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Débat
Quel système alimentaire pour demain ?

Si le système alimentaire français a été éprouvé et a bien tenu face à la crise sanitaire, l’épidémie de coronavirus réinterroge sur les moyens indispensables à mettre en œuvre pour assurer sa solidité et résilience, en perspective de nouvelles crises.

Si le monde agricole et agroalimentaire français a su brillamment faire face à la crise sanitaire grâce à un système performant et robuste, la pandémie de Covid-19 a révélé au grand jour certaines de ses vulnérabilités. Aujourd’hui, les appels à renforcer l’indépendance alimentaire nationale se multiplient et les questions alimentaires sont au cœur du débat public.

Quels enseignements sont à tirer : comment assurer, demain, la souveraineté alimentaire de la France ? C’est la question à laquelle se sont frottés Jean-François Loiseau, président de la coopérative Axéréal et d’Intercéréales, Philippe Mauguin, président-directeur général de l’Inrae, et Sébastien Abis, directeur de Demeter et chercheur à l’Iris, lors d’un webinaire organisé par Agreenium le 20 mai.

Il ne faut pas désarmer sur la production agricole

« Il ne faut pas désarmer sur la production agricole », affirme Sébastien Abis, qui rappelle que seul « le temps long et la nécessité de prévoir l’avenir permettent de construire des dispositifs robustes » ; ce qui a permis jusqu’alors d’assurer un approvisionnement alimentaire français et européen abondant, diversifié et de qualité.

L’engagement des États est nécessaire pour faire de l’agriculture un secteur stratégique essentiel. « L’État doit installer notre chaîne agricole et alimentaire dans un écosystème de valeur, de performance et d’innovation et dans un registre de compétitivité et de rentabilité. C’est à ce prix que nous aurons de la durabilité et de l’emploi », assure Jean-François Loiseau.

Une agriculture durable et solidaire

En tout état de cause, le système agricole devra être à l’avenir plus vertueux. « La crise a conforté le triptyque environnement-santé-alimentation chez les consommateurs. L’alimentation de demain devra être plus saine, durable et vérifiable », poursuit-il, avec notamment une moindre dépendance aux énergies fossiles et aux pesticides ainsi qu’une plus juste rémunération des producteurs.

Par ailleurs, la crise exacerbe les inégalités socio-économiques jusque dans les assiettes. « La pauvreté est un facteur majeur d’une mauvaise alimentation et la sous-alimentation nutritive et qualitative sera prégnante dans les années à venir au nord comme au sud », alerte Philippe Mauguin. Ainsi, « il ne faudra pas que demain, la consommation de produits français et de qualité soit réservée à une France “du haut” mais accessible à tous », affirme Sébastien Abis.

Enfin, si de nombreuses initiatives, notamment les circuits courts, ont émergé pendant la crise, Jean-François Loiseau table sur la complémentarité des systèmes locaux et globaux. « Nous avons besoin de certains produits venus d’ailleurs, et n’oublions pas également la solidarité internationale et les pays qui sont dépendants des exportations », expose-t-il.

Diagnostiquer ses fragilités

Un point clé du monde agricole et agroalimentaire d’après réside dans l’analyse de ses vulnérabilités actuelles. « Les États doivent s’interroger sur leur capacité à assurer les besoins vitaux de leur population en temps de crise », commente Philippe Mauguin, qui rappelle certaines de nos fragilités telles que la dépendance à la main-d’œuvre étrangère, aux protéines végétales ou encore aux géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Microsoft…). « Cela nous permettra de regagner une forme d’autonomie, d’autant plus que certains points stratégiques vont de pair avec des enjeux environnementaux », conclut le président-directeur général de l’Inrae, dont l’établissement travaillera sur ces questions ces prochaines années.

Mutualiser les connaissances

« Pour atteindre demain une souveraineté alimentaire solidaire, on aura besoin d’une hyperintensification des savoirs et des connaissances venus d’ici et d’ailleurs », affirme Sébastien Abis, directeur de Demeter et chercheur associé à l’Iris. Aussi, la collaboration internationale sera nécessaire entre la recherche, les épidémiologistes et l’organisation sanitaire globale pour prévenir les futurs risques sanitaires. « Les liens sont aujourd’hui trop faibles et nous devrions mettre en place des réseaux de surveillance pour identifier plus vite et plus tôt les émergences », commente Philippe Mauguin, président-directeur général de l’Inrae.

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