France-Algérie : comment la filière laitière pâtit de la crise diplomatique ?
L’Algérie veut réduire sa dépendance aux importations de produits laitiers, notamment de poudres de lait, en développant sa collecte. Malgré des projets impressionnants de fermes géantes en plein désert, les importations de poudres se sont avérées assez stables en 2024 et pourraient le rester en 2025. Mais la France pourra-t-elle en bénéficier en pleine crise diplomatique ?
L’Algérie veut réduire sa dépendance aux importations de produits laitiers, notamment de poudres de lait, en développant sa collecte. Malgré des projets impressionnants de fermes géantes en plein désert, les importations de poudres se sont avérées assez stables en 2024 et pourraient le rester en 2025. Mais la France pourra-t-elle en bénéficier en pleine crise diplomatique ?
L’Algérie est le troisième importateur mondial de produits laitiers, derrière la Chine et le Mexique, avec près de 4 millions de tonnes équivalent lait en 2023 selon le Cniel. Les produits laitiers pèsent lourd sur la balance commerciale alimentaire du pays, au second rang derrière les céréales.
La France, partenaire commercial important de l'Algérie...
En moyenne au cours des 10 dernières années, la France a exporté environ 200 millions d'euros de produits laitiers par an. C'était le dixième débouché de la France en 2023 pour 3 % des exportations. Le Cniel indique que le lait infantile pèse pour la moitié de nos envois en valeur, devant la poudre de lait écrémé, un peu plus d'un tiers.
... mais des exports au point mort
Depuis le début du conflit diplomatique, cet automne, liée à la position pro-marocaine de la France dans le contentieux du Sahara occidental, les échanges commerciaux en ont souffert.
"depuis le mois d’août 2024, les exportations françaises vers l’Algérie ont fortement diminué et sont même nulles depuis pour les poudres grasses et depuis septembre pour la poudre de lait écrémé"
FranceAgriMer a confirmé l’absence de volumes à destination de l’Algérie dans les exportations de céréales des derniers mois et de ceux à venir. Le Cniel constate de son côté que que "depuis le mois d’août 2024, les exportations françaises vers l’Algérie ont fortement diminué et sont même nulles depuis pour les poudres grasses et depuis septembre pour la poudre de lait écrémé". Les opérateurs ont rapporté des mesures restrictives, notamment sur l'activité bancaire pour les opérations d'import export. Le Cniel prévient, "Le conflit diplomatique ouvert entre la France et l’Algérie n’étant qu’à ses débuts, il ne semble y avoir à court terme de porte favorable de sortie ou de scénario optimiste à venir."
Des importations de poudres de lait qui se stabilisent
En 2024, les importations algériennes de poudre de lait semblent être assez similaires à celles de l’an dernier, selon les projections de l’USDA qui note des achats plus élevés sur les cinq premiers mois de l’année, mais un infléchissement par la suite. Les importateurs algériens sont très sensibles aux cours mondiaux de la poudre de lait. En 2023, comme en 2022, l’Algérie avait importé 418 000 tonnes de poudres de lait (entier et écrémé).
La reprise des achats algériens en 2022 et 2023, en rupture avec la stratégie de diminution des importations était liée à la hausse de la demande consécutive à la croissance démographique du pays et à la baisse de la production laitière nationale.
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En poudre de lait entier, l’origine Nouvelle-Zélande domine
Généralement, 60 % des importations algériennes sont constituées de poudre de lait entier, de la part d’opérateurs privés pour produire des packs de lait reconstitués ainsi que des yaourts et du fromage. Sur les 8 premiers mois de l’année, les importations de poudre de lait entier de l’Algérie reculaient de 8,3 % par rapport à la même période de 2023 pointe l’USDA, à 152 600 tonnes. Dynamiques en début d’année, les achats ont reculé cet été. Mais sur l’ensemble de l’année, la stabilité devrait prévaloir. Le premier fournisseur de l’Algérie pour la poudre de lait entier est, de loin, la Nouvelle-Zélande avec 67 % de parts de marché en 2023, devant le Mercosur (22 %) et l’UE (10 %).
En poudre de lait écrémé, l’UE reste incontestée
Sur les huit premiers mois de l’année, les achats algériens de poudre de lait écrémé ont atteint 127 500 tonnes, c’est 3 % de moins qu’un an plus tôt. C’est en revanche 20 % de plus que la moyenne quinquennale. C’est l’agence étatique Onil qui est l’acheteur clé pour la poudre de lait écrémé. Et cette fois, c’est l’UE qui, de loin est le principal fournisseur avec plus de 85 % de parts de marché en moyenne ces 5 dernières années.
L’USDA estime que les importations de poudres de lait écrémé de l’Algérie devraient se maintenir en 2025.
Baisse des importations de beurre et fromage
En revanche, les achats algériens de beurre et fromage tendent à reculer depuis cinq ans. En effet, ils restent soumis au droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPs) mis en œuvre en janvier 2019, les importations de ces produits sont devenues prohibitives et se sont considérablement réduites. A cela s’ajoutent des prix élevés sur le marché mondial. L’année 2024 devrait se conclure par une baisse des importations de beurre, dont la Nouvelle-Zélande est le principal fournisseur. L’Algérie importe davantage de fromage, dont près de 98 % provient de l’UE. Les Algériens apprécient les fromages à tartiner et les camemberts.
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Pourtant, l'Algérie veut développer sa collecte de lait
L’Algérie a produit 2,5 milliards de litres de lait en 2022, dernière donnée en date. A comparer avec les 4,5 milliards de litres dont elle aurait besoin, selon les calculs de l’USDA. L’État algérien subventionne la production laitière, avec des aides au litre, à la naissance des femelles laitière mais aussi sur le plan vétérinaire. Le plan de développement agricole 2020-2024 a encouragé l’apparition de méga-fermes et incité les investissements étrangers, comme ceux du Qatar. Le groupe laitier qatari Baladna juge que d’ici 10 ans, son projet sera la plus grande ferme verticale intégrée au monde, avec 117 000 hectares et plus de 270 000 têtes de bétail, produisant environ 1,7 milliard de litres de lait par an, avec une tour de séchage de poudre.
Le gouvernement encourage également la création de plus petites unités dans les montagnes, ainsi que l’élevage de chèvres et de chamelles pour produire du lait au Sahara.
La majorité des vaches algériennes sont des Montbéliardes (60 %) et des Holsteins (30 %), en grande partie importées d’Europe. Les cinq principales provinces laitières sont Souk Hras, Sétif et Batna à l’est, Sidi Bel Abbes à l’ouest, très touchée par la sécheresse et Ghardaïa au Sahara.