Chronique
Vers l’étiquetage des risques de suffocation et d’asphyxie
La cour d’appel de Paris a confirmé, le 15 mai, la responsabilité de la société Herta au titre des conséquences médicales liées à l’étouffement d’une fillette après ingestion de Knacki Ball. Décryptage.
En 2012, une petite fille de trois ans s’était étouffée avec une saucisse apéritive Knacki Ball de la marque Herta. Prise en charge par les services de secours, mais déjà en arrêt cardio-respiratoire, elle conserve des séquelles de cet accident. Ses parents ont assigné la société Herta devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir une indemnisation du préjudice subi.
Il convient de rappeler qu’en application du règlement Inco, il est obligatoire de fournir toutes informations permettant un usage sûr de la denrée, y compris les risques et conséquences liés à une consommation néfaste et dangereuse. Mais c’est sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux (1) que la société Herta a été condamnée en premier instance, le 10 mai 2016, à réparer toutes les conséquences dommageables de cet accident et à payer à la victime et sa famille la somme de 165 000 euros.
Selon la directive 85/374/CEE, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit. À ce titre, un produit est considéré comme défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre au regard de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
Le défaut de sécurité en cas de mention insuffisante
La jurisprudence considère que le défaut de sécurité peut être caractérisé par un défaut extrinsèque du produit en cas de mention insuffisante de ses effets indésirables. En l’espèce, le juge de première instance avait fait droit aux arguments de la victime qui soulignait la tonalité festive caractérisant le produit et critiquait l’avertissement apposé sur son emballage, « très discret dans sa forme et guère alarmant sur le fond ».
La société Herta a fait appel de ce jugement car, selon elle, c’est la proximité du produit avec l’enfant et non ses caractéristiques intrinsèques qui constitue un facteur de dangerosité. Conformément aux recommandations de la commission de sécurité des consommateurs de 2005 en ce qui concerne les petites saucisses apéritives à garder hors de portée des jeunes enfants, les emballages des produits doivent porter de manière visible et lisible dans les conditions normales d’utilisation une mention (éventuellement accompagnée d’un dessin ou pictogramme) réalisée dans une taille et une couleur ne manquant pas d’attirer l’attention, indiquant que ces produits ne sont pas destinés aux enfants de moins de quatre ans, qui tentent de les avaler sans les mâcher (2).
La mention retenue par la société Herta – « ne pas donner ni laisser à la portée d’enfants de moins de 4 ans ; ils risqueraient d’avaler sans mâcher » – suivie d’une mention identique dans une autre langue et associée à un pictogramme représentant le visage d’un enfant, barré d’une croix était, selon elle, accessible au consommateur et suffisamment explicite sur ses risques potentiels.
La prise de conscience du danger
Mais la cour d’appel de Paris a considéré que ni la taille, ni la couleur, ni davantage l’emplacement de la mention d’avertissement ne contribuaient à « suffisamment » attirer l’attention des parents de jeunes enfants sur les risques d’étouffement encourus, et les inciter à tenir la denrée hors de la portée des jeunes enfants.
Selon elle, il revenait à Herta de fournir une information préventive explicite afin que les parents aient conscience des risques de suffocation ou d’asphyxie pouvant survenir lors de l’ingestion du produit non mastiqué. L’appel a donc été rejeté.
La société Herta a déjà annoncé qu’elle n’envisageait pas de se pourvoir en cassation et s’engage à améliorer l’étiquetage en mentionnant encore plus précisément le risque pour les enfants de moins de 4 ans.
La position extrêmement sévère de la cour d’appel a de quoi inquiéter les industriels qui se voient imposer un étiquetage préventif très anxiogène sous prétexte d’avertir le consommateur sur les potentiels effets d’un accident lié à l’ingestion d’une denrée par un enfant.
(1) Art. 1245 (nouveau) du Code civil
(2) Avis rendu par la commission de la sécurité des consommateurs le 2 mai 2005
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.