Produits laitiers
Une année 2018 « mouvementée » pour Savencia en Europe
Malgré un bénéfice amoindri et des pojets de réorganisation industrielle, Savencia se satisfait de son année 2018. La croissance internationale a porté le groupe fromager grâce à des marques locales adaptées. La loi Alimentation lui permet de mieux payer ses producteurs français, assurent ses dirigeants.
Savencia Fromage & Dairy a connu « une bonne année 2018, bien qu’elle ait été mouvementée », selon Jean-Paul Torris, directeur général de la société. Le groupe, qui figure parmi le top 10 des grandes entreprises françaises à fournir les GMS, a vu son chiffre d’affaires s’établir à 4,87 milliards d’euros sur l’année 2018, soit 10 millions de plus que celui de l’année 2017 (+0,2 %). Malgré un résultat opérationnel courant en hausse de 4,9 millions d’euros par rapport à 2017, atteignant 177,6 millions d’euros (+2,9 %), le résultat net du groupe diminue de 41 % par rapport à 2017, passant de 93 millions à 54,8 millions d’euros. « En 2018, notre résultat net a été affecté par les différents projets de réorganisation annoncés au cours de l’exercice », précise Olivier de Sigalony, directeur financier de Savencia.
Parmi ces projets de réorganisation, il y a la fermeture prévue pour mai 2019 d'une usine Richemont à Coutances (Manche) employant 86 personnes. Par ailleurs, Savencia réorganise son outil industriel, en fermant une usine à Seldcany (République tchèque) et une à Glubczyce (Pologne). Les activités de ces deux sites seront transférées à Hesov (Pologne). Le groupe va également fermer la laiterie de Claix (Charente, France), faute de rentabilité.
Bien qu'ayant obtenu en 2018 « le second meilleur résultat opérationnel courant du groupe de ces dix dernières années », selon Olivier de Sigalony, le groupe a connu des résultats mitigés en France et en Europe à cause de « l’hyper concentration et de la guerre des prix dans les GMS qui vont continuer à peser sur nos marques et modifier les marges du groupe », nuance-t-il.
La majorité de notre croissance se fait à l'étranger
Hors effet de change, Savencia a connu une croissance hors Europe de 8 %. « Nous devons continuer à investir à l'étranger pour continuer de nous y développer, car nous y faisons la majorité de notre croissance. Au cours des années à venir, il ne faut pas s’attendre à une diminution sensible des investissements », renchérit Olivier de Sigalony.
Des produits adaptés au marché local
« Nous ne sommes pas dans une politique de relance de marques locales, car contrairement à d’autres grands groupes, nous ne les avons jamais tuées. Pour notre fromage Caprices des dieux par exemple, le lait est collecté dans un rayon de 70 km au maximum autour de la laiterie. Le lait est ensuite travaillé, on y ajoute une pincée de sel, et c’est tout. Nos produits sont naturels », souligne Jean-Paul Torris. Le groupe répond ainsi à la demande des consommateurs français d’une liste d’ingrédients minimale.
Savencia est présent en Argentine et au Brésil, via des marques locales. Aux États-Unis, le groupe surfe sur « la tendance ultra-porteuse des kraft cheese », explique Jean-Paul Torris, grâce à Dorothy’s, sa nouvelle marque lancée l’an dernier. Présent en Asie, Savencia a su s’adapter aux consommateurs chinois, qui ne mangent pas de pain avec leur fromage. En Russie, le groupe a lancé une nouvelle marque en Russie nommée Velikoslavich, qui a reçu un très bon accueil. Enfin, Savencia s’est dit satisfait de ses performances en Corée, où il est positionné sur de la restauration hors domicile service haut de gamme.
Les enseignes ont tenu leurs engagements
« En France, l’année 2019 reste incertaine, car c’est la première année d’application de la loi des états généraux de l’alimentation », avertit Jean-Paul Torris. Savencia a négocié une hausse de la valorisation de ses produits laitiers de marque nationale avec tous ses clients, permettant de rémunérer ses producteurs 375 euros les 1 000 litres de lait (contre 340 euros en 2017). « Intermarché a lancé ce mouvement de revalorisation très tôt. Puis, les autres enseignes ont suivi. Ils ont tenu leurs engagements et ont eu une attitude responsable. C’est satisfaisant. Il est juste dommage que la filière laitière soit la seule à être revalorisée », affirme Jean-Paul Torris. Savencia espère un destin similaire pour les MDD, même si le groupe en fait « beaucoup moins ».
Développement de l’offre de fromages bios
Savencia présente pour objectif de « créer le marché bio du fromage, car l’offre n’est aujourd’hui pas très fournie. Le marché du fromage bio équivaut à moins de 1 % du marché global du fromage », affirme Jean-Paul Torris. Pour assurer ce « business émergent », le groupe laitier est aujourd’hui fournie en lait bio par Eurial, mais de nombreux producteurs internes au groupe sont en conversion. Leurs produits ne sont pas commercialisés sous l’étiquetage biologique, mais les producteurs bénéficient toutefois de la prime bio.
Retour sur l’affaire Modilac
Savencia ne s’est pas montré alarmiste sur les rappels du 23 janvier 2019 de préparations à base de riz à destination des nourrissons, commercialisées sous la marque Modilac. « Les informations sur la santé des enfants touchés sont très positives. Aujourd’hui, nous étudions les investigations en collaboration avec les autorités françaises et européennes pour voir où se situe l’origine du problème. Le reste de la gamme est toujours commercialisé, ses ventes se maintiennent à leur niveau historique », rassure Robert Brzusczak, directeur général adjoint de Savencia.
Le Brexit dans toutes les têtes
Savencia est dans l’attente de la conclusion de l’accord du Brexit, rendant l’année 2019 d’autant plus incertaine. N’effectuant pas de collecte locale au Royaume-Uni, le groupe a mené des études internes qui ont montré que les coûts de transports supplémentaires liés au Brexit ne seraient pas significatifs. Leader du marché du camembert et du bleu en terres britanniques, Savencia possède une usine de découpe de fromage approvisionnée par le reste de l’Europe. « Le prix de nos fromages risque d’augmenter significativement pour le consommateur britannique, surtout si le Royaume-Uni nous impose une taxe. Nous ne savons pas si cette évolution de prix aura des répercussions sur nos volumes. Le Brexit va engendrer quelques mois d’incertitude et de volatilité des prix sur l’économie laitière mondiale », précise Olivier de Sigalony.