Nouveau règlement européen sur les contrôles officiels

Après dix-huit mois de travaux, le Parlement européen a adopté, le 15 mars dernier, un règlement visant à inspecter plus strictement toutes les étapes de la chaîne alimentaire, entérinant ainsi l’accord interinstitutionnel trouvé avec le Conseil en juin 2016.
Depuis la crise de l’encéphalite spongiforme bovine, l’Union européenne a mis en place un vaste programme, sous le slogan « de la fourche à la fourchette », permettant d’assurer le suivi de la qualité des denrées à tous les stades de la filière agroalimentaire. Or, face à la multiplication des scandales auxquels s’est ajouté, en 2013, le horsegate, les consommateurs ont sérieusement mis en doute l’efficacité du système européen de traçabilité des aliments et l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement des denrées alimentaires.
La révision du règlement européen (CE) n° 882/2004 était très attendue, en ce qu’elle impose de nouvelles obligations aux États membres et aux opérateurs économiques pour renforcer les contrôles officiels, tout en simplifiant leur encadrement.
Le commerce en ligne concerné
Le nouveau texte adopté le 15 mars – actuellement réparti entre seize règlements ou directives – englobera désormais tous les contrôles officiels relatifs à tous les secteurs de la chaîne d’approvisionnement, y compris le commerce en ligne (1). Ainsi, les agents de contrôle pourront commander des produits en ligne sans s’identifier et utiliser les produits achetés comme échantillons officiels. Des sanctions pourront être prises, et ce, indépendamment de l’emplacement de l’opérateur puisque les contrôles toucheront également les produits en provenance de pays tiers. Les sanctions financières, renforcées par les nouvelles dispositions, seront d’ailleurs calculées en fonction des gains économiques réalisés ou d’un pourcentage du chiffre d’affaires (2).
En outre, les nouvelles règles – afin de garantir au mieux, la transparence des contrôles – imposeront aux États membres de publier des rapports annuels sur les examens effectués (3).
Centres pour le bien-être des animaux
D’autres initiatives méritent d’être relevées, comme la mise en place obligatoire pour les États membres, de centres pour le bien-être des animaux afin d’y mener des études scientifiques et techniques. Le texte garantit également une protection aux lanceurs d’alerte, lesquels « ne seront plus menacés », a souligné Karin Kadenbach, rapporteur du projet, lors de son intervention devant le Parlement.
Enfin, et plus généralement, ces contrôles seront rationalisés en tenant compte des risques qu’un produit ou un procédé peut présenter sur la santé, la sécurité, le bien-être des animaux ou même l’environnement. Autrement dit, les contrôles ne seront plus uniquement centrés sur la sécurité sanitaire des denrées, comme c’est le cas aujourd’hui, mais viseront également la fraude alimentaire, c’est-à-dire tout comportement frauduleux ou mensonger intervenant sur la chaîne. Le règlement précise d’ailleurs que les contrôles seront, en principe, inopinés (4). L’ajustement de leur fréquence prendra notamment en compte des facteurs comme les antécédents de l’opérateur, ou la probabilité pour le consommateur d’être induit en erreur.
Pour ce faire, ce nouveau texte met l’accent sur la coopération et l’assistance entre les États membres, qui seront tenus d’échanger, entre les autorités compétentes de chaque pays, les informations issues de ces contrôles. Ce mécanisme sera assuré par un système informatique, nommé Imsoc (5) (information management system for official controls), canalisant l’ensemble des ressources des États membres.
L’Union européenne souhaite, simplifier la réglementation en vigueur, mais en rendant beaucoup plus systématiques et ciblés les contrôles officiels et en renforçant considérablement la traçabilité des produits.
Bien que ces intentions soient toutes louables, il est à craindre que les opérateurs économiques (en particuliers les PME) soient à nouveau sacrifiés sur l’autel du sacro-saint principe de protection du consommateur.
(1) Article 36 du nouveau règlement
(2) Article 139 § 2
(3) Article 113
(4) Article 9 § 4
(5) Article 134
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.