S’inspirer des quatre coins du monde pour innover en agroalimentaire
Créé par le Technocampus Alimentation de la Région des Pays de la Loire, le Food Tour valorise le regard d’étudiants en mobilité internationale sur les évolutions alimentaires à l’œuvre sur différents continents.
Créé par le Technocampus Alimentation de la Région des Pays de la Loire, le Food Tour valorise le regard d’étudiants en mobilité internationale sur les évolutions alimentaires à l’œuvre sur différents continents.


Le Technocampus Alimentation, une ressource animée par Solutions & Co, l’agence de développement économique de la Région des Pays de la Loire, a imaginé le concept du Food Tour. L’idée est de tisser des liens entre étudiants et entreprises de l’agroalimentaire, en tirant profit de la mobilité internationale pratiquée par les établissements d’enseignement supérieur.
La promotion 2023, la première, a concerné dix-sept étudiants de l’École de design Nantes Atlantique, en première année de master Food Design, qui ont séjourné dans dix pays d’Europe, Asie et Amérique. Charge à eux de poser leur regard singulier sur les tendances de consommation, les singularités alimentaires, les produits phare et identitaires de leur pays hôte, et d’y dénicher des innovations susceptibles d’intéresser les acteurs ligériens.
Ce projet a été doublement préparé. Avant le départ des étudiants, Lucie Bolzec, fondatrice de l’agence de design alimentaire Papillote, les a formés à la veille avec quelques conseils « terrain ». En parallèle et pour structurer la démarche, elle a interviewé plusieurs acteurs chargés de la veille et de la prospective dans l’industrie agroalimentaire. « L’objectif était d’appréhender ce qu’ils pouvaient attendre d’un tel projet, quels étaient leurs besoins d’information et sous quelle forme ils souhaitaient la recevoir », précise-t-elle.
Restitution à l’hôtel de région
Les partenaires du projet ont opté pour une double restitution. D’un côté, un cahier des innovations alimentaires de 160 pages, nourri par le regard subjectif des étudiants et mis en page par Papillote. De l’autre, une « journée d’inspiration » devant un public de professionnels de l’alimentation, le 1er mars de cette année dans l’hémicycle de l’hôtel de région à Nantes.
Sous trois thématiques, les étudiants y ont présenté en groupe et de façon dynamique leur carnet de voyage et de découvertes alimentaires. Le premier exposé s’est penché sur le thème directeur de ce Food Tour, la valorisation des coproduits et le gaspillage alimentaire, sous la forme d’une question engageante : « Et si on créait un monde parfait ? » Une approche propre aux jeunes designers, relève Julia Kunkel, directrice du Food Design Lab de l’école nantaise. « Ils font des détours, des associations intéressantes, se positionnent en usagers, ont une grande capacité à imaginer des scénarios, avec une fraîcheur que l’on n’a pas quand on est confronté au même sujet tous les jours », expose-t-elle.
Réduction du gaspillage et coproduits
Dans ce monde idéal, le restaurant ne jette rien, la cantine est respectueuse, le magasin vend tout. Le premier vient d’Espagne : Leka, à Barcelone, revalorise les restes de sa cuisine dans des biscuits pour chiens, vendus sous la marque Circular Gos dans des bocaux en verre réutilisables. Un autre exemple intéressant de réduction du gaspillage figure dans le cahier d’innovations. En Finlande, le fabricant Atria Suomi Oy a fait évoluer les traditionnelles crêpes, les « ohukainen », en intégrant dans leur pâte des légumes invendables (épinards abîmés dès la récolte, carottes…) ou des dérivés d’autres productions, comme le sang de porc.
Si l’exemple de la cantine anti-gaspi vient également de Finlande (voir encadré), celui du magasin a été déniché en Chine par un étudiant. Présente dans les villes de Pékin, Shanghai et Guangzhou, la chaîne de petits supermarchés Tante Qian y est connue pour ne pas vendre de viande du jour le lendemain. À partir de 19 heures, les prix y sont réduits de 10 % toutes les heures jusqu’à 23 h 30, moment où la viande devient gratuite pour éviter les restes.
Plusieurs étudiants ont découvert des produits utilisant des coproduits de l’univers des boissons. Le potentiel y est énorme. L’industrie viticole produirait ainsi mondialement 7 500 000 hectares de déchets (peau, branches, pépins de raisin, résidus d’élagage), tandis que l’industrie brassicole produirait chaque année en Europe 3,4 millions de tonnes de drèches. Crackers produits à partir de lie de saké au Japon, pâtes à base de drèches et snack à base de malt d’orge en Italie sont des exemples reproductibles de valorisation de ces coproduits.
Transitions et praticité
Le second groupe a mis en avant les transitions dans son exposé sur les différents temps de consommation. Et notamment l’éco-conception, illustrée par Prodigy, la première barre de chocolat sans plastique d’Angleterre, avec son emballage à base de plantes. Un produit canadien a suscité une forte curiosité, Square Eat, qui reconstitue en deux minutes un repas complet sous la forme d’un cube d’origine 100 % naturelle. Au rayon praticité toujours, citons ce repas chinois auto-chauffant à la marque Haidilao, qui n’a besoin que d’être passé à l’eau fraîche pour être préparé.
Enfin, dans la présentation consacrée aux nouveaux modes de vie, le service mexicain Hagamos Composta, qui collecte sur abonnement les déchets organiques des particuliers, a retenu l’attention dans la perspective des évolutions réglementaires françaises. « Ce type d’initiative privée pourrait inspirer les façons de faire de nos collectivités », souligne Lucie Bolzec.
L’expérience comme plus-value
Emma Dumasdelage, une des étudiantes de l’École de design Nantes Atlantique participantes au Food Tour, a durant son séjour en Finlande déjeuné à la cafétéria de la faculté d’arts et design de l’Université de Laponie, à Rovaniemi. Elle y a découvert une innovation service et retail qui pourrait inspirer les acteurs français de la restauration collective dans leur lutte contre le gaspillage alimentaire. Les repas invendus lors du service y sont en effet mis dans des boîtes individuelles et conservés dans des frigos pour être vendus entre les heures d’ouverture. Le personnel et les étudiants peuvent se servir et payer leur repas à une caisse automatique, à un prix modique (3,20 €). « Outre la pertinence de ce système, le point intéressant est l’expérimentation vécue par l’étudiante qui a déjeuné dans cette cafétéria, et ainsi décrit le concret du comment ça se passe, que l’on a du mal à percevoir avec une veille sur Internet », apprécie Lucie Bolzec, fondatrice de l’agence Papillote. Laquelle pointe également la justesse des descriptifs des produits présentés par les étudiants, nourrie par le fait qu’ils ont pu les goûter sur place.