Négociations commerciales 2020
L’enjeu des relations entre distributeurs et PME
L’année II de la loi Egalim sera évaluée sur la capacité de la filière agroalimentaire à faire ruisseler vers l’amont la hausse du SRP et sur le bilan de l’activité des PME. Des enjeux de taille pour les négociations commerciales 2020.
L’année II de la loi Egalim sera évaluée sur la capacité de la filière agroalimentaire à faire ruisseler vers l’amont la hausse du SRP et sur le bilan de l’activité des PME. Des enjeux de taille pour les négociations commerciales 2020.
Avec plus d’un mois d’avance par rapport à l’an dernier, le premier comité de suivi des relations commerciales pour les négociations 2020 sera réuni à l’initiative de Didier Guillaume et Agnès Pannier-Runacher le 10 décembre 2019 rue de Varenne. Et le ton du gouvernement devrait être ferme vis-à-vis de la grande distribution. Invité le 17 novembre de l’émission Le Grand Jury de RTL-Le Figaro-LCI, Didier Guillaume avait menacé d’une nouvelle loi, plus contraignante que la première, si les négociations annuelles ne se traduisaient pas par une amélioration du revenu des agriculteurs. « Les députés de la majorité sont en train d’écrire un nouveau texte de loi. Si vous ne jouez pas le jeu, on fera une loi coercitive », avait-il prévenu.
Lors de sa rencontre avec la FNSEA et les JA, Édouard Philippe aurait par ailleurs consenti le 3 décembre à voir avec Bercy comment renforcer les sanctions en cas de non-application de la loi. Si la question du ruissellement de la valeur ajoutée est au cœur des discussions, celle du traitement des PME devrait faire l’objet d’une attention particulière.
Le relèvement du SRP profite aux multinationales
Dès le 29 octobre, à l’anniversaire de la promulgation de la loi Egalim, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), chiffres Nielsen à l’appui, s’était alarmée des effets de la loi sur les marques PME françaises. Premier indicateur de la fragilisation des PME, selon la fédération : le taux de croissance des marques PME en recul de 1,8 % à 5,5 % entre les neuf premiers mois de 2018 et les neuf premiers mois de 2019. L’organisation déplore aussi une baisse de plus de 40 % de référencement de nouvelles références pour les marques PME au 1er semestre 2019.
Les PME, « grandes victimes de la loi »
Une situation relevée par le groupe de suivi de la loi Egalim du Sénat qui, dans son rapport publié le 30 octobre, a désigné les PME comme « les grandes victimes de la loi » : « alors qu’elles représentaient plus de 80 % de croissance de la grande distribution en 2018, les PME ne portent la croissance des ventes que pour 32,7 % en 2019 ».
Certes, retrouvant une forte compétitivité par rapport à leurs concurrents, les produits sous MDD, souvent fabriqués par des PME, ont gagné pour la première fois depuis 2012 des parts de marché. Mais les sénateurs se sont inquiétés de savoir que « la guerre des prix à l’achat se déplace sur ces produits ».
« Le seul moyen d’enrayer cette chute est de sortir de l’encadrement en volume des promotions et de reconnaître que la création de valeur s’exprime par le tarif fournisseur dont la date d’application devrait être immédiate », estime Dominique Amirault, président de la Feef.
Intermarché, U et Carrefour s’engagent
À date, le gouvernement n’a pas donné de consigne en la matière. Pour autant, certaines enseignes ont déjà fait passer des messages en faveur des PME dans le cadre des négociations 2020. Thierry Cotillard, président d’Intermarché et de Netto, a annoncé dès le 17 septembre « qu’aucune PME française ne se verra demander des baisses de tarifs », une promesse concernant 5 000 PME travaillant avec le distributeur.
Le 3 octobre, lors du traditionnel congrès LSA stratégies commerciales, Laurent Vallée, secrétaire général de Carrefour, annonçait : « nous allons améliorer nos engagements auprès des PME et TPE. Nous souhaitons contractualiser avec 1 000 PME en nous engageant sur trois ans sur des valorisations de tarifs ».
Huit jours plus tard, c’est Coopérative U Enseigne qui enrichissait son accord avec la Feef signé en janvier 2019 avec de nouveaux engagements dont aucune déflation demandée pour les fournisseurs de marques PME, et des négociations avec les PME achevées avant le 31 décembre.
Monoprix ou Franprix continuent de rechercher des PME
« Egalim ou pas, nous avons toujours travaillé avec les PME et allons continuer », nous a pour sa part répondu Casino par la voix de Philippe Imbert, médiateur des relations industrielles et agricoles du groupe. « Des enseignes comme Monoprix ou Franprix continuent de rechercher des PME, en particulier françaises », poursuit-il.
Concernant les MDD, « très souvent, on essaie de monter des dossiers de filière, ça passe par un industriel, souvent une PME en relation avec les producteurs. Depuis deux ans, on pousse un type de relation qui donne une visibilité de trois à quatre ans aux acteurs de filières », indique-t-il. Et de signaler que le groupe mène aussi une grosse réflexion pour permettre aux PME, « moins présentes dans les catalogues que les grands comptes », d’accéder à des opérations de mises en avant digitales (e-commerce, promotions et solutions numériques via des applications).
L’avis de Dominique Schelcher
Je confirme les engagements de U envers les PME dans le cadre des négociations 2020 : pas de demande de déflation et l’objectif de boucler les négociations avant le 31 décembre. Nous inscrivons cela dans la droite ligne de nos liens forts avec les PME de longue date et cela se traduit dans les chiffres d’une récente étude : U est l’enseigne numéro un pour les PME avec la présence d’au moins un de leurs produits dans 63 % de nos paniers, un chiffre qui progresse de 9 points en deux ans.
Ces dernières années, nous n’avons cessé de renforcer nos relations avec la Feef en particulier. Nous mettons par exemple mieux en avant les PME labellisées PME+, les plus engagées. Nous avons également bien cadré le sujet des pénalités. Pour ces raisons, les PME de la Feef ont fait de U leur enseigne préférée à l’automne 2018 à l’issue d’un vote, une confiance que nous entendons bien conserver.
Tout cela est le résultat d’une écoute jamais démentie des clients qui nous ont bien fait comprendre leurs attentes dans ce domaine : ils ont désormais confiance à plus de 80 % dans les produits des PME et à moins de 40 % dans les produits des grandes marques. Nous sommes allés jusqu’à formaliser cela en sélectionnant les meilleures offres des PME dans trente-quatre bassins de consommation en France, qui donnent lieu à la Sélection U de Bretagne, Alsace… Les mises en avant de ces produits obtiennent parmi les meilleurs scores de nos opérations.
Et bien évidemment, les PME sont nos premiers fabricants de produits U, une marque qui n’a jamais connu la crise dans notre coopérative. Pour toutes ces raisons, nous n’allons pas cesser de continuer à travailler étroitement avec toutes ces entreprises qui font le dynamisme économique des territoires.