La filière fruits et légumes bios va devoir s’organiser
L’explosion de la demande en fruits et légumes bios prend de court la production française et risque d’encourager les importations. Les structures existantes redoublent d’efforts pour développer les surfaces mais aussi mieux coordonner leur commercialisation.
Le salon international des fruits et légumes Medfel qui s’est tenu du 25 au 27 avril à Perpignan a fait la part belle à la production bio, dont la demande ne cesse de croître. Partenaire du rendez-vous, la région Occitanie ne pouvait rester indifférente à ce phénomène. Le territoire se situe en effet au deuxième rang des régions productrices des fruits et légumes biologiques avec 1 146 producteurs sur 2 670 hectares, soit 19 % des surfaces bios françaises et en troisième position pour les légumes avec 1 460 producteurs sur 2 198 hectares, soit 12 % des surfaces.
Malgré le développement de la production, celle-ci a bien du mal à suivre l’explosion de la demande, ont témoigné les participants à une première conférence consacrée à la structuration de l’amont. « Nous sommes aujourd’hui incapables de fournir les volumes qui nous sont demandés », a ainsi constaté Mathieu Lancry, président de Norabio, dont le chiffre d’affaires est passé de 6 millions d’euros en 2013 à 11 millions d’euros en 2016. La coopérative, acteur majeur des Hauts-de-France avec 7 500 à 8 000 tonnes de pommes de terre, oignons, betteraves rouges, etc., doit donner la priorité à ses « Biocabas » et à Biocoop, son premier client. « Notre enjeu est de savoir sur quels volumes et quels adhérents nous pourrons compter demain », a-t-il résumé.
Pour développer la production, l’une des solutions consiste à améliorer les rendements. C’est l’option choisie par la coopérative gardoise Uni-Vert, qui met l’accent sur l’aide technique à ses adhérents. « Mais nous avons également mis en place des programmes d’aide à l’investissement des adhérents, en les aidant par exemple à acquérir des terres grâce à un partenariat avec la Safer », a précisé Jérôme Chardon, gérant d’Uni-Vert (lire page 13). Autre clé du développement : la plus grande implication des producteurs dans leurs structures. « Nous allons proposer à nos 140 adhérents d’adopter l’apport total lors de notre assemblée générale de juin », a annoncé Mathieu Lancry. Le président de la coopérative s’inquiète en effet de voir « de nouveaux acteurs du bio » venir « taper à la porte » de ses adhérents. « C’est toujours délicat d’éconduire des clients, mais il est indispensable que nous ayons une meilleure maîtrise de notre commercialisation », dit-il.
Le bio français privilégié ?
Une idée partagée par Michel Moles, le gérant de Saveurs du Quercy, qui valorise et commercialise la production de fruits et légumes (2 800 à 3 000 t) d’une trentaine d’agriculteurs bios du Tarn-et-Garonne et du Lot réunis dans le cadre d’un GIE : « notre raison d’être, c’est que les producteurs obtiennent le plus de valeur ajoutée, soit par la distribution en circuit court, soit en circuit plus long en s’appuyant sur notre structure ».
Répondre à l’enseigne Picard
Le risque du manque de structuration du marché du bio est de voir les producteurs et les régions se faire concurrence entre eux. « C’est la raison pour laquelle nous avons, en 2011, constitué avec quatre autres organisations de producteurs et la Fnab CohéFlor Bio, une structure dont l’objectif est d’organiser collectivement la mise de marché des fruits et légumes bios », précise Mathieu Lancry. « Notre modèle au niveau national, poursuit-il, c’est le contrat de filière établi par Biolait avec Système U. » Les producteurs essaient ainsi de s’organiser pour répondre à la demande de l’enseigne Picard qui souhaite créer une gamme de légumes surgelés bios.
Les différents acteurs régionaux sont en tout cas bien conscients de l’urgence de développer les surfaces. « C’est la priorité pour répondre à l’explosion de la demande. Il sera temps ensuite de reconstituer des réseaux au niveau régional », développe Mathieu Lancry. « Pour cela, a abondé Michel Moles, il ne faut pas avoir peur des grandes structures. On peut tout à fait produire en bio à grande échelle des hectares de carottes dans les Landes ou de pommes dans la vallée de la Garonne de manière à répondre à des marchés de masse. »
Dans leur course contre la montre à la croissance, les producteurs bios espèrent pouvoir compter sur la grande distribution. Lors d’une seconde table ronde consacrée aux enjeux de communication de la filière bio, Luc Deschodt, acheteur national fruits et légumes bios d’Auchan, a insisté sur le caractère complémentaire des origines françaises et européennes. « Il y a une demande de bio toute l’année, mais pas du bio français toute l’année. Il n’y a donc pas de raison de s’interdire de faire un produit qui fonctionne hors des saisons françaises de production. En revanche, quand un produit français arrive en quantité suffisante, il est privilégié. Nous avons démarré mi-avril la courgette française, c’est aujourd’hui la seule origine que nous proposons », a-t-il assuré.
Bruno Carlhian