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Viande artificielle : « La bataille de la viande sur la qualification de ces produits est secondaire », selon Christian Harbulot, directeur de l’École de guerre économique

Pour Christian Harbulot, directeur de l’École de guerre économique, le secteur de la viande devrait mener d’autres batailles d’information que sur le seul plan de la qualification des produits. Élargir le débat sur la santé, le mode de vie, les modes de production est un tout autre enjeu.

Christian Harbulot, directeur de l'École de guerre économique.
Christian Harbulot, directeur de l'École de guerre économique.
© EGE

Christian Harbulot a dirigé un rapport sur la viande artificielle, la révolution qui inquiète au sein de son école. Publié en juin, le rapport met l’accent sur le paradoxe qui existe entre les objectifs « nobles » de nourrir la planète et l’absence totale de transparence sur les procédés, amenant des doutes quant à leurs effets sur la santé.

Pourquoi pensez-vous que la viande artificielle est l’objet d’une guerre économique ?

Christian Harbulot - L’évolution du système américain est un enjeu très important à prendre en compte. Aux États-Unis, on voit apparaître une offre de vente d’appartement, de maison sans cuisine. Cela a l’air d’être une anecdote, mais ce n’en est pas une. Si on fait disparaître les cuisines, cela va changer le système global, le mode de vie. Ce n’est pas anodin. Les acteurs de la viande cellulaire inventent un nouveau système d’alimentation sous couvert d’une enveloppe humanitaire, très habilement menée. Le vrai problème est leur discours autour de l’humanitaire, alors que l’objectif de ses acteurs est bien la rentabilité. Le second point est que la viande cellulaire ne déclenche pas de débat médiatique sur le bien-être animal, par exemple, et cela plaît aux financiers qui veulent éviter les crises d’information.

Existe-t-il un paradoxe entre l’objectif affiché de la viande cellulaire et les problèmes de transparence sur leurs procédés ?

C. H. - Le point faible est en effet à ce niveau-là. À l’époque sur les OGM, José Bové disait : « Pouvez-vous me certifier que cela ne rend pas malade », à l’Académie des sciences. Si la même question était posée aujourd’hui aux acteurs de la viande artificielle, ils ne pourraient pas répondre. Les acteurs de la viande cellulaire sont plutôt dans l’optique de dire : « Laissez-nous développer nos productions, puisqu’il n’y a pas de problème. » C’est un vrai point faible derrière cette absence, en apparence, de débat. Mais les financiers qui soutiennent ce secteur ne se rendent pas compte que s’il devait y avoir un problème de santé un jour, les premiers visés seront les financeurs.

Plus qu’une guerre économique, la viande artificielle ne fait-elle pas aussi l’objet d’une guerre de l’information ?

C. H. – Ce que je regrette, c’est que les acteurs de la viande se battent sur le terrain de la qualification des produits. Je ne dis pas qu’il ne faut pas mener cette bataille, mais elle est très secondaire par rapport aux enjeux qui se cachent derrière tout ça. Le monde agricole, la viande en particulier, se bat sur son cœur de métier, mais passe à côté du rouleau compresseur informationnel représenté notamment par les Gafam (acronymes des géants du web, NDLR). Leur système de frappe informationnel, construit à travers les plateformes, les réseaux, les messages publicitaires par des biais scientifiques, médiatiques, marketing, fait passer une vision globale de changement de mode de vie. La très grande carence du monde agricole est de ne pas riposter à cette déstabilisation. Si les acteurs ou lobbyistes de la viande artificielle évoquent volontiers l’avenir de la planète, ils ne parlent jamais du fait que ce seront les moins aisés qui mangeront leurs produits. Et si je commence à faire le lien avec les problèmes de santé, notamment d’obésité aux États-Unis, cela devient un vrai problème. Aujourd’hui, en Europe, un lobbying se met en place. Ce n’est pas un hasard si Xavier Niel se lance sur ce terrain-là. Aux Pays-Bas, certains essayent d’être à la pointe dans ce secteur et remettent en question leur modèle de production. Je note que les positions des pouvoirs publics sont assez contradictoires aussi. Il n’y a pas de vision très claire, cela met en alerte. Tant qu’il n’y aura pas une vision globale au niveau du monde agricole qui élargit le débat, on sera très fragile. C’est une erreur stratégique de penser : vivons heureux, vivons caché. Je rappelle que cette erreur a été commise pour le secteur nucléaire. Que le monde agricole ne commette pas la même !

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