Comment Germ’line a surmonté la crise des graines germées






Quand Philippe Bourgois reprend l’entreprise en 2001, il ne s’attend pas à vivre une telle situation de crise au sein de la filière française des graines germées. Ce marché de niche est secoué en 2011 par un scandale sanitaire mettant en cause des graines venant d’Égypte, puis d’Allemagne. La France n’est pas épargnée. « Le chiffre d’affaires s’est immédiatement effondré. Nous avons arrêté notre projet d’investissement, licencié la moitié du personnel. Et je suis allé négocier rapidement des moratoires avec les banques, les fournisseurs », détaille Philippe Bourgois.
Durant six mois, l’entreprise a perdu de l’argent. Ce n’est seulement qu’au bout d’un an que l’équilibre financier a été retrouvé. « Cette crise nous a fait perdre deux ans sur notre développement. Nous serions à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui », témoigne le président-directeur général et actionnaire majoritaire de l’entreprise. Fin 2017, Germ’line devrait réaliser un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros et connaît une croissance d’environ 20 % par an depuis quatre ans. L’avenir semble désormais plus favorable. Cette crise aura eu le mérite de professionnaliser la filière.
Cette crise nous a fait perdre deux ans sur notre développement
Germ’line a poussé à la mise en place d’une réglementation plus stricte au niveau européen qui comprend quatre chapitres : la traçabilité, l’obligation d’obtenir un agrément sanitaire pour créer une unité de production, les analyses bactériologiques et l’obligation d’une certification d’importation délivrée par les autorités du pays d’origine hors Union européenne. « Tous les producteurs européens sont désormais soumis à ces règles », explique Philippe Bourgois.
L’entreprise est également à l’initiative de la méthode d’analyse bactériologique des graines germées. « Nous avons travaillé sur un nouveau protocole d’analyse. Au lieu d’analyser les graines en fin de germination, nous analysons l’eau qui les traverse. Nous avons mis en place une charte qualité au travers de l’association que nous avons créée », détaille-t-il. Ils ne sont plus que deux producteurs dans cette association, la crise ayant eu raison de l’activité des deux autres. Cette charte qualité implique une analyse sur les graines sèches avant germination. « Nous avons augmenté la taille des échantillons qui sont testés avant de mettre l’ensemble des graines en production », explique Philippe Bourgois.
Structuration des filières françaises pour limiter l’importation
Autre conséquence bénéfique de la crise : le développement de filières françaises. « Depuis six ans, nous menons un important chantier de structuration de filière. Alors que nos achats provenaient de Hollande ou d’Italie, nous nous approvisionnons désormais à près de 75 % en valeur en France. En volume, c’est plus important », indique le PDG. Il a contractualisé et mis en place des partenariats avec des agriculteurs français, ce qui lui permet désormais de s’approvisionner à 100 % en blé, en épeautre, en seigle, en avoine ou encore en légumineuses (lentille, pois chiche, pois vert, etc.) en France.
Nous menons un important chantier de structuration de filière
« Nous achetons encore un peu le sarrasin en Allemagne, car nous avons du mal à trouver du gros sarrasin en France. Les petits ont de plus faibles qualités germinatives », précise Philippe Bourgois. Germ’line indexe ses prix payés aux producteurs sur le coefficient de germination des graines. « Grâce à ce travail nous avons reçu le prix de l’Excellence bio décerné par l’Agence bio lors du Salon de l’agriculture de 2016 », rappelle-t-il. Près de 100 % de sa production est biologique, hormis quelques références dont celle des graines de soja germées commercialisées sous le nom d’un partenaire depuis plus de vingt ans, la marque Les Crudettes.
Investissement dans un procédé de séchage
Pour satisfaire ses ambitions internationales, la société n’a eu d’autre choix que d’investir dans un procédé spécifique de séchage des graines germées. En 2005, elle met au point un procédé spécifique de séchage par technologie douce pour élaborer de nouveaux produits issus de graines germées, tels que de müesli ou des barres de céréales germées. La fabrication de ces dernières est pour le moment sous-traitée chez Balarama (37).
C’est en 2012 que la société décide d’investir 3,8 millions d’euros pour installer une seconde unité de production dédiée à cette technologie. Elle veut désormais lancer une marque « My super food veggie » qui couvrira l’ensemble des gammes sèches dédiées à l’exportation. Elle sera officiellement lancée dans le cadre de Natexpo au mois d’octobre prochain. Réalisant 10 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, l’entreprise ambitionne d’augmenter cette part à 35 % dans les cinq ans à venir grâce à des développements en Europe du Nord (pays scandinaves) et en Europe du Sud. Elle a déjà des courants d’affaires en Espagne et au Portugal, en Belgique, en Hollande et en Angleterre.
Le fonds Isatis Capital prend une participation minoritaire
Depuis juillet 2017, Philippe Bourgois n’est plus le seul actionnaire de l’entreprise. Il a choisi de faire entrer le fonds Isatis Capital en tant qu’actionnaire minoritaire. L’apport en fonds propres et quasi-fonds propres de 3 millions d’euros permet à Isatis de prendre une part minoritaire de 28 % au sein de Germ’line. « Cela va nous permettre de financer nos projets, notamment internationaux », précise Philippe Bourgois.