Maîtriser l’élevage sans sulfites
Les vinifications sans soufre ont le vent en poupe. Mais une fois les fermentations achevées, l’élevage de ces vins peu ou pas sulfités demande de la rigueur.
Les vinifications sans soufre ont le vent en poupe. Mais une fois les fermentations achevées, l’élevage de ces vins peu ou pas sulfités demande de la rigueur.
Invité lors des journées sur la bioprotection organisées par l’IOC Academy, l’œnologue Jean-François Vrinat a délivré ses conseils sur l’élevage des vins peu ou pas sulfités. Selon lui, l’un des premiers critères à prendre en compte est l’équilibre oxydo-réducteur. En hiver, les températures basses favorisent une forte dissolution d’oxygène. « Ce qui se traduit par une polymérisation accrue des tanins dès lors que la température remonte », prévient l’expert. Il recommande donc d’inerter les vins. « L’idéal est de faire des élevages en inox durant l’hiver. Mais si l’on utilise des fûts, on peut les positionner avec la bonde de côté pour minimiser les entrées d’air. » De la même façon, il met en garde contre les températures trop chaudes en été, « qui entraînent une faible dissolution d’oxygène mais des effets immédiats ».
Au printemps et à l’automne, le vinificateur peut travailler à la « construction de son vin », en utilisant par exemple des cuves en fibres de verre. « Elles sont souvent dénigrées mais dans ce cas, il s’agit d’un matériau intéressant », souligne Jean-François Vrinat. De même que le bois, qu’il voit comme un matériau plus polyvalent. Car à ses yeux, le fût n’est pas l’ennemi des vins peu sulfités. « Bien sûr que le risque Bretts existe, reconnaît-il. Mais aujourd’hui, il se maîtrise très bien. Par l’hygiène et par les soutirages. »
Soutirer en lune descendante pour avoir des lies plus tassées
À ce sujet, Jean-François Vrinat met en garde contre les interventions trop tardives. « Il faut impérativement soutirer en fin d’hiver, conseille-t-il. Car une fois que les températures remontent, les mouvements de convections remettent tous les micro-organismes en suspension, dont les Bretts. » D’après l’œnologue, l’idéal est de réaliser un contrôle microbiologique en amont sur un échantillon prélevé en fond de récipient, pour vérifier si le vin est contaminé. Il oriente les vignerons vers des contrôles par PCR, « pour détecter les souches viables mais non cultivables ». Malheureusement, la démarche a un coût important, de l’ordre de 60 à 100 euros par lot. Dès lors que le vin présente des Bretts, le soutirage s’impose – suffisamment haut pour être sûr de ne garder que la partie indemne du liquide. En ce qui concerne les fonds de cuve, le consultant préconise un assemblage en fonction des profils, suivi d’une filtration tangentielle. Pour des contaminations faibles, c’est-à-dire en dessous de 102 UFC, il vante aussi les bienfaits du collage. Enfin, pour un soutirage efficace, Jean-François Vrinat encourage les vinificateurs à travailler en période de haute pression atmosphérique et en lune descendante. Car il observe des lies plus tassées. Quant au soufre, il n’est pas proscrit et permet de pallier les cas de dérives avérés, dus aux Bretts ou aux bactéries lactiques par exemple. Mais l’important est de ne pas agir trop tôt. Car plus le sulfitage sur vendange est important et précoce, « plus le SO2 apporté durant l’élevage a tendance à combiner », observe l’œnologue. Mieux vaut donc opter pour un léger ajout au moment de la mise ou en cours d’élevage en cas de besoin, qui contribuera à stabiliser l’évolution gustative dans le temps.
Des vins évolutifs : un frein pour les consommateurs
Aujourd’hui, la principale difficulté des vins sans sulfites est la dégustation. « Car les vins évoluent au début de leur vie de manière périodique entre ouverture et fermeture », souligne l’œnologue Jean-François Vrinat. Avec des « cycles » durant lesquels les vins peuvent être perçus comme réduits, ou à l’inverse, très oxydés. « On ne sait pas anticiper ces changements pour en avertir les consommateurs », déplore-t-il. En revanche, le professionnel assure que les vins non sulfités peuvent se conserver plus de 7 ans. À condition d’avoir des conditions de stockage favorables (températures inférieures à 16 – 18 °C) et des bouchons en liège de qualité.