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Grippe aviaire : la filière volaille frappée de plein fouet

L’attaque inédite et violente d’influenza aviaire hautement pathogène touche les Pays de la Loire après la Bretagne ainsi que le potentiel reproducteur des espèces minoritaires et des labels. Elle laissera des traces en élevage, dans l’industrie et les marchés.

Grippe aviaire : la filière volaille frappée de plein fouet
© Réussir SA

Ernest Soulard, Foulon, Léon Dupont, Pineau Frères, Bodin et des dizaines de volaillers sont pris dans la tourmente de la grippe aviaire des Pays de la Loire arrivée le 26 février en Vendée. Les entreprises les plus importantes sont sérieusement touchées, comme Galliance, la branche volailles de Terrena, Arrivé (groupe LDC) ou encore le béarnais Euralis qui fait élever des canards à foie gras dans le bassin vendéen pour la restauration.

Cet épisode frappe toutes les espèces volaillères d’une région déployant une variété bien française allant du poulet à la caille, en passant par le canard à rôtir, le canard gras, la pintade, la dinde fermière, sans compter la poule pondeuse. Il atteint le potentiel génétique de ces espèces, car les Pays de la Loire abritent des fermes de sélection et de multiplication fournissant des poussins aux autres régions.

Ainsi, des élevages de « grand-parentaux » de canard à rôtir ont été infectés et ont dû faire euthanasier ces ressources génétiques, apprend-on auprès d’Anvol, interprofession des volailles de chair. « La filière pintade est fragilisée, affirme Yann Nédélec, directeur d’Anvol. La Région Pays de la Loire fournit 90 % de la production de pintadeaux. Il y a quatre couvoirs, dont deux en zone réglementée. »

De son côté, le Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog) craint pour les canetons ligériens contribuant à repeupler les zones du Sud-Ouest ayant subi le vide sanitaire de cet hiver. En un mot, l’influenza en Pays de la Loire s’attaque à l’aviculture française.

Situation trouble

Le début du mois d’avril montrait des abatteurs débordés aux alentours des sites sensibles (élevages de grands-parentaux, élevages de parentaux et couvoirs) qu’il faut dépeupler en priorité. Les éleveurs de Vendée, si leurs volailles n’étaient pas atteintes, espéraient les mener à terme avant le dépeuplement du département annoncé par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

À la fin mars, une éleveuse de poulets fermiers de Challans, installée dans une poche de l’est du département épargnée par le mal, témoignait : « Mes poulets ont 45 jours et j’espère les porter à 81 jours au moins pour les valoriser en label. Chaque matin, j’observe s’il n’y a pas de mortalité anormale. Je vais aux nouvelles ; les avis de dépeuplement sont lancés, mais pas forcément actés, ça change tous les jours. » Cette éleveuse est une des rares de l’IGP Challans à maintenir son élevage. Il n’y a plus qu’un apport par semaine au lieu de sept ordinairement, apprend-on. Ce qu’espère avant tout cette fermière est que les éleveurs puissent repeupler au plus tôt, et mettre en place des poulets et dindes en début d’été pour fournir des chapons et dindes festives à Noël.

Peur de l’évaporation de main-d’œuvre dans l’abattage et la transformation

De leur côté, les abattoirs entament une période indéfinie d’inactivité et redoutent l’évaporation de main-d’œuvre. Les partenaires sociaux et les entreprises adhérentes de la FIA et du Cnadev, représentant les grands et petits abatteurs, ont trouvé un accord de mise en place du chômage partiel. Galliance, dont les surfaces d’élevage affectées représentent 50 à 80 % de l’activité planifiée, ne s’attend pas à un retour à la normale avant six mois. Alors que LDC, plus étendu territorialement, avait commencé à réorganiser ses productions à la mi-mars afin de limiter la baisse des volumes.

Si les volailles immatures sont perdues pour les marchés de l’alimentation humaine, celles qui sont abattues avant terme peuvent se valoriser, comme le poulet standard en coquelet ou la volaille fermière en volaille standard. Sylvain Neufcour, commissionnaire négociant en volailles à Rungis (Paris et Compagnie), témoignait début avril : « Le manque s’accélère ; on atteindra le creux vers la mi-avril. Il durera jusqu’à la mi-septembre au moins. La substitution des volailles des Pays de la Loire par celles d’autres régions fait à peine 10 % aujourd’hui, elle va s’accentuer forcément. »

Une substitution moins attendue est celle de volailles de chair par des poules pondeuses de réforme. Un commerçant en poules de réforme remarque une demande domestique plus active ; il fait le lien avec les ruptures d’approvisionnement et le renchérissement des autres espèces de volailles de chair. Il dit que certains clients industriels se tournent davantage vers la viande de poule, moins coûteuse : de la cuisse de poule en remplacement de cuisse de canard dans des confits ou en remplacement du poulet dans du jambon de volaille ou des plats préparés.

Les exportateurs de poules de réforme s’attendent au pire

Ce commerçant en poules de réforme est avant tout exportateur et l’apparition de cas d’influenza aviaire en Bretagne fait monter sa crainte de voir les exportations vers certains pays tiers stopper. Pour l’heure, tel n’est pas le cas, notamment pour la poule pondeuse bretonne et toutes les autres marchandises originaires des zones qui se situent en dehors des 10 km de surveillance. Les envois sont donc restés soutenus vers l’Afrique de l’Ouest. Il note au passage que des foyers ont été rapportés dans des élevages du Ghana, du Niger et du Nigeria. « Au cas où nos exportations se réduiraient, notamment vers d’importants marchés comme le Bénin et le Nigeria, nous avons commencé à rechercher d’autres débouchés sur le marché intérieur. Mais ce report ne permettrait pas de compenser les volumes de poules destinés au marché africain, ce débouché représentant 70 % du marché français », explique-t-il.

Certains opérateurs peinent à se positionner sur le marché intérieur puisque les produits valorisables ne sont pas les mêmes que ceux exportés. Il leur faudrait de nouveaux équipements pour la découpe.

en chiffres

La volaille ligérienne en France : 

20 % du poulet et du coquelet

25 % de la dinde

35 % du canard à rôtir

38 % de la pintade

41 % de la caille

Souci d’approvisionnement pour Rougié et Daunat

La grippe aviaire en Pays de la Loire, après l’épisode dans le Sud-Ouest, va affecter le foie gras cœur de gamme Rougié destiné à la restauration. « Il n’y aura pas de problèmes sur les innovations parce que leurs volumes sont encore minoritaires, mais sur les foies gras, ça va être complexe », avertit Aurélie Coppens, directrice de région Paris-Île-de-France-Nord de Rougié. Le groupe Euralis fournira moins de foies gras pour Noël 2022 qu’à l’accoutumée, entraînant une augmentation mécanique des prix. « Nous voulons mettre en place des actions pour être moins touchés que les autres opérateurs de la filière », souligne Aurélie Coppens.

Daunat, qui s’approvisionne depuis peu à 100 % en viande de volaille française, purge « une double peine », selon son directeur général, Frédéric Oriol, à cause de la grippe aviaire et de la guerre en Ukraine. « Nous avons de grosses difficultés au niveau des disponibilités des matières. Les contrats d’approvisionnement sont, par ailleurs, dénoncés par nos fournisseurs pour négocier des augmentations de prix, qu’il va falloir que l’on répercute nous aussi », a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse le 22 mars 2022.

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