Filière
La Coopérative de Haute Tarentaise valorise son beaufort AOP
À Bourg-Saint-Maurice, la Coopérative laitière de Haute Tarentaise est en bonne santé. Elle rémunère bien ses éleveurs et a rentabilisé son nouveau site de production. Ses produits sont distribués en GMS régionale. Reportage.
Avec la restauration de son magasin de Bourg-Saint-Maurice (73), la Coopérative laitière de Haute Tarentaise a mis en place un espace Beaufort Express, une annexe au magasin où le consommateur peut retirer sur place sa commande en ligne. « Jusqu’alors, lorsqu’un client venait récupérer sa commande effectuée sur notre site Internet, il allait la chercher directement à la caisse, passant ainsi devant les gens qui font la queue. L’aménagement du Beaufort Express permet d’éviter cela », explique Christian Juglaret, président de la Coopérative laitière de Haute Tarentaise et éleveur de 200 vaches laitières.
La vente en ligne permet à la coopérative, aux 17 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, d’expédier son beaufort partout en France. Elle a connu un succès dès son instauration il y a cinq ans, comptant entre 5 000 et 6 000 commandes aujourd’hui. « On espère qu’avec ce nouvel espace, il y aura un effet boule de neige des ventes sur Internet », ajoute Christian Juglaret.
Nous avons la chance d’être dans la plus grande vallée touristique du monde
La Coopérative laitière de Haute Tarentaise, composée de 52 producteurs laitiers, propose ce nouveau service dans sa logique de mettre en avant son produit phare : le beaufort AOP, dont elle produit 18 000 meules de 40 kg par an. Avec son ancien site de production devenu magasin, situé en face de la gare de Bourg-Saint-Maurice, en plein centre-ville, la filière jouit d’une grande visibilité. « Nous avons la chance d’être dans l’une des plus grandes vallées touristiques du monde. C’est donc à nous de bien mettre en avant nos produits et de les servir correctement », affirme Christian Juglaret. Le président de la coopérative a très tôt saisi ce potentiel de visibilité.
Un site de production totalement payé
Créée dans les années 1960 pour que les producteurs de l’époque fassent caves communes pour affiner leur fromage, la Coopérative laitière de Haute Tarentaise a investi 19 millions d’euros depuis 1991 pour construire son site de production actuel. Bien plus grand que son prédécesseur, il dispose d’un atelier de production composé de cinq cuves. Chacune travaille quotidiennement 40 000 litres de lait en haute saison (avril, mai, juin).
Pour fabriquer une meule de beaufort, 2 500 litres de lait sont nécessaires. Les meules sont ensuite stockées dans trente caves, construites en 2005, et d’une capacité totale de stockage de 20 500 meules. « Le but est d’être capables de servir du beaufort de toutes saisons peu importe la période de l’année », précise Xavier Arpin, éleveur adhérent et gérant des magasins de la coopérative. La coopérative dispose de quatre robots de cave de 250 000 euros chacun, chargés de retourner automatiquement chaque meule de beaufort 2 à 3 fois par semaine.
En 2007, la coopérative a investi 3 millions d’euros pour construire son propre atelier de conditionnement, d’une capacité de 4 000 meules par an, dont 500 par mois entre décembre et mars. « C’était un pari pour nous, car on vendait nos meules à des grossistes qui les conditionnaient, pour en récupérer une partie qu’on vendait dans nos magasins. L’avantage de conditionner sur place, c’est que le produit garde sa fraîcheur », précise Christian Juglaret. Aujourd’hui, la coopérative conditionne directement 25 % de sa production totale, soit 4 500 meules par an.
Le site dispose enfin d’une beurrerie depuis dix ans, d’une capacité de plus de 30 tonnes à l’année. « Tout avoir sur place, nous permet de diminuer le risque de problème sanitaire et d’être réactifs si nous en avons un », souligne Christian Juglaret. Cerise sur le gâteau : ce site est entièrement remboursé.
Un lait très bien payé
Certifié AOP, le beaufort possède « l’un cahier des cahiers des charges les plus draconiens de France », selon Christian Juglaret. Autres difficultés : une production par vache limitée en moyenne à 3 500 litres par an (contre 10 000 litres de lait annuels par animal en Normandie ou en Bretagne) ; un terrain rendant impossible l’utilisation d’outils tels qu’un robot de traite. Conséquence : le litre de lait pour fabriquer du beaufort est très bien payé. « Notre coopérative doit avoir le prix du lait le plus cher de France, avec 1 euro le litre rémunéré au producteur », affirme Christian Juglaret.
Depuis cinq ans, la bonne tenue de la filière amène des jeunes éleveurs à s’installer, ce qui n’avait pas été le cas pendant les quinze années précédentes. La collecte de lait augmente en moyenne de 2 % par an.
Six magasins, et refus de distribution nationale
La coopérative vend ses produits dans six magasins, dont deux qui tournent toute l’année, à Bourg-Saint-Maurice et à Grenoble. Afin de mettre leur produit d’appel en avant, Christian Juglaret admet « faire une marge très raisonnable sur le beaufort, pour le rendre à un prix très attractif de 17,15 € le kg. Nous préférons faire une marge plus importante sur d’autres produits tels que les crozets ou les confitures par exemple ». Les produits de la coopérative sont aussi présents dans les rayons des enseignes Système U, Carrefour et E.Leclerc d’Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, une partie de la production est vendue à des conditionneurs et crémiers qui peuvent assurer une distribution hors de la région. « Nous refusons une distribution en GMS nationale car nous ne sommes pas capables d’assumer une telle augmentation de production », assure Christian Juglaret.
Pour ne pas perdre l’intérêt des consommateurs, la coopérative travaille sur la portion de ses produits, mettant au point des flowpacks de beaufort de 1 kg et de 250 g, ainsi que des sachets de 3 kg de beaufort râpé ou de beaufort cubé. Ces deux derniers connaissent un grand succès dans la restauration régionale, où ce fromage occupe une place aujourd’hui très importante, tout l’inverse d’il y a 20 ans.
Ouverture d’une exposition gratuite sur la filière
Le 21 mars 2019, la Coopérative laitière de Haute Tarentaise ouvrira une exposition gratuite sur la filière beaufort, toujours dans le but de mettre en avant son produit de terroir, située dans le même bâtiment que le magasin de Bourg-Saint-Maurice. Le 27 janvier 2018, le groupement de producteurs a acheté à la mairie de la ville les étages du bâtiment, qui ne lui appartenaient pas, pour 2,5 millions d’euros. Des travaux ont été lancés dans les anciennes caves et dans les étages pour tout réaménager, pour un montant lui aussi de 2,5 millions d’euros. Au sous-sol, les anciennes caves se transforment en fromagerie pédagogique, expliquant chaque détail de procédé grâce entre autres à des casques de réalité virtuelle. À l’étage, il y aura un espace de dégustation des produits vendus, ainsi qu’un historique de la coopérative. Cet investissement de rénovation de ce bâtiment de 30 mètres de long et 11 mètres de large est réalisé à 100 % par la coopérative. « C’est un gros pari sur l’avenir, nous voulons être au plus proche du consommateur », commente Christian Juglaret, président de la Coopérative laitière de Haute Tarentaise.