Enquête
Le recrutement des cadres progresse dans l’agroalimentaire
En 2018, 4 450 cadres ont été recrutés dans l’agroalimentaire. Un nombre record pour le secteur et en hausse de 28 % par rapport à 2017. Pour autant, selon un expert du recrutement, trouver des candidats pour des postes en industries agroalimentaires reste très difficile, notamment en production.

L’an passé, le secteur agroalimentaire a recruté 4 450 cadres, soit 28 % de plus qu’en 2017, selon une enquête (1) réalisée par l’Apec et l’Opcalim (2) et publiée en juillet 2019. Il s’agit de la plus forte progression tous secteurs d’activité confondus, selon l’enquête qui annonce 266 400 cadres recrutés en France en 2018, soit 11 % de plus qu’en 2017. Pour autant, le « volume de cadres recrutés reste modeste en comparaison d’autres secteurs », comme les activités informatiques et leurs 56 000 embauches de cadres, souligne l’enquête.
L’an dernier, les entreprises de l’industrie agroalimentaire ont privilégié les recrutements externes, qui ont représenté plus des trois quarts des postes pourvus alors que les promotions internes de salariés non-cadres au statut de cadre (1 350 en 2018, en forte progression sur un an) sont moins utilisées. Si la part de postes pourvus a progressé de 33 %, l’enquête Apec-Opcalim note une augmentation des sorties de cadres du secteur de 24 % sur un an, du fait de démission, licenciement, départ à la retraite… Ainsi, la rotation du personnel dans le secteur agroalimentaire atteint désormais 8,7 % (contre 7 % auparavant).
Le secteur a créé 1 200 emplois cadres en 2018
« Au final, lorsque l’on déduit le nombre de sorties des postes de cadres pourvus, le secteur de l’industrie agroalimentaire a créé 1 200 emplois cadres en 2018, soit presque plus du double que l’année précédente », peut-on lire dans les résultats de l’étude Apec-Opcalim. L’agroalimentaire a ainsi représenté 1,6 % des créations de postes de cadre l’an passé.
Si l’on en croit les auteurs de l’étude, cette progression devrait continuer en 2019. Les entreprises du secteur prévoient de recruter entre 4 540 et 4 760 cadres en 2019, soit une hausse de 2 % à 7 %. Pour autant, les industriels du secteur se montrent moins optimistes que l’ensemble des entreprises avec seulement 10 % d’entre eux qui envisagent une croissance de leur effectif cadre contre 13 % tous secteurs confondus et même 16 % pour l’industrie. « Les entreprises de l’industrie pharmaceutique ou encore des équipements électriques et électroniques, par exemple, affichent des perspectives de créations d’emplois cadres beaucoup mieux orientées que dans l’industrie agroalimentaire », commentent les auteurs de l’étude.
Les commerciaux recherchés en priorité
Quant au profil des cadres recherchés pour 2019, les industriels de l’agroalimentaire recherchent en priorité des commerciaux (32 % des recrutements envisagés), puis des cadres pour les services techniques (achats, qualité, maintenance, logistique, sécurité) à 19 %, devant des profils pour la production industrielle à 17 %. En bas du tableau, les fonctions de direction, liées à l’informatique et aux études et à la recherche & développement représentent respectivement que 2 %, 4 % et 6 % des recrutements envisagés.
La répartition des profils effectivement recrutés en 2018 dans le secteur vient corroborer ces prévisions avec 33 % de cadres recrutés travaillant dans la fonction commerciale, 17 % dans les services techniques et 17 % dans la production industrielle.
Autre spécificité des recrutements dans l’agroalimentaire, les entreprises du secteur se tourneraient en 2019 davantage vers les cadres expérimentés et notamment ceux ayant plus de 10 ans d’expérience. « Ces derniers représenteraient un tiers (32 %) des prévisions de recrutement contre 23 % pour l’ensemble du marché de l’emploi cadre », indique l’enquête, soulignant une tendance déjà observée en 2018.
On manque de candidats
Si ces données semblent plutôt positives, la réalité du terrain est loin d’être rose. « Cela fait plusieurs années que le marché agroalimentaire se porte bien pour le recrutement, mais le facteur humain est le facteur limitant, on manque de candidats », confie Stéphane Hervé, consultant sénior pour le cabinet de recrutement en agroalimentaire Manageria, soulignant que l’agroalimentaire est « sous-encadré », avec 8 à 12 % de cadres contre 16 à 20 % dans les industries traditionnelles. Certes, un effort a été fait au niveau des écoles spécialisées dans l’agroalimentaire pour augmenter les effectifs, « mais les jeunes préfèrent s’orienter vers la banque, le conseil, les assurances ou créer des start-up », continue-t-il, pointant l’effet du phénomène d’« agribashing » et des salaires moindres dans l’agroalimentaire.
Progression de la durée de recrutement
« Nous constatons une progression de la durée de recrutement », précise Stéphane Hervé. Et dans certains bassins d’emploi, Loudéac en Bretagne ou La Roche-sur-Yon en Vendée par exemple, où le taux de chômage est très bas, recruter s’avère très difficile. « Les fonctions de production sont particulièrement affectées », indique-t-il, et le renouvellement des départs en retraite ne se fait pas.
(1) Enquête réalisée auprès des entreprises relevant des codes NAF de l’Insee industries alimentaires et fabrication de boissons, menée d’octobre à décembre 2018 par téléphone pour l’Apec et pour Opcalim entre le 14 décembre et le 22 février 2019 auprès de 2 550 personnes responsables de recrutement au sein des entreprises interrogées.
(2) Devenu Ocapiat début 2019 avec le rapprochement de Fafsea.
« On travaille fortement sur l’attractivité »
« On a travaillé fortement sur l’attractivité du secteur dans le cadre du plan investissement compétences (Pic) avec l’État, et cela commence à porter ses fruits », commente Caroline Cohen, qui a travaillé sur cette étude à Opcalim et est désormais directrice des affaires sociales à l’Ania. Et les travaux se poursuivent. « Un projet d’expérimentation est mené en Occitanie, avec l’Ania, notre Area d’Occitanie, Ocapiat, cofinancé par le Pic et la Région, pour créer une marque employeur collective au niveau territorial », poursuit-elle. Son nom : « avec l’agroalimentaire, nourrissons notre avenir ». Une campagne de communication va être lancée et des ambassadeurs formés dans les entreprises. Le projet s’étend jusqu’à 2020. D’ici un an, un bilan sera tiré de l’expérimentation pour, éventuellement, la déployer dans d’autres régions.