Filière porcine : Cooperl résiste dans la tourmente
Profondément chahuté en cette année atypique marquée par la montée des inflations, le groupe coopératif porcin Cooperl a tenu bon. Mais il a dû sacrifier une partie de son bénéfice pour le soutien au maillon élevage.
Profondément chahuté en cette année atypique marquée par la montée des inflations, le groupe coopératif porcin Cooperl a tenu bon. Mais il a dû sacrifier une partie de son bénéfice pour le soutien au maillon élevage.
Chaque année est différente, mais celle de 2022 aura marqué les esprits. Dans un secteur porcin en recul en France (-2,2 % en 2022 à 23,2 millions de porcs charcutiers produits qui fait suite à une baisse de 1 % en 2021), les dirigeants du groupe Cooperl (Lamballe, Côtes-d’Armor) ont souligné devant les journalistes, le 22 juin, que leurs outils sont saturés. « Ils ne sont pas menacés », a insisté le directeur général, Emmanuel Commault. Si Cooperl a terminé 2022 avec un chiffre d’affaires en forte croissance (+12,2 % à 2,79 milliards d’euros, à 35 % à l’exportation), c’est avant tout le résultat des inflations, dont une partie a été repercutée à ses clients.
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Légère baisse d'activité
Son périmètre d’activité n’a pas progressé. Il s’est même légèrement contracté. Organisé en filière verticale avec 7 700 salariés répartis dans une trentaine de sites industriels et logistiques, le groupe a vu son activité « amont » reculer de 2,8 % à 5,442 millions de porcs. Ils proviennent des 2 000 élevages de porcs (2 950 producteurs) adhérents du groupe coopératif – Cooperl dispose en plus d’une activité « bovins » et « poules pondeuses ».
Cette baisse est imputable essentiellement « aux départs en retraite non remplacés », précise Patrice Drillet, président de Cooperl depuis dix ans, qui remet son mandat cette année. Les trois abattoirs du groupe ont également traité un peu moins d’animaux sur leurs chaînes. L’activité a baissé de 1,44 % à 4,6 millions de cochons en un an.
Les animaux produits, mais non abattus par Cooperl l’ont été, au moins pour partie, dans un des deux outils spécialisés en porcs d’Agromousquetaires, Gâtines Viande en Ille-et-Vilaine, avec qui Cooperl travaille de longue date. En cette année si atypique, sur fond de reprise économique post-Covid, de guerre en Ukraine et de montée des inflations partout dans le monde, Cooperl a été mobilisé sur plusieurs fronts. Il a d’abord fallu, au début 2022, soutenir les producteurs pris en tenaille entre des cours totalement effondrés et une montée irrésistibles des prix, notamment des intrants (céréales, soja, tournesol…) entrant dans la composition de l’aliment.
Un effort vers l'amont
Pour éviter des arrêts d’activité en élevage qui risquaient de pénaliser l’ensemble de sa chaîne industrielle, Cooperl a pris deux mesures. Un, le gel des prix de l’aliment qu’il fabrique (1,340 million de tonnes l’an passé). « Le prix de la tonne d’aliment sorti de nos usines a été de 11,60 euros en-dessous du prix du marché », précise Emmanuel Commault. Autrement dit, Cooperl a pris pour lui l’augmentation du prix des matières plutôt que de la répercuter auprès de ses clients. Deux, « nous avons accordé aux éleveurs des aides à la trésorerie sur le dernier trimestre de 2021 et le premier de 2022 », poursuit le directeur général. C’est cet effort vers l’amont qui explique que le résultat du groupe s’est dégradé en un an, passant de 19,582 millions en 2021 à 7,295 millions d'euros en 2022, précise Cooperl.
Dans cette violente crise, l’État a été au rendez-vous. Il a mis en place, fin janvier 2022, un plan de sauvegarde de la filière porcine de 270 millions d’aides dites de restructuration. Ce dispositif a clairement évité des arrêts d’activité en cascade. Finalement, les cours du porcs sont repartis à la hausse fin mars, en France comme en Europe, marquant le recul de l’offre face à la demande.
Les éleveurs Cooperl ont de toute façon un avantage supplémentaire vis-à-vis des autres éleveurs bretons, souligne Patrice Drillet, se référant à une étude d’un centre de gestion. Leur conduite en mâle entier et « leur génétique leur procurent une meilleure marge brute par truie (40 % d’écart) », dit-il. Le second front qui a mobilisé Cooperl en 2022, c’est la répercussion des augmentations de charges vers ses clients.
Quelle santé pour la salaison ?
« Ça a été un gros combat, et ça continue », indique Patrice Drillet. Certaines hausses de tarifs ont été obtenues, mais pas toutes. Ces demandes concernaient autant le prix des viandes que des salaisons, pôle industriel majeur à Cooperl. Les charcuteries-salaisons constituent une activité importante pour le groupe. Elles concernent une quinzaine de sites industriels avec des marques reconnues comme Brocéliande, Madrange, Paul Prédault, Jean Caby, Montagne noire et Prizius.
Le niveau d’activité n’est pas communiqué, mais on peut l’estimer autour de 120 000 tonnes. Le groupe y valorise toutes les innovations qu’il a entreprises ces dernières années : porc non castré, sans antibiotiques à 0 ou 42 jours, nourris avec un aliment sans pesticides, etc.
Pour le reste, Cooperl ne communique guère sur cette activité. Pour en avoir quelques-unes, il faut se pencher sur le rapport annuel RSE de Cooperl. Dans son édition 2022, il est fait mention d’effectifs « salaisons » et « charcuterie » de 2 700 personnes. Autre information qui figure dans le rapport, l’intégration dans le groupe, fin décembre 2021, « de la société Calixte qui dispose d’une unité de production de saucissons secs (…) en Ardèche et de la société Isturaï qui dispose du site de jambon sec (…) dans la région de Bayonne. »
Du côté des investissements, enfin, Cooperl a injecté dans son parc industriel et logistique 74,2 millions d’euros. C’est un peu moins que l’année précédente (94,4 millions d’euros), mais son engagement reste important. Cooperl ne communique aucun chiffre sur les investissements budgétés cette année.
Théoriquement, ce niveau d’investissement devrait rester élevé dans les années à venir, dans les élevages comme dans les usines. Cooperl, comme tous les acteurs de la production porcine du reste, sont engagés dans un vaste mouvement de décarbonation de leurs activités. Le groupe de Lamballe s’inscrit en outre dans une trajectoire de transformation de son modèle vers plus de « durabilité » et « d’acceptabilité ». Il a pour cela lancé un programme stratégique appelé « Solutions 2030 » sur lequel il a communiqué début juin.
S’il faut retenir une chose dans ce métaprogramme, c’est ceci : Cooperl vise la neutralité carbone dès 2040.
Cooperl en Asie
Le groupe coopératif ne s’en cache pas : il a la volonté depuis dix ans de monter une filière porcine complète en Chine « pour répondre à la très forte demande locale », dit-il dans son rapport RSE 2022. Après avoir investi dans une ferme sélection en 2013, puis une salaisonnerie en 2019 avec un partenaire local (New Hope Liuhe), « acteur majeur de l’agroalimentaire sur le marché chinois », il va démarrer cette année les activités d’un centre d’insémination. Aucune information n’est donnée sur l’investissement. Mais l’on peut considérer qu’il s’agit là d’une opération stratégique pour soutenir le développement d’une filière de production sur place. Cooperl n’a pas des yeux de Chimène que pour la Chine. Il regarde également la Thaïlande où il a bâti une ferme au nord de Bangkok, dit-il. Ce dossier s’est fait avec un autre partenaire local : « Thaï Food, troisième acteur thaïlandais dans la production animale », explique le rapport RSE. En juillet 2022, Cooperl a fait partir par avion 1 300 truies vers ce site de production.
en chiffres
Cooperl
CA : 2,79 milliards d’euros en 2022 (+ 12,2 %) dont 35 % réalisées à l’export
Résultat : 7,295 millions d’euros
Salariés : 7 700
Adhérents : 3 038 dont 2 950 producteurs de porcs
Production : 5,442 million de porcs (- 2,8 %)
Abattage : 4,605 millions de porcs (- 1,44 %)
Parc : une trentaine de sites industriels et logistiques