Chronique
Les centrales européennes dans le viseur des députés
Dans son rapport, la commission d’enquête parlementaire sur les pratiques de la grande distribution dénonce les dérives liées au développement des centrales européennes d’achat et énonce plusieurs propositions.
Au terme d’une mission de six mois, la commission d’enquête parlementaire sur les pratiques de la grande distribution a rendu son rapport le 25 septembre 2019 qui, entre autres, dénonce les dérives issues du développement des centrales européennes de services et/ou d’achat dont les cocontractants sont des industriels de dimension internationale.
Parmi ces dérives figurent les contraintes exercées contre les fournisseurs pour les amener à signer des contrats avec les centrales (signature préalable obligatoire avant toute négociation au niveau national ; à défaut, déréférencement ou arrêt de commandes).
Le rapport critique également les difficultés rencontrées en matière de confidentialité, ce qui peut aboutir à un alignement des conditions entre les membres de l’alliance (diffusion d’informations confidentielles au sein de la centrale malgré l’existence de clauses de confidentialité imposées aux négociateurs de la centrale).
Par ailleurs, il ressort du rapport que le prix des services des centrales n’est pas toujours justifié ni proportionné : augmentation par Agecore (Intermarché) du montant facturé aux industriels qui sont partenaires d’Eurelec ou en passe de le devenir ; impossibilité pour les industriels de refuser certains services au risque de voir augmenter le prix d’autres services.
Enfin, la commission déplore le mode de facturation des services qui ne permet pas de les identifier.
Abus de position d’achat
Face à ces dérives, la commission d’enquête appelle à une « réaction politique nationale et européenne » et formule sept propositions, les deux premières ayant été qualifiées de « très importantes » par le rapporteur lors de son discours.
La première proposition est de fixer un seuil de parts de marché au-delà duquel le rapprochement entre distributeurs sera « de nature à porter atteinte à la libre concurrence et à l’équilibre des relations commerciales sur le marché des produits alimentaires et non alimentaires » et, donc, devra être encadré (proposition 31).
La seconde est de sanctionner une nouvelle pratique consistant en « l’abus de position d’achat, caractérisée par une relation d’achat particulièrement favorable à l’acheteur, sans qu’elle puisse être qualifiée de dépendance économique, l’exploitation abusive de cette position et une affectation, réelle ou potentielle, du fonctionnement ou de la structure du marché » (proposition 32).
Par ailleurs, la commission est favorable à un contrôle du prix des services et de leur substance : elle propose que : ces services soient répertoriés et qu’un barème de prix soit établi pour chacun d’eux (proposition 33) ; chaque service soit facturé distinctement en précisant son objet (proposition 34) et le prix des services soit proportionné au bénéfice que le fournisseur peut en tirer concrètement en matière de développement à l'étranger et, donc, que ce prix ne soit plus déterminé en pourcentage de son chiffre d’affaires (proposition 36).
Demande d’une directive européenne
Afin de déterminer si les services facturés par les centrales constituent une charge déductible « à bon droit » ou un acte anormal de gestion, la commission recommande d’imposer aux distributeurs et fournisseurs de : déclarer aux services fiscaux tout contrat conclu et/ou tout service souscrit auprès d’une centrale et tenir à leur disposition tout justificatif correspondant (proposition 35).
Enfin, sûrement consciente de la difficulté d’appliquer le droit français à des centrales localisées à l’étranger, la commission propose que leur création et leur activité soient encadrées par une directive européenne (proposition 37).
Reste maintenant à savoir quelles suites seront données à ces propositions dont certaines, notamment celles concernant l’encadrement des prix des services, peuvent sembler peu réalistes.
Le cabinet Racine
Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires, qui regroupe plus de 200 professionnels du droit dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), dont 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet, y traite des questions relatives à la concurrence, la distribution, aux contrats et à la propriété intellectuelle et industrielle, auprès de grandes entreprises, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la distribution, du luxe, du e-commerce et des médias. Avocate au barreau de Paris et de Bruxelles, elle est membre de l’Association française d’étude de la concurrence et membre de l’Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence.
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