30 % des entrants sont des NIMA, non issus du milieu agricole, c’est bien plus que les autres productions. Les ovins intéressent, car il y a une multiplicité de systèmes adaptés à une multiplicité de régions, de projets de vie, de territoires », s’enflamme-t-il. Le cycle de production est aussi plus rapide qu’en bovin, et il y a moins d’investissements nécessaires.

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