Les éleveurs ovins crient leur colère à Bercy
Se sentant oubliés des annonces gouvernementales pour l’agriculture, des éleveurs ovins de la FNO sont venus manifester à Paris, devant Bercy. Ils ont obtenu un entretien avec Claire Durrieu, conseillère Transition écologique et Énergie au cabinet de Bruno Le Maire.
Se sentant oubliés des annonces gouvernementales pour l’agriculture, des éleveurs ovins de la FNO sont venus manifester à Paris, devant Bercy. Ils ont obtenu un entretien avec Claire Durrieu, conseillère Transition écologique et Énergie au cabinet de Bruno Le Maire.
« Alerte disparition. Nom : Elevage Ovin. Origine : France. Particularités : Vertueux mais en danger. Disparition inquiétante depuis le 01/02/2024. Je n’apparais pas dans les annonces sur l’agriculture. »
C’est avec ce message alarmiste écrit sur leurs t-shirts que plusieurs dizaines d’éleveurs ovins, membres du syndicat FNO (Fédération nationale ovine) ont réalisé une action surprise le 13 février 2024 à Paris, autour de leur présidente, Michèle Boudoin. Coups de sifflets, cloches de vaches qui retentissent, dégustations de produits du terroir offerts aux passants, la FNO a profité de son assemblée générale pour exprimer sa colère. D’abord rassemblés dans la cour de la Maison nationale de l’Élevage pour échanger avec les journalistes, les manifestants se sont ensuite rendus sur le parvis du ministère de l’Économie et des Finances, quelques mètres plus loin.
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Les accords de libre-échange dans le viseur
A l’origine de cette mobilisation, le sentiment d’avoir été abandonnés par le gouvernement lors des annonces faites par Gabriel Attal le 1er février 2024. «Elles ne sont pas suffisantes pour le secteur ovin », déplore la FNO dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux.
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Parmi les autres symboles forts : des petits drapeaux britanniques, chiliens et néo-zélandais affichés à l’envers comme les panneaux d’entrée de communes retournés par les agriculteurs en colère. « Les accords de libre-échange se multiplient et constituent une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes », proteste Patrick Soury, éleveur depuis 40 ans et maire d’Oradour-Fanais en Charente-Maritime. « Nos exploitations sont de taille modeste et nous subissons de plus en plus durement cette concurrence. En 40 ans, un tiers des éleveurs ovins et la moitié du cheptel ont disparu. »
« Les consommateurs et nous sommes les variables d’ajustement pendant que les industriels et la distribution se gavent.»
Autre point de discorde, le non-respect des lois Egalim qui ont provoqué des ventes à perte. « En 2022, en sortie de ferme, une bête nous a été, en moyenne, achetée 8,40 euros du kilo», précise Jean-François Dubaud, éleveur dans la Haute-Vienne. « Or, nos coûts de production ont représenté 11,50 euros, soit presque 3 euros de perte par tête. Alors oui, la PAC compense mais le prix de vente pour les consommateurs a augmenté. Eux et nous sommes les variables d’ajustement pendant que les industriels et la distribution se gavent.»
La crainte du non-renouvellement des générations
« Bruno Le Maire a annoncé un renforcement des contrôles et promis des sanctions mais pour l’instant, ce ne sont que des effets d’annonce, on y croit pas », tonne Etienne Fouché, venu du Lot. « Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas produire l’intégralité de la demande française en viande ovine, mais on nous pénalise en vendant moins chère une viande qui est venue surgelée de l’autre bout de la planète. Il y a un sacré problème. » Et de rappeler l’importance du travail des éleveurs sur la biodiversité et l’aménagement des paysages.
« Pour un jeune qui s’installe, le crédit peut aller de 500 000 à un million d’euros »
Le secteur ovin craint également pour sa survie et le renouvellement des générations. « Pour un jeune qui s’installe, le crédit peut aller de 500 000 à un million d’euros », explique un autre manifestant. Devant Bercy, Michèle Boudoin, égrène les revendications : arrêt des accords de libre-échange, des prêts à taux bonifiés pour les nouveaux installés, la simplification pour l’autorisation de tirs de défense face aux prédateurs, l’autorisation pour les éleveurs de faire du compost ou du paillage avec les stocks de laine, ou encore le renforcement de la loi Egalim, c’est-à-dire le ruissellement équitable depuis le producteur jusqu’au distributeur et le contrôle accru du respect de la loi.
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Une délégation reçue par Bercy
A 12h45, une délégation formée de Michèle Boudoin et de deux jeunes éleveurs a été reçue à Bercy par Claire Durrieu, conseillère Transition écologique et Énergie au cabinet de Bruno Le Maire. Les échanges ont duré une heure. « Nous avons été écoutés même si nous n’avons pas eu réponse à tout et que nous n’avons pas eu de promesses de chèques », explique la présidente de la FNO.
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Union Européenne : « Il en faut davantage, il en faut mieux »
Durant son intervention, Michèle Boudoin portait le drapeau européen autour des épaules. « Un double symbole puisque c’est à Bruxelles que se négocient les accords de libre-échange et aussi parce qu’il y a la PAC qui est protectrice et nous assure les marchés intérieurs. » Michèle Boudoin plaide pour davantage de viande ovine européenne dans la grande surface. « Quand vous achetez un gigot, les prix vont de 9 euros le kilo pour une viande néo-zélandaise à 25 euros pour une viande française de qualité. Proposer une viande par exemple irlandaise à 17 euros permettrait une meilleure segmentation du marché et répondrait davantage aux besoins des consommateurs. »