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Confinement
Les fournisseurs de la restauration dans la tourmente

Les fournisseurs de la restauration commerciale sont dans une situation très préoccupante à cause de la fermeture du secteur. Après avoir tiré la sonnette d’alarme, les opérateurs bénéficient de nouvelles aides de l’État qui sont toutefois loin de faire l’unanimité.

Restauration Covid

Alors que la restauration avait repris espoir cet été avec une embellie « parfois meilleure à ce qui était attendu », le secteur « qui était à genoux avant ce deuxième confinement, est aujourd’hui à terre », décrit Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco Food Service. Les chiffres sont alarmants et les risques sont grands de voir disparaître de nombreux fournisseurs agroalimentaires de la restauration. La perte de chiffre d’affaires globale en 2020 pour la restauration se chiffrera entre 30 et 34 milliards d’euros, estime la dernière étude de Gira Conseil. « Chaque semaine de confinement, ce sont 77 millions de repas qui ne sont pas servis et 1 milliard d’euros de recettes perdues », précise Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, cité dans le communiqué. « Avant la pandémie, pendant que la consommation en GMS stagnait, le hors domicile connaissait de belles croissances. Nous avions une dynamique positive. Aujourd’hui, la restauration est sinistrée et nous tombons de très haut », constate Frédérique Lehoux.

1 milliard d’euros perdus par semaine

Certains établissements ont recours à la livraison à domicile et à la vente à emporter, « des canaux toutefois plus qu’insuffisants pour atteindre l’équilibre financier » pour Alexis Bourdon, président du Syndicat de l’alimentation et de la restauration rapide (Snarr), et qui sont désormais interdits à partir de 22 heures dans plusieurs grandes villes. « Cette mesure ne fait qu’augmenter nos difficultés », réagit-il.

Les acteurs de la restauration collective ont également peu de visibilité sur les marchés à venir. « Les collèges ferment petit à petit leurs cantines. Pour celles qui sont encore ouvertes, le nombre d’élèves varie du jour au lendemain, rendant difficile la composition des menus », souligne Hugues Pouzin, directeur général de la confédération du Commerce de gros et international (CGI).

Méconnaissance du secteur par le gouvernement

« On se demande ce qui va nous tomber sur la tête prochainement », déclare, pour sa part, Hubert Jan, président de l’Umih Restauration. Les exemples ne manquent pas pour évoquer les conséquences de ce nouveau confinement pour les restaurateurs. Entre les brasseurs, les fournisseurs de magrets de canard ou encore les producteurs de pommes de terre, tous souffrent du manque de débouché lié à une consommation différente que celle observée en GMS. Le grossiste Canavese Sud Ouest s’est retrouvé à brader 15 tonnes de frites fraîches qu’il n’a pu livrer à un client, perdant l’équivalent de 30 000 euros de denrées alimentaires.

Tous les maillons de la chaîne ont appelé le gouvernement à l’aide. « Nous demandons que les fournisseurs de la restauration aient les mêmes mesures que les cafés et les restaurants », affirmait la semaine dernière Catherine Chapalain, directrice générale de l’Ania. « Il n’y a pas eu d’action sur les pertes lors du premier confinement, malgré les promesses d’aides de Bruno Le Maire », rappelle Hubert Jan. De son côté, la Fedev a également tiré la sonnette d’alarme, indiquant que les entreprises de transformation de la viande pour la restauration étaient « au bord du gouffre ». « Depuis le 17 mars 2020, [ces] entreprises ont montré leur efficacité et leur engagement au côté du président de la République. Elles méritent au minimum de la reconnaissance et de l’égalité de traitement lorsqu’elles en ont besoin », estimait Gilles Gauthier, président de la Fedev, cité dans le communiqué.

Des aides jugées tardives et insuffisantes

Le secteur a eu gain de cause, avec des extensions des aides de l’État auprès des agriculteurs, des éleveurs, des entreprises et des coopératives de l’agroalimentaire qui fournissent la restauration. Bien que saluée par l’Ania, La Coopération agricole et la FNSEA, l’initiative n’a pas fait l’unanimité. « Ce dispositif est d’une complexité ! » regrette Frédérique Lehoux. D’une part, beaucoup estiment que le seuil de perte du chiffre d’affaires pour bénéficier du fonds de solidarité devrait être abaissé à 50 % pour la période du 15 mars au 15 mai (et non pas 80 %) ainsi que d’élargir les critères aux sociétés de plus de 50 salariés. Le but : sauver le plus d’entreprises possible et « assurer une rémunération décente des maillons de la chaîne, notamment aux agriculteurs », déclare Dominique Chargé, président de La Coopération agricole.

D’autre part, selon certains, l’extension des aides est trop tardive. « Certaines entreprises ne se relèveront pas, devront licencier et ne pourront plus payer leurs partenaires agricoles. Comment parler de souveraineté alimentaire quand on va perdre toute une partie de notre tissu agricole ? » soulève Richard Girardot, président de l’Ania, cité dans un communiqué. Par ailleurs, « certaines entreprises se sont vu refuser ces aides, car elles ne vendent pas directement à la restauration, donc ne seraient pas affectées par la fermeture des établissements. Mais ces sociétés vendent aux grossistes, donc oui, elles sont évidemment atteintes ! Ce type de réponse met en lumière une grande méconnaissance du fonctionnement de l’approvisionnement de la restauration », explique Frédérique Lehoux.

« Nous risquons de perdre en compétence et en compétitivité. L’existence même de nos filières est en danger », avertit Hugues Pouzin. « Lorsque les conditions économiques reviendront, la restauration reprendra. Si tous les maillons de la filière ne sont pas davantage soutenus ici et maintenant, nous prendrons le risque d’avoir davantage recours aux importations, car trop d’entreprises françaises auront disparu », conclut Frédérique Lehoux.

Lire aussi : [Confinement] Aide aux fournisseurs de la restauration : on vous explique tout !

Un transfert difficile vers la GMS

Les fournisseurs de la restauration ont été appelés à transférer leur production vers la GMS, une opération jugée quasi unanimement impossible. « Vers quels marchés le gouvernement veut-il que nous nous réorientions ? Les produits ne sont pas du tout les mêmes que ceux vendus en GMS ! Entendre ça prouve une déconnexion avec la réalité », s’emporte Frédérique Lehoux, directeur général de Geco Food Service. « Nos produits ne sont pas substituables. Beaucoup de ministères n’en ont pas conscience et appréhendent mal les difficultés que nous traversons », complète Hugues Pouzin, directeur général du CGI.​

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