« Nous apporterons 400 millions d’euros supplémentaires d’excédent commercial »
Les Marchés Hebdo : Le Conseil économique et social de l’UE suggère à la Commission de ne pas trop ouvrir le marché européen du sucre aux contingents. Est-ce crucial ?
Timothé Masson : C’est le gros sujet de la filière française. On nous permet de produire plus et d’exporter davantage. L’Europe devient exportatrice, mais à hauteur de 2 à 3 millions de tonnes seulement sur 190 Mt produites dans le monde ! Nous allons privilégier le marché européen, à condition de ne pas ouvrir davantage nos importations. La succession des concessions dans le cadre d’accords de libre-échange se monte déjà à 700 000 tonnes. Ce tonnage s’ajoute aux 2 millions de tonnes d’importations à droit nul des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et des moins avancés (ACP-PMA, ndlr) et à plus de 700 000 tonnes à droits réduits. Il reste à traiter avec le Mercosur, le Mexique, l’Australie, la Thaïlande. Pour chaque tranche supplémentaire de 200 000 tonnes, c’est l’équivalent d’une sucrerie qui ferme. Or, nous valons d’être défendus ; nous rapportons à la France quasiment 1 milliard d’euros d’excédent commercial et allons rapporter 400 millions d’euros supplémentaires. Nous passerons du 7e au 5e poste d’excédent agroalimentaire.
LMH : Les débouchés sur pays tiers pourraient ne pas toujours être au rendez-vous. L’aide au stockage privé pourra-t-elle se révéler nécessaire ?
T. M. : La production de bioéthanol est, au moins à court terme, une alternative à la commercialisation. À défaut de débouchés rémunérateurs, le stockage représente un refuge. Les industriels pourront éventuellement y recourir l’an prochain parce que les stocks européens sont très bas. Mais l’aide au stockage privé est un recours, décidé par la Commission, en cas de crise aiguë. Elle n’est utile que très conjoncturellement et je pense qu’elle n’est pas du tout d’actualité.
LMH : La filière est-elle prête aux fluctuations de prix ?
T. M. : Le marché intérieur à l’Union européenne va s’aligner sur le marché mondial, qui peut varier de 1 à 3,5 ; ça veut dire que du jour au lendemain, il peut valoir « 1 » et passer à « 3,5 » vers le haut ou le bas. On va avoir ce yo-yo. Si la filière, dans son ensemble, se révèle incapable d’y faire face, ce sera la catastrophe. Nous sommes obligés de nous entendre. Le sucre n’est pas le lait. Les betteraviers peuvent décider de cultiver autre chose d’une année sur l’autre. Les marchés à terme permettent de s’arbitrer, pourquoi ne pas y associer les planteurs. La CGB travaille également à un fonds de stabilisation de leurs revenus.