Élevage
Le lapin à la croisée des chemins
La transformation du mode d’élevage de lapins s’est accélérée en France, et les éleveurs visent toujours le quart de la production issue de modes d’élevages alternatifs à la cage, d’ici à 2025. Mais il ne sera pas simple d’y parvenir.
La transformation du mode d’élevage de lapins s’est accélérée en France, et les éleveurs visent toujours le quart de la production issue de modes d’élevages alternatifs à la cage, d’ici à 2025. Mais il ne sera pas simple d’y parvenir.
Une étude récente de l’Itavi sur les investissements et l’adaptabilité des élevages cunicoles donne un peu d’espoir à la filière cunicole. Présentée lors du dernier Space à Rennes, elle a enquêté auprès de 85 éleveurs – soit plus de 10 % d’une filière qui en compte moins de 800, à près de 80 % dans le Grand Ouest – sur leurs perspectives à l’horizon 2023.
Si 17 % songent arrêter la production, des éleveurs souhaitant prendre leur retraite ou estimant ne pas avoir de perspectives suffisantes pour poursuivre leur activité, près de la moitié (46 %) se voit toujours en place encore dans cinq ans. Ils sont 21 % d’entre eux à envisager l'aménagement de leur outil de production, et 25 % ont pour objectif d’investir dans de nouveaux logements et bâtiments d’élevage.
Cette étude donne de précieux indicateurs pour une filière engagée dans la transition de sa production. Régulièrement, la cible d’antispécistes malgré sa volonté affichée de développer des modes d’élevages alternatifs à la cage, la filière cunicole se situe à la croisée des chemins. Non seulement la consommation de viande de lapin a perdu 3 % par an en moyenne en France entre 2011 et 2016, mais encore plus en 2017, 2018 et sur les sept premiers mois de l’année 2019 (-6,7 %), selon l’Itavi.
Les comptes d’exploitation des productions cunicoles sont loin d’être florissants. Au gré de l’effort vers la démédication dans les élevages – l’indice de fréquence de traitement a été abaissé de 35 à 40 % –, les éleveurs ont subi des pertes avant de maîtriser le sanitaire dans leurs ateliers. Quand ce n’était pas la VHD – maladie virale hémorragique – qui décimait leur cheptel.
Environ 8 % de la production provient d’élevages alternatifs
Pour reconquérir les consommateurs en répondant à leurs attentes sociétales, la filière vise le quart de sa production dans des élevages alternatifs d’ici 2023-2025. Elle s’y est engagée il y a deux ans dans son plan de filière présenté au gouvernement lors des débats sur les états généraux de l’alimentation.
Les opérateurs du secteur y travaillent, notamment dans un « living lab » avec l’Inra. Mais il y a encore du chemin à parcourir. « Environ 8 % de la production (un peu moins de 40 000 tonnes de viande de lapin, ndlr) provient des différents systèmes mis en place ces dernières années », explique Guy Airiau, président du Comité lapin interprofessionnel pour la promotion des produits (Clipp).
Une capacité d’autofinancement très faible
En juin 2019, la Coopérative des producteurs de lapins du bocage (CPLB du groupe Cavac), Terrena et l'Association Lœul et Piriot Multilap (ALPM) ont lancé le concept d’élevage « lapin et bien », un système d’élevage en bande sur caillebotis plastique avec terriers artificiels, alimentation garantie sans OGM et complémentée de graines de lin.
Les premiers produits de ces animaux seront disponibles en janvier 2020 dans les rayons de la grande distribution. Mais les éleveurs auront-ils la capacité financière d’investir dans ce type d’élevage ? De ce point de vue, l’étude de l’Itavi souligne que les éleveurs ont une capacité d’autofinancement très faible.
« Il est donc nécessaire que les éleveurs bénéficient de soutiens, à la fois des opérateurs sur des contrats longs, et que leurs investissements soient éligibles aux dispositifs de modernisation, comme le PCAEA. Mais pour le juge de paix, ce sera le marché. Produire de cette manière coûte plus cher. Il faudra donc que le consommateur accepte de payer plus cher cette viande “prémiumisée” », poursuit Guy Auriau.