Palmarès
Les personnalités de l’année 2018, selon Les Marchés Hebdo
Pour la 3e édition, la rédaction des Marchés Hebdo a retenu vingt et une personnalités ayant marqué 2018 par leurs actions ou leur expression dans le secteur agroalimentaire. L’une d’entre elles mérite, selon nous, le titre de personnalité de l’année : Dominique Amirault, président de la Feef.
Pour la 3e édition, la rédaction des Marchés Hebdo a retenu vingt et une personnalités ayant marqué 2018 par leurs actions ou leur expression dans le secteur agroalimentaire. L’une d’entre elles mérite, selon nous, le titre de personnalité de l’année : Dominique Amirault, président de la Feef.
Pour la troisième année consécutive, la rédaction des Marchés Hebdo a réitéré l’exercice de sélectionner les personnalités qui ont, selon elle, marqué l’année passée du secteur agroalimentaire. La méthode n’a pas changé : chaque journaliste de la rédaction s’est replongé dans ses dossiers et a identifié les opérateurs, dirigeants, représentants professionnels et personnalités politiques ayant marqué 2018. Des personnalités déjà sélectionnées les années précédentes auraient pu revenir sur la table, comme Denis Lambert, président du directoire du groupe LDC – notre personnalité de l’année 2016 –, qui s’est une nouvelle fois illustré en reprenant en mai le groupe Doux avec Al Munajem, Triskalia et Terrena. Mettant ainsi probablement fin aux difficultés récurrentes de ce groupe.
Ou encore Ludovic Spiers, directeur général du groupe coopératif Agrial, qui a encore fait parler de lui par sa politique d’acquisition. Mais nous nous étions fixé comme règles de ne pas distinguer deux fois les mêmes personnes et sommes tombés d’accord, après débat, sur vingt et une personnalités dont l’une a fait l’unanimité.
Loi Alimentation : des voix qui portent
Par sa singularité, son ton décalé et sa constance à défendre la voix des patrons des PME dans le cadre la préparation de la loi Alimentation, Dominique Amirault, président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), a remporté nos suffrages. En cette année fortement marquée par le projet de loi succédant les états généraux de l’alimentation (EGA), une autre personnalité a émergé sur la scène publique : il s’agit de Jean-Baptiste Moreau, sélectionneur de limousines dans la Creuse, propulsé, à 41 ans, rapporteur du projet de loi, moins d’un an après son élection à l’Assemblée nationale sous les couleurs LREM. Critiqué au sein même du milieu agricole, ce nouveau venu en politique n’en a pas moins mouillé sa chemise et pris le dossier à bras-le-corps, se mobilisant sur le terrain, sur les réseaux sociaux comme dans l’hémicycle.
La loi Alimentation visait à embrasser les larges débats des EGA. Très attendue dans le cadre des relations commerciales, elle a aussi pris des mesures visant une alimentation plus saine et plus durable des Français. Nombre d’ONG se sont exprimées sur ce dossier. L’une d’entre elles, par son engagement concret, a, selon nous, marqué le débat sur la restauration collective : il s’agit de la journaliste Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, fondée par Nicolas Hulot. Nous retenons entre autres son combat pour faire connaître la démarche Mon Restau responsable, entreprise avec Restau’ co, et dont le succès est désormais une réalité.
À noter au passage que les deux ministres ayant planché sur le texte, Stéphane Travert et Delphine Gény-Stephann, sont sortis du gouvernement lors du dernier remaniement.
Affaire Lactalis et enfer chinois
L’année 2018 aura aussi été celle du feuilleton Lactalis. L’affaire connaîtra encore des rebondissements dans les mois à venir (la justice ne s’étant pas encore prononcée sur le dossier). Pour l’heure, si cette retentissante crise sanitaire a contribué à faire sortir Emmanuel Besnier de sa légendaire discrétion, ses premiers pas dans la communication de crise ne se sont pas révélés des plus convaincants. D’autres industriels laitiers ont rencontré des difficultés sur un tout autre plan : on pense à Sodiaal et Maîtres laitiers du Contentin, mis en situation délicate par leur partenaire Synutra, s’étant avéré peu fiable. La coopérative laitière d’Isigny Sainte-Mère semble pour sa part toujours filer la parfaite entente avec son partenaire chinois Biostime. Cette stratégie, pour l’heure payante, a été portée par son directeur général Daniel Delahaye.
Des concentrations remarquées
Dans un monde coopératif, quelque peu chahuté en 2018, par l’examen du projet de loi Alimentation, mais aussi un bilan négatif du poids économique du secteur (avec notamment la vente de Neovia par Invivo), sans parler des problèmes de gouvernance au sein de Tereos, Georges Galardon et Serge Le Bartz, présidents respectifs de Triskalia et d’aucy, se sont illustrés avec leur projet de constituer une grande coopérative bretonne commune. Le projet, doit encore avancer cette année et se concrétisera en 2020. Cette concentration sera sûrement soumise à l’Autorité de la concurrence. Son examen ne devrait toutefois pas faire autant de bruit que celui du rachat de William Saurin par Cofigeo. Opération qui a donné lieu à une première en France : le ministre étant passé outre l’avis de l’Autorité de la concurrence en autorisant l’acquisition sans la cession de la marque et d’une usine Zapetti au motif de la sauvegarde de l’emploi.
Dominique Amirault, la voix singulière des PME, personnalité de l'année 2018
Le président de la Feef se distingue par des prises de position tranchées. Lors des EGA, il a défendu la voie du dialogue avec la distribution et l’idée de « tarifs non discutables ».
À la tête de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef) depuis près de sept ans, Dominique Amirault, 68 ans, s’est distingué en 2018 par une prise de parole forte, singulière, prônant « la voie collaborative », plutôt que la voie réglementaire, pour améliorer les relations commerciales. « On a défendu le dialogue avec les clients, on ne voulait pas de bouc émissaire », rappelle celui qui avait débuté l’année avec la promotion de son ouvrage Pour une république de citoyens entrepreneurs. D’abord enthousiasmé par le projet d’Emmanuel Macron de consultation sous forme d’états généraux, il exprime vite sa déception, refusant de rentrer dans ce qu’il dénonce comme une « entente FCD-Ania-FNSEA » sur le relèvement du SRP et l’encadrement des promotions. « La solution a été trouvée dès le départ ! » s’offusque-t-il, évoquant « un marché de dupes ». Face à la théorie du « ruissellement » défendue par le gouvernement, le patron des entrepreneurs oppose l’idée de « tarifs non discutables » et de leur passage « en cascade ». Dès le 31 août, dans nos colonnes, il déclare : « la loi EGA, il n’y a rien à en attendre ! Nous pensons qu’il faut travailler de manière collaborative autour des marques de distributeurs et des marques de PME […] De toute façon, il va y avoir une seconde manche dans les deux ans, il faudra revenir dessus ».
Vers de plus en plus de collaboratif
En attendant, celui qui a effectué une partie de sa carrière dans des cabinets ministériels, avant de redresser Royal Champignon et la maison Ackerman, puis de reprendre Soléou, pilote avec pragmatisme la Feef. Il y développe des évènements avec la distribution, des salons, des parcours d’innovation. Remis d’un problème de santé qui l’a contraint à lever le pied au printemps, il souhaite orienter sa fédération « vers de plus en plus de collaboratif », sur le plan managérial et des relations avec la distribution. Il compte aussi mettre l’accent sur le label Entrepreneurs + Engagés (E+). « Nous allons communiquer auprès du consommateur, à travers des opérations promotionnelles et le balisage des linéaires, nous avons déjà des opérations de prévues », assure-t-il. Pas étonné du mouvement des gilets jaunes (il évoquait dans son livre une atmosphère de jacqueries), il estime qu’il est temps que les méthodes changent pour « sortir du vieux monde » et que l’État se réconcilie enfin avec « les gens de la base », et les patrons des petites entreprises.
Laurent Vallée, Monsieur transition alimentaire de Carrefour
Arrivé comme secrétaire général du distributeur Carrefour en août 2017, afin de succéder à Jérôme Bédier, Laurent Vallée s’est vu ajouter une casquette supplémentaire en janvier 2018 : la responsabilité de la transition alimentaire. Il est chargé d’animer le comité d’orientation alimentaire créé en septembre 2018 avec l’objectif de mener à bien l’ambition du distributeur et de son PDG, Alexandre Bompard : faire de Carrefour « le leader mondial de la transition alimentaire ». Le lancement d’Act for food, un programme mondial d’actions concrètes en faveur « du mieux manger, partout, à un prix abordable » a déjà donné du corps aux ambitions du distributeur. Interrogé à plusieurs reprises dans les médias, Laurent Vallée a notamment affirmé que si un nouveau label distinguant les produits agricoles bios, locaux et équitables voyait le jour, le distributeur essaierait « d’être le premier à l’appliquer ». « Rendre le bio accessible à tous », notamment en « accompagnant les producteurs biologiques », fait partie de ses priorités.
Maximilien Rouer, à l’initiative d’une étiquette sociétale
À l’occasion du Salon international de l’agriculture 2018, Maximilien Rouer a fait l’actualité avec la présentation de son association Ferme France. Un projet collectif dont il est le directeur développement, au côté de François Attali, président et directeur marketing stratégique du groupe Terrena. Les deux hommes se sont rencontrés à Terrena, où Maximilien Rouer a été secrétaire général d’avril 2016 à janvier 2017. Fondateur de Be Citizen, cabinet de conseil stratégique à visées écologistes, puis directeur général délégué de Greenflex de 2014 à octobre 2015, Maximilien Rouer porte désormais ses idées sociétales et environnementales au sein de Ferme France. L’objectif de ce projet est de construire une étiquette sociétale afin de rendre lisibles et comparables les promesses des produits. Une seule note quel que soit le produit, comme l’étiquette énergie sur l’électroménager. Une manière pour lui de permettre aux consommateurs de comparer les propositions entre le bio, le label Rouge, le bien-être animal, l’équitable et la biodiversité. Ferme France réunit déjà Advitam, Auchan, Fleury Michon, Sodebo, Terrena, Sodiaal, Afnor et Soufflet comme membres fondateurs. Système U, la FNPL, GS1 France et Business France sont adhérents.
Chez Gillot, Émilie Fléchard dépoussière la tradition
Directrice adjointe de la fromagerie Gillot depuis mars 2014, Émilie Fléchard s’est illustrée en 2018 par son dynamisme qui a permis de mettre sur le devant de la scène la dernière entreprise familiale indépendante de camembert de Normandie AOP, que ce soit grâce aux lancements de nouveaux produits, comme le lait sans OGM « Vachement normand » ou le camembert à farcir selon une recette élaborée avec le chef étoilé Franck Quinton. Mais c’est surtout l’utilisation des réseaux sociaux par la PME normande qui mérite d’être saluée. Plus de 5 200 personnes suivent la marque sur Facebook et réagissent aux messages qui mêlent conseils gastronomiques, mise en valeur du terroir et beaucoup d’humour, tout en tissant un lien avec les consommateurs au-delà des réseaux sociaux. La dirigeante a d’ailleurs été récompensée par le prix Jérôme Dupont, qui distingue les entreprises alliant « tradition et modernité » lors des trophées de l’agroalimentaire normande cet automne.
Le trio de Yuka fait trembler l’agroalimentaire
C’est parce qu’il était perplexe devant les étiquettes que Benoît Martin a lancé en 2016, avec son frère François et une amie, Julie Chapon, l’application Yuka qui fait frémir les industriels de l’agroalimentaire. Julie s’occupe de la communication et de la création de contenus, François est développeur, tandis que l’aîné, Benoît s’occupe notamment des aspects juridiques et financiers de la start-up, qui déclare vouloir que « les consommateurs reprennent le pouvoir ». En septembre 2018, Yuka référençait 300 000 produits alimentaires en s’appuyant sur la base Open Food Facts. Six millions de personnes ont utilisé l’application en 20 mois, et deux millions de produits sont scannés chaque jour. L’application évalue chaque produit avec une note sur cent et un adjectif « excellent », « bon », « médiocre » et « mauvais » et propose des produits similaires jugés meilleurs pour la santé. Les revenus de l’entreprise sont pour le moment constitués de dons et d’un programme de nutrition payant. Yuka s’est récemment diversifié dans les cosmétiques.
Daniel Delahaye, champion du casse-tête chinois
Daniel Delahaye est entré à la coopérative laitière d’Isigny-sur-Mer en 1974, lors d’un stage. Employé à la laiterie de Sainte-Mère-Église après ses études, il a œuvré au rapprochement des deux entreprises et a peu à peu grimpé les échelons pour devenir directeur général de la Coopérative Isigny Sainte-Mère en 1991. C’est l’exportation qui a toujours motivé le Normand, se distinguant en 2018 par un renforcement de son partenariat avec Biostime, filiale du groupe hongkongais H&H, qui dure déjà depuis douze ans. En 2015, Biostime entre au capital de la coopérative, à hauteur de 20 %, en investissant dans une partie de la seconde unité de séchage. Alors que les déboires des coopératives laitières françaises avec Synutra ont fait l’actualité cette année, Biostime lançait cet été une poudre de lait infantile bio, cobrandée avec Isigny, sur le marché français dans les circuits spécialisés (magasins bios et pharmacies). Ce produit va aussi être lancé en janvier en Australie, pays où H&H Group est très présent.
Maguelone Pontier déploie le Min de Toulouse
Depuis l’été 2017 aux commandes du grand marché de Toulouse-Occitanie, passé en délégation de service public, Maguelone Pontier a vécu 18 mois intensifs et a tenu le rythme en 2018. L’ex-secrétaire générale de la Fédération des marchés de gros met en œuvre une feuille de route qu’elle a voulue aussi simple qu’ambitieuse pour la filiale du Min de Rungis. Il s’agit de diversifier l’offre physique, de développer les services – notamment la logistique urbaine – et de fidéliser les usagers. Maguelone Pontier replace le marché de gros au cœur de la vitalité agricole et gastronomique occitane, et multiplie les évènements médiatiques. « Le marché s’ouvre au monde », sourit-elle. En 2019, le marché toulousain sera transfiguré avec des carreaux de producteurs, le pavillon gastronomique des fromages, de l’épicerie, des viandes, l’arrivée de la marée de Méditerranée, des écoles, une zone logistique, une pépinière à start-up, l’arrivée de nouveaux métiers comme les traiteurs.
Guillaume Roué sur tous les fronts
Guillaume Roué a été sur tous les fronts l’an dernier, navigant du local à l’étranger. L’année 2018 a été marquée par la naissance de la coopérative Evel’up, fruit de la fusion de Prestor et Aveltis, dont il a pris la présidence. Loi Alimentation et mise en route du plan de filière l’auront mobilisé en tant que président d’Inaporc, avec comme points d’orgue, le retour de la Fict dans l’interprofession en janvier et une avancée notable quant à la mise en place d’indicateurs de coût de production et de prix de marché en fin d’année. À noter ses franches prises de position au sujet de la peste porcine africaine (« fièvre porcine africaine », selon lui) aux portes de la France ou, avec Interbev, sur la montée des violences des mouvements anti-viande. À l’étranger, plusieurs déplacements officiels en Chine auront permis à Inaporc et Interbev de signer début juillet un partenariat avec China Meat. Guillaume Roué a également été confirmé dans ses missions internationales, en étant réélu pour la troisième fois président de l’Office international de la viande.
Georges Galardon et Serge Le Bartz, bâtisseurs d’une coopérative bretonne
Georges Galardon et Serge Le Bartz, présidents respectifs des coopératives bretonnes Triskalia et d’aucy, ont obtenu l’adhésion des coopérateurs et des salariés pour bâtir une grande coopérative commune. Les deux élus avaient fait germer ce projet dans le TGV Rennes-Paris qu’ils empruntent fréquemment. « On se disait que la Bretagne était petite à l’échelle du monde et on voulait que le pouvoir de décision reste dans la région », relate Georges Galardon. Les deux coopératives vont bien et l’hiver dernier, le moment a semblé propice à leurs présidents pour présenter le projet d’une coopérative à gouvernance partagée, mettant leurs moyens en commun, et proche de ses adhérents. Ce projet a suscité l’enthousiasme des administrateurs, suivis de l’ensemble des coopérateurs, et fait naître un « grand espoir parmi nos collaborateurs », selon l’expression de Georges Galardon. Les groupes de travail se sont multipliés après les feux verts des assemblées générales en juin 2018. On en compte huit dizaines aujourd’hui.
Jérôme Foucault et Mathieu Thomazeau, rois du plat ambiant
Mathieu Thomazeau et Jérôme Foucault respectivement président et vice-président de Cofigeo, ont été récompensés de leur audace en juillet 2018, quand Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a levé l’injonction de l’Autorité de la concurrence de lâcher leur activité Zapetti et une usine pour reprendre William Saurin et la licence des raviolis Panzani, ainsi que le couscous Garbit, actifs issus de feu Financière Turenne Lafayette. Les deux entrepreneurs plaidaient depuis fin 2017 pour la sauvegarde des emplois et la réalisation d’un projet industriel français robuste. Ce projet nécessitait l’intégrité du groupe Cofigeo, l’assemblage de sa marque Raynal et Roquelaure avec William Saurin dans la cuisine française, et le développement d’un savoir-faire dans les plats ambiants italiens. Jérôme Foucault a été par ailleurs élu en avril 2018 président de la Fédération des industries d’aliments conservés. Il veut œuvrer à la qualité de la conserve.
Audrey Pulvar, ambassadrice de Mon Restau responsable
Élue présidente de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), en juillet 2017, la journaliste Audrey Pulvar a passé une bonne partie de son année à visiter, charlotte sur la tête, des cuisines centrales. Des cuisines engagées dans Mon Restau responsable. Présente sur tous les salons dédiés au secteur, elle n’a pas ménagé sa peine pour promouvoir cette démarche de progrès, lancée avec Restau’co, et auquel plus de 500 établissements adhèrent déjà. Dans des salons plus feutrés, elle a également œuvré pour l’introduction du « bio et du local » dans la loi Alimentation et, en vain, pour l’instauration d’un bonus de 20 euros par convive et par an pour les établissements qui s’engageraient à améliorer leurs pratiques. Audrey Pulvar s’est illustrée en fin d’année en expliquant sur les plateaux de télévision son action en justice contre l’État français pour inaction face au changement climatique. Le 9 janvier, la pétition « l’affaire du siècle » en faveur de ce recours entamé par la FNH, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France avait déjà enregistré 1,984 million de signatures.
Jean-Baptiste Moreau, un éleveur dans l’arène politique
Grosse année pour Jean-Baptiste Moreau, 42 ans, éleveur creusois, soutien d’Emmanuel Macron de la première heure, et plongé dans l’arène politique dès mars 2018 comme rapporteur de la loi Alimentation. Le jeune élu mouille la chemise durant son long examen législatif. Démarche naïve ou amendement téléguidé par l’Élysée : il secoue les acteurs de la filière et le gouvernement quand il propose de supprimer le formalisme des négociations commerciales pour les produits alimentaires. Accusé tantôt d’être pro-coopératives (« j’ai été président de la Celmar, mais je ne le suis plus », répond-il), tantôt d’être à la botte des lobbys agricoles voire une marionnette de l’Élysée (« je n’ai pas besoin du président de la République pour savoir que des indicateurs validés par la puissance publique ne résoudront rien »), il résiste aux critiques, parfois vives dans le camp agricole. Il sait que si la loi Alimentation échoue, on lui pardonnera encore moins qu’à un autre. Sans regrets, il enfourche déjà un nouveau cheval de bataille : celui du cannabis thérapeutique.
Les conquérants Hervé Kratiroff et Éric Versini
Les fondateurs de Solexia, Hervé Kratiroff (président depuis 1993) et Éric Versini (directeur général depuis 2007), ont permis au fonds d’investissement entrepreneurial de s’agrandir avec de multiples acquisitions en 2018. Début 2018, Solexia a annoncé avoir repris le Graton lyonnais (3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017), spécialiste du gratton de porc et de canard pour boulangers et traiteurs. La cinquième acquisition du groupe à l’époque. En octobre, Hervé Kratiroff et Éric Versini ont aussi repris les volailles Sedivol, qui proposent plus de 100 références en prêt à cuire et prévoient d’atteindre 5,6 millions de chiffre d’affaires à la fin de l’année 2018. Enfin, en novembre, Solexia a acquis Bissardon Jus de fruits, qui fabrique des jus et nectars haut de gamme (6 millions d’euros de chiffre d’affaires de juin 2017 à juin 2018). De 2008 à 2018, le chiffre d’affaires cumulé du fonds d’investissement sera passé de 24,7 à 70 millions d’euros.
Carole Delga, initiatrice de la démocratie alimentaire
Présidente de la Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée depuis le 4 janvier 2016, Carole Delga a fait de l’alimentation une grande cause régionale. Tout au long de l’année, elle a permis la mise en œuvre d’une large concertation sur les enjeux d’une alimentation durable. Plus de 100 000 contributions citoyennes ont permis d’élaborer et d’adopter un pacte régional fin décembre 2018. L’ancienne secrétaire d’État déléguée au Commerce, à l’Artisanat, à la Consommation et à l’Économie sociale et solidaire souhaitait ainsi donner à ses concitoyens « la possibilité de choisir dans le cadre des politiques publiques et non pas une fois tous les six ans dans le cadre des élections ». Dès cette année, le plan va entrer dans sa phase opérationnelle avec la mise en place des dix actions prioritaires identifiées par les habitants d’Occitanie. Elles tournent autour de la durabilité des filières, de l’information, de la transition écologique ou encore de l’innovation.
Jean-Michel Schaeffer, président d’une interprofession attendue
L’interprofession de la volaille de chair a enfin été créée le 19 avril 2018, mettant fin à l’un des plus vieux serpents de mer du monde agroalimentaire. Les différentes familles de la volaille de chair (poulet, canard à rôtir, dinde, pintade, volaille sous signe de qualité) ont enfin réussi à s’unir sous la bannière d’une interprofession unique, sous une petite pression de l’Autorité de la concurrence. La volaille restait le seul secteur agricole à ne pas avoir son interprofession. C’est désormais chose faite. Et elle rassemble l’ensemble des acteurs de l’accouvage à la distribution et à la restauration. Jean-Michel Schaeffer, président de la Confédération française de l’aviculture (CFA), a été nommé à sa présidence. Agriculteur exploitant depuis mai 2005 en polyculture élevage et en poulet label Rouge d’Alsace, Jean-Michel Schaeffer a été également président des Jeunes Agriculteurs. Promouvoir la volaille française sera l’une des missions d’Anvol, le nom donné à cette nouvelle interprofession.
Christian Guyader ou la satisfaction d’un projet accompli
Il en rêvait depuis des années. Le Breton Christian Guyader, PDG du groupe Guyader Gatronomie, l'a fait en 2018 : participer à la route du Rhum. Et le patron, marin aguerri, n’a pas démérité arrivant avec son catamaran 11e sur 28, malgré un arrêt d’une semaine pour se protéger d’une grosse tempête. « Je me suis organisé en mode gestion de projet. C’est très proche de la démarche d’entreprise », confie-t-il, soulignant que cette aventure lui a confirmé quelque chose qu’il savait déjà : l’importance de la confiance entre partenaires. Ce projet a créé une émulation dans l’entreprise. « Deux cents personnes sont venues à Saint-Malo me voir partir, c’était très sympa », souligne Christian Guyader, 58 ans, dont l’exploit a été applaudi lors d’une réunion de la Feef. « Il me reste à aller présenter un film pour boucler la boucle », dit-il de retour aux affaires à la tête de Guyader et motivé pour relancer l’innovation, son moteur, en 2019. Le sujet est encore prématuré, mais il avoue aussi commencer à penser à la transmission de son entreprise et pense tout naturellement à sa fille, Marianne, aujourd’hui à la tête de sa filiale Groix et Nature.