Chronique
L’Europe adopte une directive contre les pratiques abusives
Pour la première fois dans l’Union européenne, une directive vient d’être publiée avec pour objectif de protéger les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire des pratiques abusives. Explications.
Selon la Commission européenne, les pratiques abusives de la part des acheteurs en position de force coûteraient entre 2,5 et 8 milliards d’euros chaque année aux PME agricoles et agroalimentaires (soit 1 à 2 % de leur chiffre d’affaires).
Après l’adoption du texte par le Parlement européen, Paolo de Castro, rapporteur, a déclaré : « L’équité, une nourriture plus saine et les droits sociaux l’ont emporté sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Pour la toute première fois dans l’histoire [de l’Union européenne], les agriculteurs, les producteurs et les consommateurs ne seront plus intimidés par les gros joueurs ». C’est ainsi que la directive 2019/633 du 17 avril 2019 relative aux pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises dans la chaîne agroalimentaire a été adoptée et a pour objectif de protéger les fournisseurs contre les pratiques abusives commises par des acheteurs plus puissants qu’eux.
Une transposition d’ici au 1er mai 2021
La directive prévoyant une harmonisation minimale, les États membres de l’Union européenne (UE) peuvent aller plus loin dans la protection des fournisseurs mais ne peuvent pas l’assouplir. Chaque État membre a jusqu’au 1er mai 2021 pour la transposer et jusqu’au 1er novembre 2021 pour appliquer les mesures adoptées.
La directive concerne la vente de produits agricoles et alimentaires entre un fournisseur (un producteur ou une organisation de producteurs, un transformateur ou un grossiste en tant que vendeur) et un acheteur (une organisation de producteurs qui achète à ses membres, un grossiste en tant qu’acheteur ou un distributeur notamment de la grande distribution), dont au moins l’un des deux est établi dans l’UE. Les accords entre fournisseur et consommateur ne sont pas concernés. La quasi-totalité des produits alimentaires est concernée par la directive.
La protection est offerte par la directive aux fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 350 M€ et adopte une approche progressive fondée sur la taille relative des fournisseurs par rapport à leurs acheteurs (par exemple, un fournisseur dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 M€ sera protégé par la directive si son acheteur réalise quant à lui un chiffre d’affaires de plus de 2 M€).
Liste des pratiques interdites
À partir de 2021, certaines pratiques seront par principe interdites, dont les principales sont : les retards de paiement de plus de 30 jours pour les produits alimentaires périssables et 60 jours pour les autres ; les annulations de commandes de produits périssables à brève échéance (moins de 30 jours) ; les modifications unilatérales des contrats par les acheteurs ; le fait de faire payer au fournisseur des sommes sans lien avec la vente des produits du fournisseur ; le refus par l’acheteur de confirmer par écrit son accord sur le contrat du fournisseur ; l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite des secrets d’affaires du fournisseur par l’acheteur ; la menace ou l’exécution de représailles commerciales exercées par l’acheteur contre le fournisseur.
Et pourront être interdites certaines pratiques si elles n’ont pas été préalablement convenues entre le fournisseur et l’acheteur en des « termes clairs et dépourvus d’ambiguïté » ; notamment : le retour sans paiement des produits invendus à un fournisseur ; le fait de faire payer au fournisseur le stockage ou le référencement de ses produits ; le fait de faire payer au fournisseur la publicité faite par l’acheteur.
La France devra désigner une autorité chargée de veiller au respect de ces règles. Cette autorité pourra recevoir les plaintes des fournisseurs et sera dotée de pouvoirs d’enquête (à la suite d’une plainte ou d’office), du pouvoir de mettre fin à une infraction et du pouvoir d’infliger des amendes ou autres sanctions.
Le cabinet Racine
Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires, qui regroupe plus de 200 professionnels du droit dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), dont 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet, y traite des questions relatives à la concurrence, la distribution, aux contrats et à la propriété intellectuelle et industrielle, auprès de grandes entreprises, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la distribution, du luxe, du e-commerce et des médias. Avocate au barreau de Paris et de Bruxelles, elle est membre de l’Association française d’étude de la concurrence et membre de l’Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence.