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L'AOP Camembert de Normandie se concentre un peu plus


> Lactalis devient le premier producteur français de camemberts de Normandie avec le rachat de Graindorge, devant la fromagerie Gillot. À droite, Patrick Mercier, président de l'Association de gestion des ODG laitiers normands.
Après le rachat de Graindorge par Lactalis en juin dernier, le groupe coopératif Maîtres laitiers du Cotentin a indiqué fin juillet qu'il reprenait la fromagerie Réaux. Quels sont les enjeux actuels pour la filière Camembert de Normandie ? Les Marchés Hebdo ont mené l'enquête.

L'annonce a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le bocage normand. Thierry Graindorge, le président de la fromagerie du même nom, a fait savoir le 7 juin dernier qu'il cédait son entreprise au groupe Lactalis, n'ayant pas de successeur à la suite de son départ en retraite. Les deux sociétés se sont pourtant durement opposées il y a dix ans sur la question de l'utilisation

Nous voulons continuer à nous développer dans les AOP

” du lait cru pour pouvoir bénéficier de l'appellation «Camembert de Normandie».

Ce rachat « renforce nos positions sur les fromages d'appellation d'origine normande », réagissait en juin dernier Michel Nalet, le directeur des relations extérieures de Lactalis. Graindorge fabrique en effet quatre types de fromages normands : du livarot, du pont-l'évêque, du camembert de Normandie et du neufchâtel. La société emploie près de deux cent cinquante salariés et transforme 45 millions de litres de lait par an, pour un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros environ, dont 5 % sont réalisés aux États-Unis. « Nous avons déjà plus de vingt fro-ages sous appellation d'origine rotégée, et nous voulons conti-uer à nous développer dans les OP », ajoutait Michel Nalet.

Le groupe possède déjà les marques de camembert de Normandie AOP Jort, Moulin de Carel et Bourdon. Avec le rachat de Graindorge, Lactalis prend la place de premier producteur de camemberts de Normandie en France, devant la fromagerie Gillot, et ses 1 700 tonnes de camemberts AOP fabriquées par an.

Réaux restera une entité distincte

Deux mois plus tard, c'est au tour de la fromagerie Réaux, qui produit 900tonnes de camemberts de Normandie par an, soit 18% des volumes de l'appellation d'origine protégée, d'annoncer sa reprise par le groupe coopératif Maîtres laitiers du Cotentin. La configuration était sensiblement la même que celle de Graindorge, son président-directeur général, Bertrand Gillot, partant à la retraite et n'ayant pas de successeur. Il souhaitait céder sa fromagerie à «une entreprise à taille humaine de la Manche, qui a une collecte locale et un fort potentiel pour assurer la continuité de l'activité», a-t-il indiqué à la presse cet été. Ce rachat permet aux Maîtres laitiers Source : Association de gestion des ODG laitiers normands du Cotentin de mettre un pied dans l'appellation camembert de Normandie. Quant à la fromagerie Réaux, qui emploie quatre-vingt-cinq personnes pour un chiffre d'affaires annuel de 17,5millions d'euros, elle devrait rester «une entité distincte, avec ses propres producteurs et ses salariés», a précisé le groupe coopératif.

CAMEMBERT « DE NORMANDIE » ET « FABRIQUÉ EN NORMANDIE », L'INAO CHERCHE À SORTIR DE L'IMPASSE

Entre «de Normandie» et «fabriqué en Normandie», l'affaire du camembert mobilise les troupes depuis longtemps. Après une tentative de procès très compliqué, les partenaires se trouvent dans l'impasse face à une situation sensible. La dénomination «Camembert de Normandie» et le cahier des charges sont réservés et protégés par une AOP depuis 1996. Mais la situation devenait explosive au côté du «camembert fabriqué en Normandie». L'enjeu est important, car environ 60000tonnes annuelles de camemberts portent la mention «fabriqué en Normandie» contre 5000tonnes pour l'AOP. «La situation est devenue très délicate au regard de la réglementation européenne alors que de nombreux accords bilatéraux (dont le Tafta, ndlr) sur les AOP et IGP sont en voie de réflexion ou de finalisation», commente Jean-Luc Dairien, directeur de l'Inao. «Nous ne pouvons pas imposer aux autres ce que nous ne faisons pas nous-mêmes. Nous avons prévenu il y a longtemps que cette situation ne pouvait perdurer, précise Jean-Luc Dairien, nous avons cherché un consensus qui prenne en compte à la fois le respect de la logique de la protection d'un produit emblématique, mais aussi qui conduise à la stabilisation et au développement de toute la filière normande. Créer une IGP aux côtés de l'AOP est une des pistes à étudier. Un plan d'avancement a été mis en place pour réfléchir définitivement à la situation. Ce plan ne peut se faire sans un consensus général qui est en bonne voie.» Pour fin 2016, les parties prenantes devront avoir dégagé des pistes et présenter un catalogue de solutions, car l'Inao est bien décidé à faire cesser cette situation. Dominique Chaillouet

Les huit producteurs principaux de camembert de Normandie 5 000 tonnes produites par an

La concentration dans la filière camembert de Normandie est-elle inévitable? Alors que ce fromage atteignait les 12747 tonnes commercialisées en 2004, seulement 5000tonnes se sont vendues en 2015. Une chute des ventes de plus de 60% en dix ans. Aujourd'hui, huit sites industriels assurent l'essentiel de la production: la fromagerie du Val de Sienne, la coopérative Isigny Sainte-Mère, la fromagerie Gillot (qui appartient au groupe Fléchard), la fromagerie du Val d'Ay ou Réaux qui appartient désormais aux Maîtres laitiers du Cotentin et les sociétés fromagères de Jort, du Moulin de Carel, d'Orbec et le Domaine de Saint Loup (Graindorge), tous les quatre dans le giron de Lactalis.

À leurs côtés, on retrouve Fromages de Stéphanie, à Mêle-sur-Sarthe (Orne), qui fabrique des camemberts de Normandie de manière artisanale, et deux producteurs fermiers, Le Champ secret et La Héronnière. « Quand on restreint la diversité des fabricants, on restreint la force de l'appellation d'origine, on regroupe les savoir-faire », regrette Patrick Mercier, le président de l'Association de gestion des ODG laitiers normands. « Mais c'est intéressant qu'un acteur qui vient de l'extérieur, comme Maîtres laitiers du Cotentin, arrive dans l'appellation d'origine. Il aura peut-être un autre regard sur les grands sujets qui concernent notre AOP », complète-t-il.

Des freins au niveau sanitaire

Parmi les enjeux auxquels est confrontée la filière actuellement, se pose la question des Salmonelles et Listeria. « Les problèmes sanitaires au niveau des élevages ne nous permettent pas d'utiliser tout le lait des producteurs accrédités, ce qui limite nos volumes », déplore Patrick Mercier. En cause, le recours à l'ensilage, qui favorise les risques de contamination par Listeria. « J'espère qu'on pourra rouvrir un cahier des charges de l'AOP dans le futur pour aller plus loin sur certains sujets et notamment se fixer des critères concernant l'alimentation animale ». Autre frein identifié par l'ODG, la confusion qui règne pour les consommateurs entre l'AOP et la mention « fabriqué en Normandie ». « On assiste aujourd'hui à une utilisation de l'image de la Normandie, alors qu'elle devrait porter des valeurs pour les éleveurs et les fabricants », déplore Patrick Mercier. Alice Flores

En hausse, en baisse

Les exportations européennes de viandes de porc ont atteint 236800t en juin dernier, soit une hausse de 70% par rapport à juin 2015. Sur le total du 1er semestre, elles progressent de 44% par rapport à la même période de 2015, à plus de 2millions de tonnes. Ces niveaux records sont dus à la demande chinoise.

Selon Agreste, les surfaces implantées en carottes reculeraient de 1 % sur un an, à 8 180 hectares. La production 2016-2017 est aussi attendue en baisse de 1 % par rapport à la campagne précédente, à 344 680 t. Le pic de production est prévu pour novembre, avec 41 825 tonnes de carottes récoltées ce mois-là.

Le British Cattle Move-ment Services a comptabilisé une hausse de 13,4 % des enregistrements de veaux issus de la race Hereford au Royaume-Uni en 2015. Cette race, qui bénéficie de la meilleure progression, compte pour plus de la moitié des enregistrements supplémentaires en races à viande outre-Manche.

Les exportations françaises de produits agroalimentaires vers le Brésil ont chuté de 13,9 % en 2015, note la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) dans sa lettre export. Les vins et les plats préparés sont principalement concernés par cette baisse.

ILS ONT DIT

STÉPHANE LE FOLL Ministre de l'Agriculture « M. Besnier est un PDG d'une entreprise dont je n'ai pas le numéro de téléphone direct. Il y en a beaucoup d'autres avec lesquels j'ai des relations, même M. Bigard que j'ai rencontré, mais M. Besnier jamais, ni ne m'a demandé un rendez-vous, ni ne m'a demandé un contact, ni n'a souhaité me rencontrer. » France Info (29 août)

JEAN-LUC MÉLENCHON Député européen – Parti de gauche « Paysans, quand allez-vous vous débarrasser de la FNSEA ? Je me rappelle que vous étiez tous là à pleurnicher quand on a mis les quotas laitiers. Maintenant qu'on a supprimé les quotas, il arrive avec le lait ce qui est arrivé avant avec les cochons et avec tout le reste, c'est-à-dire que l'année où ça va bien, il y en a plein, et l'année où ça va mal, tout le monde est mort.» Meeting politique à Toulouse (28 août)

CHRISTIAN POUSSET Président de Peopleto-People Group « Poser que le renforcement de l'influence des coopératives soit le seul levier pour retrouver sérénité et rentabilité est évidemment insuffisant. Pour autant, cela peut constituer une première étape dans la refonte du marché agricole français et son alignement au regard de la concurrence européenne et mondiale. » lesechos.fr (29 août)

NOËL ROZÉ Président de la Coordination rurale (Bretagne) « La libéralisation et la financiarisation des marchés nous poussent à produire plus sans réfléchir aux débouchés. Nous le dénonçons, car c'est à cause de cette idéologie que nous ne vivons plus dignement de notre travail. Alors que l'industrie agroalimentaire se vante de bénéfices records, nous n'arrivons ni à couvrir nos charges ni à nous tirer un salaire. » breizh-info.com (26 août)

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