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Chronique
Ceta : un accord dangereux pour le consommateur européen ?

Le 23 juillet, le Parlement français a approuvé l’adoption de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (Ceta). Ce traité facilite l’entrée de la viande produite au Canada dans l’UE. Le grand public a émis des réserves sur cette partie de l’accord commercial, au regard des approches différentes, de part et d’autre, quant à la modification génétique, au bien-être des animaux et à l’utilisation d’hormones.

Katia Merten-Lentz, avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman
© DR

En vertu de la réglementation européenne (nº 1760/2000), l’étiquetage de la viande bovine, qu’elle soit fraîche ou congelée, doit indiquer le pays d’origine. Cette notion englobe le pays dans lequel l’animal a été élevé et celui où il a été abattu, chacun étant défini selon des critères détaillés, en fonction de l’âge d’abattage, du poids et de l’espèce de l’animal.

Mais cette réglementation n’exclut pas l’éventualité qu’une viande importée du Canada, soit indiquée comme provenant de ce pays alors qu’elle a, par exemple, partiellement été élevée aux États-Unis en vertu de la réglementation américaine. En d’autres termes, les exigences actuelles en matière d’étiquetage n’assurent pas nécessairement la transmission fidèle et complète de l’information relative à l’origine.

Quid des OGM dans l’alimentation animale ?

En raison de la crise de la vache folle, l’étiquetage indiquant le pays d’origine n’est actuellement obligatoire que pour la viande bovine et ses produits. Bien que l’évaluation d’impact de la Commission ait confirmé, dès 2013, que l’origine de la viande semblait être une préoccupation majeure pour les consommateurs européens (1), celle des viandes de porc, d’ovin, de chèvre et de volaille n’a pas à être étiquetée, à moins que son absence puisse induire le consommateur en erreur (2).

Cela signifie que ces autres espèces peuvent être vendues sur le marché européen sans qu’il soit nécessaire d’informer le consommateur de leur origine non européenne.

Pour y remédier, plusieurs États membres – dont la France – ont adopté des systèmes expérimentaux d’étiquetage obligatoire de l’origine pour la viande ou les ingrédients carnés. Ce ne sera donc au mieux que sur la base de ces règles nationales que l’origine canadienne de la viande devra être étiquetée (3).

Dans l’UE, les OGM, y compris ceux obtenus grâce à de nouvelles techniques de sélection (mutagenèse ciblée, par exemple), sont soumis à une législation spécifique et stricte. La réglementation en ce domaine est également très différente au Canada, qui est bien davantage en faveur du développement des OGM – le saumon génétiquement modifié, déjà sur le marché canadien, en étant une bonne illustration.

Si la viande génétiquement modifiée est encore très rare et ne pourrait pas être importée dans l’UE, l’utilisation de cultures génétiquement modifiées dans les aliments pour animaux est autorisée au niveau européen et suscite certaines inquiétudes. Or, aucune règle n’encadre l’indication de ce type d’informations pour les denrées alimentaires.

Silence sur les animaux traités aux antibiotiques

Enfin, si la viande issue d’animaux traités avec des hormones de croissance est, théoriquement, interdite à l’importation en Europe, l’accord commercial reste muet en ce qui concerne l’importation de déchets animaux et d’animaux traités aux antibiotiques. Ce silence devrait conduire les industriels, à utiliser des « allégations négatives » et ainsi renforcer l’information des consommateurs conformément au droit de l’UE : toute information doit être exacte et ne pas induire le consommateur final en erreur.

À ce titre, certaines entreprises ont déjà, et judicieusement, lancé des initiatives privées d’étiquetage relatives au bien-être animal et aux conditions d’élevage. Leur évaluation est fondée sur un référentiel scientifique international et sur plus de 230 critères, permettant de justifier la conformité de ces allégations, avec les exigences générales en matière d’information sur les denrées alimentaires.

En conclusion, il est à craindre que les exigences européennes en matière d’étiquetage de la viande soient inadaptées pour assurer une parfaite information du consommateur européen en ce qui concerne l’origine et les conditions d’élevage des animaux dont la viande serait importée dans le cadre du Ceta.

(1) Commission européenne, rapport no COM (2013) 755 final

(2) Règlement (UE) no 1169/2011

(3) Décret no 2016-1137 du 19 août 2016 relatif à l’indication de l’origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédient

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.

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