Grippe aviaire : le bilan de la vaccination des canards en neuf points
La vaccination des canards dans la lutte contre la grippe aviaire a commencé il y a près d’un an. Administration, marché, difficulté, financement du vaccin, l'interprofession du foie gras dresse un bilan.
La vaccination des canards dans la lutte contre la grippe aviaire a commencé il y a près d’un an. Administration, marché, difficulté, financement du vaccin, l'interprofession du foie gras dresse un bilan.
![vaccination d'un canard](https://medias.reussir.fr/lesmarches/styles/normal_size/azblob/2024-07/capture_decran_2024-07-02_102118.png.webp?itok=fFQ83MmI)
« Nous vivons une année de transit, la vaccination contre la grippe aviaire était très attendue. La France est le premier pays exportateur à vacciner. D'autres pays comme l’Égypte, l’Algérie, le Mexique vaccinent leurs canards qui sont ensuite commercialisés sur les marchés locaux », explique Eric Dumas président de l’interprofession du foie gras (Cifog).
«Sur les dix foyers détectés cet hiver, seuls deux concernaient des canards vaccinés »
«Sur les dix foyers détectés cet hiver, seuls deux concernaient des canards vaccinés », ajoute François Landais, vétérinaire à Arzacq-Arraziguet (Pyrénées-Atlantiques) et spécialiste des palmipèdes. «A date, environ 35 millions de canards de chair et de foie gras ont été vaccinés depuis octobre 2023 », chiffre François Landais.
«A date, environ 35 millions de canards de chair et de foie gras ont été vaccinés depuis octobre 2023 »
Des démarrages plus difficiles pour certains canetons
Cependant la phase de démarrage est plus difficile pour certains canetons. « Tous ne réagissent pas de la même façon au vaccin. Certains canetons perdent un peu l’appétit, boivent moins d’eau les premiers jours. Leur état s’améliore ensuite. Ce n’est pas grand-chose », observe François Landais.
Pénibilité pour les équipes vaccinales
Certains canards se sont vu administrer une troisième dose. « Lors de la troisième dose, les canards pèsent 3,2 kilos en moyenne contre 1,2 kilos quand ils sont plus jeunes. Ceux qui attrapent les animaux pour que nous les vaccinons portent des charges plus lourdes. C'est souvent pénible pour eux », témoigne le vétérinaire.
« Nous restons en moyenne quatre heures dans un élevage, et vaccinons entre 1 200 et 1 500 animaux par heure »
« Nous essayons de dimensionner le nombre d’opérateurs selon la taille des élevages où nous intervenons. Il faut en moyenne deux à trois personnes qui attrapent les animaux pour un vétérinaire qui vaccine », ajoute François Landais. « Nous restons en moyenne quatre heures dans un élevage, et vaccinons entre 1 200 et 1 500 animaux par heure », évalue le vétérinaire.
Le vaccin de Ceva est aussi administré aux canards
« Depuis avril, nous utilisons aussi le vaccin de Ceva en plus de celui de Boehringer Ingelheim », indique le vétérinaire. Ce dernier s’administre en sous-cutané contrairement à celui de Ceva, intramusculaire. L’entreprise allemande « fournira 34,2 millions de doses de vaccins, soit plus de la moitié des volumes du deuxième appel d’offres lancé par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire », indique le groupe dans un communiqué repris par Sud-Ouest. Déjà au cours de la première phase de la campagne nationale, 80 millions de doses avait été fournies par le laboratoire allemand.
Pas de schéma vaccinal mixte
« L’administration française nous impose un seul vaccin pour les deux injections. Les schémas vaccinaux mixtes ne sont pas autorisés. Pourtant nous estimons bénéfiques de mélanger les deux », affirme le vétérinaire. « Le vaccin français est intéressant mais contraignant, notamment sur la conservation à -80 degrés les premières semaines. Nous avons dû acheter un frigo adapté », explique François Landais. « Les deux vaccins sont intéressants. Nous accumulons le maximum d’informations les concernant pour ensuite dresser des bilans », fait-il savoir.
Qui va financer les prochaines vaccinations contre la grippe aviaire ?
La vaccination est reconduite pour une année supplémentaire. Toutefois, le doute persiste au sein de la filière. Qui va supporter les coûts et à quelle hauteur ? « L’État veut réduire son investissement de façon dégressive mais rien n’a jamais été défini. Actuellement les discussions sont stoppées », s’inquiète Eric Dumas.
« L’État veut réduire son investissement de façon dégressive »
« Nous souhaitons comme cette année que l’Etat prenne en charge 85 %, nous 15% », précise le président du Cifog. Pour la seconde campagne vaccinale « l’Etat a déjà passé commande. On ne sait pas si les doses ont été payées ».
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Pas de consensus chez tous les acteurs de la filière volaille
La vaccination profite à toute la filière volaille. La production repart à la hausse en poulet et en pintade par exemple. Cependant, en ce qui concerne l'investissement, les discussions restent ouvertes. « Le CNPO et l’Anvol ne sont pas toujours d’accord avec nous. On entend leurs arguments. Nous sommes toujours en discussion », explique le président du Cifog. A noter que le CNPO s'est dit favorable à l'établissement de corridors sanitaires autour des couvoirs.
Des vaccins pour les travailleurs au contact des volailles.
« L’Union européenne a acheté 665 000 doses pour ceux qui travaillent au contact des animaux », déclare Eric Dumas.
« L’Union européenne a acheté 665 000 doses pour ceux qui travaillent au contact des animaux »
Selon les informations de France Info, la France devrait en recevoir 200 000 à compter du quatrième trimestre de cette année.
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S'adapter au marché
La vaccination est jugée satisfaisante, l’activité reprend chez un grand nombre de producteurs. Pour l’année 2024, le Cifog projette une production entre 25 et 26 millions de canards gras contre 15 millions en 2021. C'est loin des 34 millions atteint en 2014. « Pour autant, l’objectif est de répondre à la demande de ce marché de niche et saisonnier », argumente Eric Dumas.
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L'aval toujours en difficulté
La capacité industrielle demeure fragile dans la filière. « Nous connaissons quelques réaménagements. Certaines entreprises se regroupent pour sous-traiter et faire perdurer l’outillage », constate le président du Cifog. « Il devrait y avoir d’autres aménagements à venir », ajoute-il.
« Certaines entreprises se regroupent pour sous-traiter et faire perdurer l’outillage »
En grande distribution, la demande annuelle permet un débouché au marché. En revanche, pour la restauration qui compte aussi pour 40 % des débouchés, la situation est plus difficile. Beaucoup ont supprimé le foie gras de leur carte lors de la grippe aviaire. « L'importation n’a pas compensé plus que ça car la Bulgarie et la Hongrie ont aussi été touchées par l'épizootie », indique Eric Dumas.