Dossier sans sulfites
Les vins sans sulfites s'élèvent aussi en barriques
Pour les initiés, il est possible d’élever un vin sans sulfites en barriques. Cela nécessite toutefois de grandes précautions, et un suivi extrêmement rigoureux. Témoignages.
Pour les initiés, il est possible d’élever un vin sans sulfites en barriques. Cela nécessite toutefois de grandes précautions, et un suivi extrêmement rigoureux. Témoignages.
Si l’on devait classer les vins sans sulfites par niveau de difficulté, ceux élevés en barriques relèveraient du niveau « expert ». « Il faut y aller par étape car le sans sulfites suppose un changement global d’itinéraires. Une fois qu’on a acquis de l’expérience sur ces types de vins, il est plus facile de savoir quelle matrice peut supporter un apport lent mais régulier d’oxygène », pose Bertrand Châtelet, directeur de l’IFV pôle Bourgogne. Il estime d’ailleurs qu’une micro-oxygénation parfaitement maîtrisée peut « rendre les vins plus résilients pour un avenir sans SO2 ».
Préférez les barriques de plusieurs vins pour limiter les apports d’oxygène
Après une phase de test en 2018 sur 50 hl de vin, Lydia Coudert, dirigeante des Vignobles Coudert, en Gironde, a décidé de généraliser le non-sulfitage en vinification sur toutes les cuvées. Avec Julie Macary, œnologue au Château Castagnac, l’un des domaines des Vignobles Coudert, elles ont été convaincues par la gourmandise et le croquant des cuvées sans sulfites. Pour autant, les deux femmes ne souhaitaient pas rompre avec la tradition bordelaise de l’élevage en barriques. « Le bois apporte une onctuosité qui est intéressante. Je trouve même que l’intégration du boisé est plus fine sur les matrices sans sulfites », poursuit l’œnologue. Pour leur cuvée Barrique rebelle, elles ont opté pour un fût de deux vins. « Les apports d’oxygène sont plus importants avec les barriques neuves, donc c’est plus risqué. Mais si on choisit une barrique de plusieurs vins, il faut être irréprochable sur le nettoyage et la désinfection », prévient Bertrand Châtelet. Hugues Laborde, régisseur des propriétés Invidia – qui élève en ce moment en barriques un saint-émilion grand cru sans sulfites – reconnaît que cette cuvée nécessite un suivi microbiologique rapproché. « Je fais un test PCR avant entonnage, et un test PCR par mois pour détecter l’éventuel développement de Bretts, en plus des dégustations régulières », explique-t-il. Malgré ces précautions, de mauvaises surprises peuvent survenir. « Au moindre doute, il faut mettre en place des mesures correctives. Et accepter de devoir sulfiter si la situation ne s’améliore pas », pointe Lydia Coudert.
Plus que l’élevage, les transferts représentent le plus grand risque
Pour Bertrand Châtelet, plus que le séjour en barrique, ce sont les moments où le vin bouge qui sont les plus dangereux. « La première chose à avoir en tête c’est que l’oxygène se dissout plus rapidement à basses températures. Donc on n’entonne pas et on ne soutire pas en période hivernale si le chai n'est pas chauffé », explique-t-il. Un principe auquel Hugues Laborde ne déroge pas. « Si les vins sont à moins de 16 °C, ils ne bougent pas », affirme le vigneron. Le moindre transfert doit par ailleurs se faire sous inertage. « On maintient des teneurs en CO2 dissout dans les vins minimum à 1 000 mg/l, que l’on rabaisse autour de 600 mg/l avant mise », relate Julie Macary. Enfin, le succès d’un élevage en barriques repose aussi sur un contrôle optimal des températures du chai pour éviter les variations de volume, selon Hugues Laborde. « Ce qui n’empêche pas de refaire les niveaux environ une fois par semaine », pointe le vigneron. Pensez également à laisser les vins sur lies fines, « pour profiter de leur pouvoir réducteur », conclut Bertrand Châtelet.