Analyse
Lait : le retour de la croissance moins rapide qu’attendu
Alors que les prix des produits laitiers affichent des records historiques, on aurait pu s’attendre à une hausse de la production. Mais la guerre en Ukraine a provoqué une telle hausse des coûts de production que la prudence reste de mise dans un marché peu lisible.
Alors que les prix des produits laitiers affichent des records historiques, on aurait pu s’attendre à une hausse de la production. Mais la guerre en Ukraine a provoqué une telle hausse des coûts de production que la prudence reste de mise dans un marché peu lisible.
S’il est un signe que la production de lait en France devrait se reprendre, c’est bien la baisse des abattages de vaches laitières. En cumul sur les onze premières semaines de l’année, ils ont chuté de 7,4 % par rapport à 2021, selon les données remontées par Interbev. Les éleveurs gardent leurs animaux afin de profiter du retournement de la conjoncture laitière. Car le marché des produits laitiers a fait une belle remontée en un an.
La cotation Atla du beurre cube atteignait 6700 €/t en semaine 11, c’est proche du précédent record de septembre 2017 et surtout 54 % de plus que l’an dernier.
Pour la poudre 0 %, avec une cotation Atla à 4040 €/tonne, les précédents records sont pulvérisés et le bond annuel est de +60 % !
Record battu aussi pour la poudre de lactosérum (1400 €/t, +44 % sur un an) et les fromages industriels (le Gouda en Allemagne est à 4 600 €/t, soit 42 % de hausse annuelle). Cette envolée est à relier à des disponibilités serrées en France mais plus largement en Europe et sur le marché mondial, alors que la demande reste bien orientée à tous les niveaux.
Bond des coûts de production
Pour les éleveurs, l’envolée des prix des produits laitiers a tardé à se retrouver sur leurs factures. En effet, les prix des produits de grande consommation ont, de leur côté, peu évolué l’an dernier. Dans le même temps, les coûts de production ont connu une hausse impressionnante, qualifiée de « véritable tsunami » par l’Idele dans son bilan de l’année laitière. L’indice Ipampa lait de vache, reflet des coûts de production, s’affichait ainsi en janvier 13,3 % au -dessus de son niveau d’un an plus tôt. En 2021, en moyenne sur un an, la MILC (Marge IPAMPA Lait de vache sur Coût total indicé, calculée par l’Idele) s’est établie à 91,3 €/1 000 l, son pire niveau depuis 2016, en baisse de -6 € par rapport à 2020. Le ton commence seulement à changer fin 2021.
Un marché plein d’incertitudes
Pour l’heure, la production laitière française se ressaisit lentement. En semaine 10, les volumes ne progressaient pas sur une semaine, alors que la période est celle de la hausse saisonnière, et ils restaient encore 1,7 % sous leur niveau de l’an dernier même période.
Il faut dire que le cheptel continue de baisser (-1,5 % à -2 % par rapport à 2021 anticipe l’Idele) et que les rendements n’augmentent pas car les producteurs distribuent le concentré avec parcimonie, car les prix d’achat sont prohibitifs. L’Idele rappelle aussi que les cessations laitières devraient être nombreuses cette année au vu de la démographie des élevages, tandis qu’à l’inverse les projets de construction sont au point mort du fait du renchérissement des devis.
La politique des laiteries est aussi parfois un frein à la croissance de la collecte puisque « certains ne réallouent pas tous les volumes contractuels libérés par les cessations laitières, voire programment des réductions de volume contractuel global avec certaines OP » explique l’Idele. La croissance de la production laitière dépendra aussi bien évidemment de la météo des mois qui viennent. Autre facteur qui pourrait ternir la reprise, la guerre en Ukraine qui provoque la flambée des matières premières, les exploitations en polyculture pourraient alors privilégier les cultures de ventes aux fourrages. Des facteurs qui joueront aussi sur la collecte européenne qui devrait afficher une croissance faible (+0,5 %/2021 toujours selon l’Idele). Comme les autres bassins exportateurs ne semblent pas afficher non plus de dynamique de production, les prix des ingrédients laitiers pourraient rester élevés une bonne partie de l’année.