Quel avenir pour les fromages français?
Avec un prix du lait plus élevé que dans le reste de l’Union, la France voit la compétitivité de ses produits laitiers se détériorer à l’export. De plus, la faiblesse de notre collecte et la bonne tenue de notre consommation intérieure sont propices aux importations.
La collecte française tourne au ralenti. Avec le gel des allocations provisoires et les cessations laitières dans les zones de polyculture, il est quasi certain qu’elle restera faible d’ici à la fin de campagne. La France s’achemine donc vers une sous-réalisation record, entre 1,8 et 2,0 millions de tonnes.
La France n’est pas la seule en Europe à connaître des difficultés. La situation est tout aussi cruciale en Irlande, alors que dans les pays du Sud, la tendance est stationnaire. Seuls les pays du Nord tirent leur épingle du jeu. La gestion marchande des droits à produire a permis aux éleveurs les plus dynamiques d’accroître leur production à moindre coût et de compenser la baisse des prix du lait. Ces pays apparaissent donc plus compétitifs sur le marché extérieur.
Notre stratégie nationale de maîtrise de la collecte — et donc de maintien artificiel d’un niveau de prix du lait plus élevé que dans d’autres pays européens — touche surtout le secteur des fromages. Les États nord-européens fabriquent leurs spécialités avec un lait 25 à 33 % moins cher, d’où une concurrence accrue de ces produits, et une baisse de nos fabrications (- 2 % en 8 mois selon FranceAgriMer). Les fromages comme l’emmental, entrant dans la fabrication des râpés « 1er prix », sont les plus touchés. Les importations de ce type de pâtes pressées cuites ont d’ailleurs bondi de 43 % en 7 mois. Logiquement, nos exportations vers l’Europe, toutes spécialités confondues, ont chuté, mais elles se sont maintenues vers les pays tiers, grâce à la réintroduction des restitutions et à la moindre concurrence sur les spécialités exportées.
La consommation des ménages reste pourtant bien orientée
Si notre industrie fromagère perd du terrain à l’export, elle résiste sur le marché du moyen et haut de gamme, grâce à une bonne tenue de notre consommation intérieure. Celle-ci est en effet restée assez régulière, voire soutenue ces derniers mois, malgré des prix au détail parfois plus élevés. Selon les dernières données du panel Nielsen, les ménages ont à peu près maintenu en volume leurs achats de produits laitiers de janvier à novembre 2009, comparé à 2008. Les ventes de fromages ont d’ailleurs progressé de 2 %. À l’exception des pâtes molles et du roquefort, les achats de pâtes pressées et de persillées ont progressé.
Selon l’Institut de l’élevage, les perspectives sont à une hausse des prix du lait aux Pays-Bas et en Allemagne. Si cette évolution venait à réduire l’écart avec le prix français, nos fromages pourraient bénéficier d’un nouveau regain d’intérêt dans l’Hexagone. Mais d’un autre côté, des prix à leur niveau actuel en France sont difficilement rémunérateurs pour les éleveurs laitiers qui ont perdu, selon Agreste, jusqu’à 54 % de leur revenu agricole cette année. Une amélioration de la compétitivité des productions fromagères françaises doit-elle se faire au prix d’une nouvelle décapitalisation du cheptel laitier ?