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Conjoncture
Les charcutiers maintiennent le cap malgré la flambée du porc

Dans un contexte économique particulièrement tendu pour les entreprises, la fédération des industriels du secteur charcuterie poursuit son programme de montée en gamme et ses démarches de progrès.

Bernard Vallat, président de la Fict.

« Il va falloir du temps pour maîtriser l’actuelle épizootie de peste porcine africaine », a prévenu Bernard Vallat, président de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (Fict), lors de la conférence de presse du 23 mai 2019 largement consacrée aux effets délétères de l’épidémie animale. « La maladie affecte toutes les régions du monde en dehors de l’Amérique et de l’Océanie, et elle est donc encore loin d’avoir produit tous ses effets », affirme en connaisseur celui qui fut président de l’Office international des épizooties (OIE).

La diffusion de la maladie en Chine et en Asie du Sud-Est, gros producteurs et consommateurs de viande de porc, a eu pour conséquence une flambée des prix de la production en France de 24 % entre début mars et la mi-mai. Une hausse « qui devrait s’amplifier encore dans les prochains mois et durer sur une période d’au moins deux ans », assurent les responsables de la Fict. Une véritable épée de Damoclès pour les entreprises de transformation dépendantes de cette matière première, le coût du porc pouvant représenter de 50 à 60 % du coût de production du produit fini.

Nous avons saisi le médiateur des relations agricoles

Liés par des contrats annuels signés avant la crise sur la base de prix historiquement bas, les charcutiers essayent depuis de renégocier les tarifs. « Nous avons saisi le médiateur des relations agricoles qui s’est dit prêt à engager le dialogue avec les grandes enseignes », informe Bernard Vallat, saluant les prises de position favorables à la renégociation de la FCD ou encore d’Intermarché. « Malheureusement, nous ne disposons pas de retours concrets », assure le président de la Fict, qui déplore notamment « les réticences » de Carrefour.

Le secteur pourrait s’appuyer sur les mécanismes introduits par la loi Egalim pour faire valoir ses hausses de coût de production, sur la base d’un indicateur de suivi des prix de 24 pièces de découpe mis en place par la profession. « Les chiffres du prochain indice, qui seront connus le 15 juin, pourront servir d’arguments aux entreprises dans leurs discussions avec leurs clients », espère Bernard Vallat.

Les dirigeants de la Fict n’ont pas caché qu’une absence de prise en compte de la hausse des matières premières menaçait l’existence des sociétés les plus fragiles. « La dernière étude de la Banque de France montre que près d’un tiers des 224 entreprises du secteur de la charcuterie salaison a présenté un résultat déficitaire en 2017 », souligne le rapport annuel 2018 de la Fict. « Des entreprises en difficulté risquent de faire l’objet de convoitises croissantes de la part d’acheteurs étrangers », avance Bernard Vallat.

Renforcer la marque Le Porc français

Les tensions fortes qui agitent les entreprises ne vont cependant pas freiner les efforts de montée en gamme et d’amélioration du profil nutritionnel des charcuteries. Les dirigeants de la Fict ont notamment insisté sur la nécessité de continuer à renforcer le cahier des charges de la marque Le Porc français (LPF), en y intégrant des critères environnementaux, sanitaires et de bien-être animal. Des améliorations ont d’ores et déjà été apportées en matière de conditions d’élevage avec des obligations faites sur l’abreuvement, la lumière, la densité, la diminution de l’usage des antibiotiques.

« La conduite des animaux en abattoirs est également prise en compte et des plans de formation sont prévus pour aider les éleveurs à mieux intégrer la dimension du bien-être dans leurs pratiques quotidiennes », indique Bernard Vallat. « L’objectif, c’est de faire monter dans le cahier des charges le maximum d’éleveurs et un pourcentage très élevé de la production française », insiste-t-il.

Dans un contexte de hausse permanente des préoccupations de santé liée à l’alimentation, les charcutiers n’entendent pas non plus réduire leurs efforts en matière d’amélioration du profil nutritionnel de leurs produits. Les efforts collectifs engagés en matière de réduction de l’usage du sel vont se poursuivre « sans compromis sur la qualité sanitaire ni sur le goût », en faisant notamment appel aux travaux les plus récents de R&D.

Les membres de la Fict ont déjà réduit de 5 % la teneur en sel de leurs fabrications entre 2010 et 2013, et la contribution de la charcuterie dans le total du sel consommé en France est passée de 12 % en 2007 à 7 % en 2018, selon l’étude Inca 3 publiée par l’Anses, fait valoir la Fict.

La moitié d’additifs en moins

Les ambitions ne sont pas moindres en matière d’additifs. Les industriels ambitionnent de réduire de près de moitié (de quatre-vingt-dix à une cinquantaine) le nombre d’additifs utilisables dans l’ensemble des recettes de charcuteries lors de la révision du Code des usages de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viandes (CDU) prévue en 2019. Côté nitrites enfin, les quantités maximales autorisées par le CDU vont également être revues à la baisse dans un bon nombre de recettes, « dans la limite de la préservation optimum de la sécurité sanitaire », précise la Fict.

L’amélioration constante des conditions de conservation des produits et l’application de bonnes pratiques d’hygiène ont d’ores et déjà permis aux professionnels de réduire de 20 % le taux de nitrites incorporés par rapport à ce qu’autorise la réglementation européenne, font également observer les professionnels.

Avancée du projet Adduit

Bernard Vallat s’est enfin montré très optimiste sur les résultats attendus d’un programme de recherche engagé par la Fict, qui doit permettre de mieux comprendre les mécanismes de digestion des produits de charcuterie. Le projet Adduit, qui associe les organismes de recherche Inra, Ifip et Adiv, a pour objectif de limiter, grâce à l’utilisation d’antioxydants et d’extraits végétaux les risques induits par les nitrites « sur les gros consommateurs de charcuterie qui présentent une alimentation déséquilibrée ». « D’ici deux ans, j’ai bon espoir qu’on pourra proposer des produits de charcuterie présentant un risque nul en matière d’exposition au cancer du côlon », assure Bernard Vallat.

Forts de l’avancement de ces différents chantiers, les industriels de la charcuterie comptent bien maintenir la confiance des consommateurs envers leurs produits. Les charcuteries ne sont pas épargnées par la déflation des ventes de produits de grande consommation et produits frais en grandes surfaces, avec une baisse en 2018 de 1,7 % des ventes au rayon libre-service en volume et 0,8 % en valeur, selon Kantar Worldpanel.

Exportation : des agréments au compte-gouttes

Bernard Vallat a déploré la lenteur dans l’attribution des agréments sanitaires aux entreprises françaises désireuses d’exporter vers la Chine ou la Russie, « faute de moyens mis en place par les pouvoirs publics ». La Fict a participé activement à la préparation de missions de représentants des autorités sanitaires de ces deux pays, notamment celle des Chinois qui aura lieu d’ici à juillet 2019. « Mais elle permettra d’effectuer seulement deux ou trois visites cette année, alors que nous n’avons que cinq établissements seulement agréés pour la Chine, très loin derrière nos collègues espagnols ou italiens. C’est très insuffisant », a regretté le président de la Fict alors même que l’exportation constitue un débouché prometteur pour l’industrie charcutière française.

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