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L’export, un relais de croissance pour la filière bovine française

© C. Jahnich/Apap

Jeudi 5 octobre au Sommet de l’élevage à Cournon, l’Interprofession bétail & viande et l’Institut de l’élevage ont dressé le panorama des exportations de la France et évoqué les perspectives et les enjeux pour la filière française. Compte rendu.

Dans les grands pays de l’Union européenne, la consommation de bœuf peine à se remettre de la crise : en France, elle a baissé de 5 % en dix ans et continue de s’éroder. Pour trouver de la dynamique, il faut se tourner vers l’export. « Depuis 2014, les exportations françaises de broutards vers l’Italie et d’autres destinations, notamment les pays tiers, ont bien rebondi », a indiqué Philippe Chotteau de l’Institut de l’élevage (Idele) lors du colloque de l’Interprofession bétail & viande (Interbev) du jeudi 5 octobre au Sommet de l’élevage. Oubliées les inquiétudes d’il y a trois-quatre ans sur l’avenir de « l’étable franco-italienne ». « La France fournit à nouveau 80 % des broutards de l’Italie : ses concurrents sont moins présents, elle a reconquis des parts de marché », a constaté Philippe Dumas, président de Sicarev et représentant Coop de France. « La consommation de viande bovine qui est tombée à 18 kg par personne et par an (-9 kg au cours de ces dix dernières années, ndlr) s’est enfin stabilisée, on cherche maintenant à la consolider, a expliqué Fabrizio Guidetti d’Inalca, mais un nouveau phénomène a surgi : les gens veulent de la viande nationale et des plats élaborés. On a donc besoin d’animaux plus légers pour pouvoir les préparer plus facilement. »

En Italie, on constate de la reprise

Autres marchés historiques qui redeviennent porteurs : l’Espagne qui revient aux achats pour l’exportation de bovins finis vers les pays tiers, Libye notamment ; mais aussi l’Allemagne qui bénéficie d’une consommation de viande en forte croissance et la Grèce, dont la situation s’est stabilisée. « Au sein de l’UE, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme, a résumé Mathieu Pecqueur de Culture Viande, on le voit en Italie, alors que la consommation a été stigmatisée, on constate de la reprise. » « Quand il n’y a pas que le prix en jeu, quand on est sur des marchés qui segmentent, on résiste mieux, on peut se défendre, voire on regagne des parts de marché », a ajouté Emmanuel Bernard, vice-président de la FNB.

Autre ouverture pour l’export français : le pourtour méditerranéen. « C’est un importateur structurel de denrées alimentaires avec une population croissante et culturellement portée sur le bœuf. La demande restera donc élevée pour tous les produits bovins, mais c’est un marché instable, car bousculé par des crises sanitaires, monétaires, financières, humanitaires… », a exposé Germain Milet, chef de projet GEB-Idele.

Algérie, Israël, Turquie, Égypte, Tunisie… « On a une vraie histoire pour travailler avec le pourtour méditerranéen, mais on a besoin de plus de visibilité : ils ouvrent les vannes puis ils les referment, on est un peu des régulateurs. Et puis alors que l’on a des atouts en France (race, qualité…), c’est le prix qui déclenche tout, notamment lors des appels d’offres d’État. Faut-il revoir notre politique interne pour être plus compétitifs, sans perdre la notion de revenu pour les agriculteurs ? » a souligné Gérard Poyer de la FFCB.

Le marché veut des pièces de taille modérée

Sur le marché intérieur français, un marché hautement dépendant de la conjoncture laitière, mais aussi de la dynamique du cheptel allaitant, l’enjeu du revenu est aussi la préoccupation majeure des éleveurs d’après l’Institut de l’élevage. La rémunération est insuffisante selon eux pour le travail fourni et ils refusent « de se retrouver tout le temps dans le rôle de la variable d’ajustement ». Fragilisés par les aléas (économiques, sanitaires, climatiques), de moins en moins rentables, soumis à la conjoncture, leur difficulté est aussi de s’adapter à une demande qui évolue et qui les déstabilise en remettant en cause plusieurs années de travail sur le troupeau. « Je crois que l’on se trouve aujourd’hui à un moment clé où les consommateurs sont en train de changer dans leur comportement. À nous de trouver des repères pour redonner des perspectives à la filière, et à la fin, avoir des prix qui nous rémunèrent », a déclaré Emmanuel Bernard, naisseur-engraisseur et président du comité filière viande de l’Idele.

Selon l’Idele, les critères immatériels – bien-être animal, herbe, environnement, lien à un terroir et à un éleveur, commerce équitable, etc. – vont prendre de plus en plus d’ampleur. « Ce que veut le marché demain, ce sont des pièces de taille modérée, de la régularité dans la tendreté, une offre homogène et régulière, des produits élaborés, des prix compétitifs, du haché sous toutes ses formes et des garanties sur les conditions de production », a explicité Caroline Monniot, chef de projet conjoncture viande de l’Idele.

Les éleveurs se plaignent de manque de visibilité

Face à ces bouleversements, les éleveurs se plaignent de manquer de visibilité, d’autant qu’il y a parfois des contradictions entre les signaux prix qu’ils reçoivent et les attentes de la filière. « Entre 2011 et 2016, on a dit aux éleveurs de continuer à alourdir leurs vaches pour qu’elles soient mieux payées, surtout si elles étaient mal conformées… Alors que le marché veut des vaches moins lourdes et bien conformées », a ainsi illustré Christèle Pineau, chef de projet au service économie des exploitations d’élevage de l’Idele. Conscients des enjeux, les éleveurs ouvrent des pistes pour s’adapter à ces attentes : se rapprocher du consommateur, produire à moins cher, être plus impliqués dans la filière et imaginer de nouveaux produits.

La Chine fait rêver

C’est un nouveau marché convoité par le « french beef », et quel marché ! La Chine. Avec la levée en mars dernier de l’embargo qui pesait sur la France depuis neuf ans, les feux passent au vert. « Mais ce n’est qu’une première étape pour l’agrément. Ça va prendre du temps, et puis nous ne sommes pas seuls sur ce marché qui fait rêver tout le monde », a tempéré Carole Ly, responsable mission des affaires européennes et internationales de FranceAgriMer. Ce temps ne sera pas de trop, selon la spécialiste, pour « nous positionner sur un marché compliqué. Il va falloir communiquer pour donner envie aux Chinois de manger de la viande bovine française, en jouant sur la qualité, la naturalité, la traçabilité, le goût. Je pense surtout qu’il faudra monter des gammes en discutant avec les grands acteurs de la transformation chinoise. Il y a des segments de marché à repérer, mais on peut d’ores et déjà construire une image ».

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