Un test pour détecter les Bretts résistantes aux sulfites
Le laboratoire Sarco et Excell, basé en Gironde, commercialise depuis janvier 2019 le TYP\Brett, un test pour détecter et quantifier les Bretts résistantes au SO2. Trois châteaux bordelais l’ont déjà adopté.
Le laboratoire Sarco et Excell, basé en Gironde, commercialise depuis janvier 2019 le TYP\Brett, un test pour détecter et quantifier les Bretts résistantes au SO2. Trois châteaux bordelais l’ont déjà adopté.
Anthony Yaigre, directeur technique de Château Beaumont, à Cussac-Fort-Médoc, fait partie des premiers à avoir utilisé le TYP\Brett. “Notre principal souci en tant que vinificateur, ce sont les Bretts, témoigne-t-il. D’autant plus aujourd’hui, car les vins présentent des pH élevés, ce qui augmente inévitablement leur sensibilité”, poursuit-il. Pour le directeur technique, toute nouvelle connaissance sur le sujet est donc plus que bienvenue. C’est dans ce contexte qu’il assiste en 2018 à une réunion technique organisée par Vincent Renouf, directeur général du laboratoire Sarco et Excell, et que l’existence du TYP\Brett attire son attention. “À ce moment-là, j’avais un lot de 2017 en fin d’élevage qui déviait, malgré des SO2 libre autour de 35 mg/l”, indique-t-il. Il fait analyser un échantillon par le procédé TYP\Brett, qui vient confirmer ses doutes. La présence de Bretts résistantes au SO2 conduit immédiatement l’œnologue à changer de stratégie de protection. Après un traitement au chitosane à 10 g/hl et une filtration tangentielle, les teneurs en phénols cessent d’augmenter. “Lors du prochain millésime, si j’ai des suspicions, je réaliserai cette analyse en fin de fermentation alcoolique”, annonce Anthony Yaigre. À l’avenir, il pourrait même envisager de se servir du TYP\Brett pour affiner la mise en bouteille ou vérifier le bon nettoyage des fûts. De quoi augmenter de façon non négligeable le budget alloué aux analyses. “C’est à réfléchir, car le sulfitage aussi a un coût”, déclare-t-il.
Des populations résistantes encore largement minoritaires
Pour Arnaud Delaherche, responsable R & D des vignobles Bernard Magrez, ce coût est négligeable au regard de l’importance de l’information fournie par le TYP\Brett. “C’est une analyse qui permet d’aller dans le détail du détail, que l’on réalise après s’être assuré de la présence de Bretts via les analyses classiques”, explique-t-il. C’est en 2018 qu’il réalise les premiers suivis TYP\Brett sur des lots suspects en cours d’élevage en barriques, et dont la présence de levures indésirables a été révélée par une analyse PCR. Il constate que les souches résistantes au SO2 sont largement minoritaires : seul un lot d’un des châteaux du groupe en contient. Toutefois, pour le responsable R & D, le TYP\Brett est une analyse dont on aurait tort de se priver car la réduction des sulfites est une priorité et que c’est un outil supplémentaire pour y parvenir. Autre atout mis en avant : “les stratégies alternatives au sulfitage ont un coût, le chitosane est relativement cher et la filtration n’est pas une étape anodine pour le vin, en termes de manipulation”. Si l’information apportée par le TYP\Brett lui est donc précieuse, il regrette que pour l’heure, les résultats soient assez longs à obtenir. “Il faut compter 24 h pour avoir les résultats de la PCR puis cinq à sept jours pour les résultats du TYP\Brett”, atteste-t-il. Le laboratoire Sarco et Excell propose d’ores et déjà une évolution de l’analyse dont le résultat est disponible sous 48h.
Apporter de la précision dans sa stratégie de lutte
Benjamin Vimal, directeur technique de Château Lagrange, à Saint-Julien-Beychevelle, également dans le Médoc, partage le point de vue de ces confrères sur l’intérêt de l’outil. Il utilise le TYP\Brett en complément des analyses effectuées avant les premiers assemblages sur les lots à risques. “Nous réalisons un suivi par mois après la fin des FA, qui comprend un dénombrement et une mesure des concentrations en éthylphénols”, indique-t-il. Depuis 2017, il ajoute une analyse TYP\Brett sur les lots suspects à la fin des malos. Si au Château Lagrange, le risque Bretts est globalement contenu grâce au sulfitage, le directeur technique reste prudent. “On a du mal à prédire les facteurs de risques, on voit bien qu’il y a un effet millésime mais il nous manque des éléments pour comprendre comment se développent les populations de levures”, explique Benjamin Vimal. Motivé par le désir de réduire les sulfites dans les vins, le TYP\Brett est pour lui un moyen d’apporter de la précision dans sa stratégie de lutte contre ces populations souches indésirables. “Il faut faire preuve d’humilité face à cette thématique Bretts, et se servir de tous les outils à notre disposition”, conclut-il.
Avis d’expert : Vincent Renouf, directeur général du laboratoire Sarco et Excell, à Floirac, Gironde
Quantifier les populations de Bretts et le pourcentage de souches résistantes
“Les conditions de stress provoquées par des sulfitages réguliers et à des doses relativement élevées ont généré le développement de souches résistantes au SO2. Des recherches menées par l’ISVV ont mis en évidence que cette résistance est due à une particularité génétique. Les populations concernées sont triploïdes alors que leurs homologues sensibles au SO2 sont diploïdes. Il s’agit donc d’une différence facilement détectable. Nous avons repris et finalisé le développement de ce procédé d’identification, que nous avons appelé TYP\Brett, afin de permettre à nos clients de prendre les bonnes décisions lors de l’élevage. Le TYP\Brett permet de quantifier les populations totales de Bretts ainsi que le pourcentage de souches résistantes. Le coût de l’analyse varie en fonction de l’offre de prestation globale et de nos partenariats, mais il reste plus cher qu’une analyse de routine. C’est pourquoi, je recommande de suivre régulièrement les concentrations en phénols et de réaliser le TYP\Brett si l’on constate que ces teneurs continuent à augmenter malgré les sulfitages aux doses habituelles.”