Dossier sans sulfites
À chaque vin sans sulfites son obturateur
Chaque vin sans sulfites, selon sa couleur, sa méthode d’élaboration et son circuit de distribution, a des besoins en oxygène différents pendant le vieillissement. Voici quelques éléments pour affiner sa réflexion dans le choix du bon candidat pour le bouchage.
Chaque vin sans sulfites, selon sa couleur, sa méthode d’élaboration et son circuit de distribution, a des besoins en oxygène différents pendant le vieillissement. Voici quelques éléments pour affiner sa réflexion dans le choix du bon candidat pour le bouchage.
Dans le cas d'un vin sans sulfites, les conséquences du type de bouchon sur l’évolution qualitative du vin sont encore plus cruciales. « Faire le bon choix n’est jamais facile, mais avec les vins sans sulfites, c’est encore plus compliqué », pose Christophe Loisel, directeur R & D chez Diam Bouchage. Il rappelle que le bouchon doit répondre à trois objectifs. « Empêcher les couleuses, ne pas impacter sensoriellement le vin et apporter une quantité d’oxygène maîtrisée », énumère-t-il. Du côté des fournisseurs de bouchons et capsules à vis, de nombreux travaux ont été menés au cours des dernières années pour affiner les connaissances sur ce dernier point, celui de la perméabilité.
Des arbitrages à faire sur les besoins en oxygène d’un vin
« La perméabilité d’un bouchon repose sur deux choses. L’oxygène qui est relargué au moment de la décompression des cellules du liège, appelé OIR (Oxygen Initial Release), et la diffusion passive d’oxygène à travers le bouchon au cours du temps, appelé OTR (Oxygen Transfer Rate) », explique Christophe Loisel. La maîtrise de ces paramètres permet aujourd’hui de garantir un apport d’oxygène via le bouchon relativement précis.
« À part sur les bouchons en liège naturel qui ont des perméabilités très variables. Ils sont donc à éviter si on veut parfaitement maitriser la conservation de ce type de vins », complète le responsable. À une époque, cela impliquait de se tourner vers des bouchons pas forcément très naturels. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les bouchons synthétiques de la gamme Green Line de Nomacork, ou les bouchons techniques Origine de Diam, ont en partie été développés pour accompagner le développement des vins bio et sans sulfites.
Reste à savoir comment déterminer les besoins en oxygène d’un vin. Pour le moment, il n’existe pas d’appareil miracle. « Ça devrait être de plus en plus maîtrisé au cours des années à venir », indique Christophe Loisel. C’est donc aux vinificateurs de faire leurs propres arbitrages pour déterminer le meilleur rapport bénéfice/risque. « Il faut impérativement tenir compte du circuit de distribution, insiste Matthias Bougreau, chef de projet au centre du rosé. Un acheteur chez un caviste est plutôt un connaisseur, il va avoir tendance à garder un peu le vin alors qu’un acheteur en supermarché est plutôt sur une consommation rapide. »
Des risques de réduction avec un obturateur trop imperméable
Au-delà de l’aspect marché, le choix du bouchon se raisonne en fonction du type de vin. Les vins rouges sont les plus résistants à l’oxydation du fait de leur richesse en polyphénols, molécules antioxydantes. Dans une étude menée dans le cadre du programme Interbio entre 2015 et 2016 par l’IFV Sud-Ouest, les chercheurs ont étudié l’évolution de vins produits à partir de négrette en fonction de six obturateurs. Ils n’ont relevé aucune différence entre les modalités jusqu’à la dernière dégustation réalisée 12 mois après le conditionnement.
D’après les chercheurs, les modalités les plus imperméables, à savoir la capsule à vis et le diam 10, présentaient alors des notes de réduction. Ils préconisaient donc d’utiliser les bouchons les moins perméables de la catégorie « moyennement perméable » (voir encadré). « Il y a un risque plus ou moins fort selon le cépage. La syrah par exemple occasionne souvent ce type de défaut, sur les rouges comme sur les rosés », note Florent Touzet, œnologue conseil à l’ICV. Sur les rosés justement, l’absence de sulfites peut aussi engendrer des conséquences sur la teinte.
« Au cours du stockage, on observe souvent une évolution de la couleur vers le jaune, signe d’une oxydation », poursuit Florent Touzet. Des essais menés par l’IFV et le Centre du rosé en partenariat avec Diam en 2018 ont permis de démontrer que les bouchons les plus perméables de la catégorie « faible perméabilité » offraient le meilleur compromis entre prévention du développement de la couleur jaune et absence de réduction.
La capsule à vis évolue pour s’adapter au blanc sans sulfites
Le vrai risque avec les vins blancs demeure l’oxydation. Grégoire Pissot, œnologue à la cave de Lugny, en Bourgogne, estime que le meilleur obturateur pour son mâcon blanc est la capsule à vis. L’étude de l’IFV, réalisée sur négrette mais aussi sur le cépage loin de l’œil avait abouti aux mêmes conclusions. « Pour les vins blancs, nous avons observé une évolution oxydative à partir de 4 mois après la mise en bouteille pour l’intégralité des modalités à l’exception de la capsule à vis », notaient alors les chercheurs dans leur rapport. « Le problème pour notre appellation, c’est que cet obturateur se heurte en France à un problème d’image », soulève Grégoire Pissot. Alors que l’œnologue n’a pas constaté de réduction sur son mâcon sous capsule à vis, le problème a souvent été relevé sur les vins blancs aux profils thiolés.
Piéger les composés responsables d'arômes réducteurs dans la capsule
En mai dernier, la société Volker Schneider, spécialiste du revêtement pour les capsules à vis, a dévoilé sa dernière innovation conçue pour y remédier. Dans son joint étain-Saran, le fabricant a ajouté une couche active composée d’une membrane polymère sur laquelle est immobilisé du cuivre. « Les thiols et le H2S responsables des arômes réducteurs diffusent du vin à travers la membrane et se fixent de manière irréversible sur le cuivre », explique Volker Schneider. « Mais attention, avec une capsule à vis, la hauteur du dégarni est importante. Mieux vaut faire appel à des spécialistes de la mise en bouteilles de vins sans sulfites », conseille Florent Touzet. Il préconise d’ailleurs de ne pas dépasser 0,5 mg/l à 1 mg/l d’oxygène cumulé dans l’espace de tête et dissout dans le vin. Et précise que le bois est une solution à envisager en amont pour masquer de légères notes d’oxydation.
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Quatre grandes catégories de bouchons
Les obturateurs sont classés selon leur degré de perméabilité. Les plus imperméables sont les capsules à vis, puis viennent les bouchons techniques et synthétiques de faible perméabilité et de perméabilité moyenne. En général ces deux catégories se déclinent en deux ou trois perméabilités selon les fabricants. Enfin, le bouchon le plus perméable est le bouchon en liège naturel.
De la bioprotection sous le bouchon
Pour sécuriser le transport de son vin rouge sans sulfites, notamment à l’export, Jean-Pierre Valade, vigneron associé au Château la Croix des Pins, dans le Vaucluse, s’est inspiré de son expérience dans la bulle, puisqu’il est aussi directeur technique à l’Institut œnologique de Champagne (IOC). « Pour éviter que la couleur des champagnes rosés n’évolue vers des teintes orangées, on fait des remuages de sorte à faire remonter les lies contre la capsule. Elles vont ainsi consommer l’oxygène et protéger le champagne de l’oxydation », explique-t-il.
Pour le premier millésime en 2012, il se sert des lies fines collectées en fin de fermentation alcoolique et conservées par congélation jusqu’à la mise. Pour des questions pratiques, et parce que l’efficacité est tout aussi bonne, il se sert aujourd’hui de levures inactivées. « L’idée est de former un dépôt de 3 mm contre le bouchon, précise-t-il. Dans ma cave qui est parfaitement thermorégulée, les bouteilles peuvent rester allongées. Environ une demi-heure avant le transport, je les mets sur la pointe. » Le même laps de temps est nécessaire pour que les lies se déposent dans le fond de la bouteille une fois remise à l’endroit. « Mais en soi, le dépôt est tellement fin que ça ne gêne pas le consommateur », complète le vigneron. Il n’a jamais eu de retours négatifs depuis le début de la commercialisation de sa cuvée « la tête à l’envers », qu’il met en scène dans un coffret qui a le mérite d’attirer l’attention.