L’avis du directeur de Valorial
« Viser à la définition de produits sains, bons et pas chers est un bon défi »
Les Marchés Hebdo : De votre place, observez-vous des signes d’un changement de paradigme à venir en matière d’innovation, compte tenu de la crise sanitaire ?
Jean-Luc Perrot : La contrainte économique sera un paramètre nouveau pour tous. Les efforts ont porté ces dernières années sur la montée en gamme des produits dans un mouvement de « prémiumisation » de l’offre. Valorial labellise environ une trentaine de projets par an pour un investissement moyen de 500 000 à 5 millions d’euros pour des objectifs à moyen terme. Mais il y a déjà des signaux faibles qui nous font penser que demain, on pourrait assister à une diversification des projets avec des objectifs à la fois court et moyen terme, et au renforcement de la thématique compétitivité-prix. En cela, viser à la définition de produits sains, bons et pas chers est un bon défi.
LMH : Mais la crise économique qui pointe ne risque-t-elle pas de freiner les investissements dans l’innovation ?
J-.L. P : C’est vrai qu’il y a beaucoup d’incertitudes sur la situation économique à venir et sur la capacité des opérateurs économiques à innover. Je veux souligner ici un point : il me semble dangereux de sacrifier la recherche et développement, demain, à l’aune de la situation économique. Dans les secteurs industriels, l’innovation constitue le véhicule indispensable pour que l’économie rebondisse. Dans une communication récente faite à l’Association européenne des clusters, Thierry Breton, commissaire européen chargé de la politique industrielle, ne disait pas autre chose. Pour lui, c’est l’innovation qui permettra à l’économie européenne de se redresser.
LMH : L’innovation ne va-t-elle pas changer de visage demain ?
J.-L. P. : Chacun des projets labellisés par Valorial réunit déjà au minimum 2 ou 3 acteurs économiques, voire 8 ou 9 pour des consortiums qui ont pour objectif de développer un contenu de connaissances avant de développer des projets spécifiques dans un second temps. Demain, on peut effectivement imaginer une plus grande mutualisation des projets dans le but de répartir les coûts. De ce point de vue, Valorial lance cet été une enquête auprès d’un certain nombre d’entreprises (30 à 50) pour connaître leurs ambitions en la matière. L’enquête arrivera fort à propos, au moment où les entreprises budgètent leurs comptes pour l’exercice suivant. En revanche, il me paraît difficile d’imaginer l’externalisation du processus d’innovation pour en réduire les coûts. On peut externaliser des processus normés, beaucoup plus difficilement l’innovation qui doit rester une fonction souveraine de l’entreprise.