Marée
Les poissonniers ont joué la flexibilité
Le secteur de la marée a subi de plein fouet la fermeture des marchés de plein air. Mais depuis deux mois et demi, les « non-sédentaires » se sont organisés.
Le secteur de la marée a subi de plein fouet la fermeture des marchés de plein air. Mais depuis deux mois et demi, les « non-sédentaires » se sont organisés.
Comme nombre de commerçants, les poissonniers ont dû s’adapter à la fermeture partielle ou complète de leurs marchés. « Si les points de vente sédentaires ont bien fonctionné, la situation a été très difficile à vivre pour ceux sur marché », souligne Pierre-Luc Daubigney, secrétaire général de l'organisation des poissonniers écaillers de France (OPEF). « Si l’on observe une amélioration depuis le 11 mai, beaucoup de blocages subsistent au niveau national », indique le responsable qui a mis en place, en partenariat avec Marchés de France, Saveurs Commerce et Fromagers de France, un protocole à destination des maires.
Il y a eu un regain pour le poisson entier
La crise a cependant été pour les poissonniers l’occasion de mesurer la fidélité de leur clientèle, mais aussi d’imaginer de nouveaux modes de distribution. Adrien Bouton fait partie des privilégiés à avoir pu continuer à exercer sur six marchés situés à Orléans et autour. « Malgré les contraintes fixées, la fréquentation a même été supérieure à l’habitude », remarque le commerçant. « Il y a même eu un regain pour le poisson entier, car les clients avaient le temps de cuisinier », observe-t-il.
Bruno Riedel, qui dirige la poissonnerie Alfred Lauth en Alsace, n’a pas eu cette chance. Sur les vingt-deux marchés que dessert son entreprise de Haguenau à Colmar, seuls quatre sont restés ouverts au plus fort de la crise. Le poissonnier est parvenu à maintenir 40 % de son chiffre d’affaires, grâce à son point de vente sédentaire de Bischoffsheim et au développement de la livraison. « J’ai la chance de disposer d’un atelier de préparation de 500 m2 », explique Bruno Riedel, convaincu que les commerçants sur marché « vont devoir apprendre à travailler autrement ».
Commandes, drive, livraison…
Travailler autrement, c’est ce qu’ont dû faire Yann et Caroline Clorennec, à Nogent-sur-Marne. Fermé par la police le 24 mars, le marché a obtenu d’être rouvert, mais le samedi seulement. « Cela ne valait pas le coup de continuer », déplore Caroline Clorennec. L’entreprise, qui compte trois employés, a repris à Pâques une activité en drive depuis son dépôt puis, depuis le déconfinement, sur quatre des six marchés de la ville. « Il n’est pas exclu que l’on maintienne à l’avenir le drive les vendredis. Nous nous sommes rendu compte que cela répondait à un besoin pour une clientèle très locale », analyse-t-elle.
Jordan Goube a dû, quant à lui, se reposer sur le drive pour maintenir son activité après les fermetures totales des marchés de Puteaux et Neuilly-sur-Seine. « La mairie de Puteaux a joué le jeu en nous autorisant à proposer tous les vendredis un service de “drive piéton” et en donnant aux commerçants de la visibilité sur son site Internet et ses réseaux sociaux », se félicite ce poissonnier meilleur ouvrier de France. L’entreprise a aussi développé la livraison avec succès, le nombre de commandes bondissant de quelques-unes par semaine à plus d’une soixantaine par jour ! Un succès qui a donné des idées au jeune artisan : « on constate sur beaucoup de marchés un déséquilibre croissant entre l’activité intense du week-end et celle très calme de la semaine. Je réfléchis à continuer d’assurer des livraisons aux clients fidèles un soir par semaine ».
Un maillon essentiel
Le secteur de la poissonnerie artisanale, relativement dynamique en France, compte près de 4 500 établissements, dont plus d’un tiers est non sédentaire. Le secteur artisanal pèse un peu plus d’un milliard d’euros selon la dernière enquête publiée par FranceAgriMer sur le sujet en 2017. L’offre proposée par les poissonniers représente un maillon essentiel de la filière marée française. Le poisson acheté est très majoritairement d’origine française et sauvage. « De manière générale, les poissonniers achètent une qualité supérieure avec des proportions significativement plus importantes de produits vivants et de qualité E », remarque l’étude. Ils pèsent pour près de 30 % dans les achats de langoustines et même 35 % de tourteaux.