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« C’est la première fois que les prix des broutards dépassent les coûts de production », Patrick Bénézit de la FNB

La hausse des cours des broutards a permis aux prix de dépasser les coûts de revient, c’est inédit. Patrick Bénézit, le président de la FNB, revient pour Les Marchés sur ce changement de ton du marché des bovins, ainsi que sur les menaces qui planent sur la filière en raison des accords de libre-échange en cours de finalisation, avec les pays du Mercosur et le Mexique. 

Pascal Bénézit, le président de la FNB
Pascal Bénézit, le président de la FNB, insiste sur la mobilisation contre les accords avec l'UE et le Mexique
© Sophie Châtenet

Les Marchés : Les prix de marché des broutards dépassent les coûts de production, c’est inédit ?

Patrick Bénézit : Ça n’est jamais arrivé ! C’est la première fois que les prix des broutards dépassent les coûts de production depuis qu'ils sont calculés, en 2018. C’est une bonne nouvelle, le reflet de ce pour quoi nous nous battons depuis des années, mais il faut ajouter une nuance. En effet ces coûts de production n’ont pas encore été réactualisés. Pour les élevages allaitants, ils dépendent beaucoup des services et devraient progresser de 5 à 10 %.

Lire aussi : Envolée des prix des broutards : « les conditions sont réunies pour que les prix restent élevés »

L. M. : C’est donc possible, un marché rémunérateur pour les broutards ?

P. Bénézit : Beaucoup d’opérateurs nous disaient que ce n’était pas possible... Quand le broutard était à 2,50 €/kg vif, on nous disait que le plafond était à 3 €, que personne n’achèterait au-delà. Aujourd’hui on a dépassé les 4 €/kg, et la hausse va continuer, il faut rattraper le retard de rentabilité. 

Il faut rattraper le retard de rentabilité

Il faut que les éleveurs puissent gagner leur vie, il n’y a pas d’autres choix. Attention, à ne pas oublier que sur l’ensemble du système allaitant, on est encore en retard, avec des prix des vaches qui ne couvrent pas encore les coûts de production (5,62 €/kg pour la vache viande R entrée abattoir, contre 6,2 €/kg de prix de revient, NDLR). 

Lire aussi : Viande bovine : la production en 2025 pourrait accuser le coup du contexte sanitaire

L. M. : Comment ces niveaux de prix vont-ils jouer sur la contractualisation ?

P. Bénézit : Des prix élevés pour les broutards poussent à la contractualisation en JB comme en génisses. Les engraisseurs doivent avoir des garanties en cas de retournement du marché. 

Les engraisseurs doivent avoir des garanties en cas de retournement du marché.

En filière bovine, nous fonctionnons avec un tunnel de prix, la fourchette basse de ce tunnel doit être au niveau du coût de production, même si bien sûr on espère que le marché restera au-dessus.

Lire aussi : A 5,74 €/kg, les prix des jeunes bovins viande battent un nouveau record

L.M. : Cela peut-il attirer des jeunes dans l'élevage allaitant ?

P. Bénézit : Si les prix décollent c’est qu’il y a une raréfaction de l’offre, il est nécessaire de maintenir notre production, donc de renouveler les générations. Mais on sait que la population du milieu agricole n’est pas intrinsèquement suffisante. Il faudra donc aussi des repreneurs qui ne sont pas issus du milieu agricole. Or pour une reprise, le ticket d’entrée devient très élevé, hors foncier, avec des stabulations déjà construites on est déjà sur du 500 000 €, 1 million d’euros ! On n’imagine pas un banquier prêter de telles sommes sans garanties. Pour nos jeunes, l’aval doit s’engager.

Pour une reprise, le ticket d’entrée devient très élevé 

L. M. : Peut-on imaginer un recours à l’intégration en bovins viande ?

P. Bénézit : Pour les naisseurs, non, c’est impossible, on n’est pas près de voir ça ! Ils ont seulement besoin de garanties. Pour les engraisseurs, c’est possible pour une partie, on peut avoir différents modes de production qui cohabitent, dont l’intégration, même si on prône que l’agriculteur reste le patron chez lui !

On prône que l’agriculteur reste le patron chez lui 

L. M. : Après le Mercosur, la Commission vient d’annoncer l’accord avec le Mexique. Qu’en pensez-vous ?

P. Bénézit : Nous étions le 22 janvier à Strasbourg, avec des agriculteurs italiens, autrichiens, polonais, allemand, irlandais bien sûr mais aussi espagnols –alors que leur gouvernement est pour ces accords– et nous avons recueillis des soutiens de parlementaires de tous bords politiques ! Nous restons mobilisés contre le Mercosur en premier lieu, c’est le plus gros accord, le plus dangereux. Mais celui avec le Mexique est très inquiétant. 

Lire aussi : Viande bovine : pourquoi il faut se méfier du Mexique

Il y a un contingent de 10 000 tonnes pour la viande et de 10 000 tonnes pour les abats (NDLR, à l'heure où nous publions ces lignes, la Commission a annoncé une baisse de ces contingents à 5 000 t chacun). Or les onglets et la hampe sont comptés dans les abats, c’est extrêmement gênant, avec des risques sur ces pièces nobles de voir une concurrence sans aucune norme !

Les onglets et la hampe sont comptés dans les abats, c’est extrêmement gênant

Lire aussi : Accord UE Mercosur : « les mobilisations agricoles peuvent changer la donne »

L. M. : Que pensez vous du fond de compensation d’un milliard d’euros évoqué par la Commission ?

P. Bénézit : C’est de la poudre aux yeux ! Il n’y a pas de mécanique, de règles. Nous, les éleveurs, on ne va pas se laisser acheter pour accepter cette concurrence déloyale. 

La Commission est d’une naïveté inquiétante !

La Commission est incohérente, la France aussi d’ailleurs d’avoir laissé passer ces accords. D’un côté on impose des normes aux producteurs européens, de l’autre on les expose à une concurrence déloyale, on laisse entrer des aliments fabriqués avec des produits interdits dans l’UE, phytosanitaires, hormones, antibiotiques comme activateurs de croissance, farines animales, feed-lot, transport sans normes bien-être ! A l’heure où Donald Trump met des droits de douane pour protéger son pays, où la Chine fait pareil, la Commission est d’une naïveté inquiétante !

Lire aussi : Accord Mercosur : « c'est pire que ce que l'on pensait », s'alarme Mathilde Dupré de l’Institut Veblen

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