« Garder un niveau élevé de performance dans les métiers du lait », c'est le souhait de Dominique Chargé, président de la FNCL, qui a présidé la journée de l'IESIEL dont le thème était « les performances au service de la compétitivité ». Organisée le 4 décembre dernier à la Maison du lait, en partenariat avec la RLF, elle a fait salle pleine. Pour Michel Ghertman, professeur HEC Paris, tout est à considérer pour améliorer la compétitivité d'une entreprise: les ressources en lait, l'outil industriel et son exploitation, l'énergie, la logistique et pour la mise sur le marché, le portefeuille de marque, la publicité, la capacité de négociation avec les acheteurs. Il existe également un niveau global à ne pas négliger, celui concernant les réglementations et les relations avec l'administration. Une liste non exhaustive qui montre toutefois l'ampleur de la tâche pour l'entreprise.
DES OUTILS POUR MESURER LA PERFORMANCE INDUSTRIELLE
Joëlle Birckner, formatrice en technologie laitière et référent au master spécialisé industrie laitière à l'Enilbio de Poligny, a focalisé son intervention sur les indicateurs qui permettent de mesurer la performance industrielle. Elle a listé les outils disponibles et l'intérêt de se les approprier. Le plus cher aux entreprises laitières reste le bilan matière. Il permet d'optimiser l'utilisation du lait en évitant les pertes de matières. Elle a également cité les outils en vogue actuellement, le Lean Management qui s'attaque à l'organisation du travail et le TRS (taux de rendement synthétique) qui permet de mesurer l'efficacité des équipements. « Le TRS donne une photo en temps réel de la production (ratio % temps utile théorique sur temps requis ou réalisé) ». Le TRS est plébiscité par Philippe Beauxis, directeur de GEA France, un des leaders mondiaux du séchage, qui a décliné un autre outil : le TCO ou CTP (Global cost of ownership). Celui-ci permet de chiffrer d'une manière prévisionnelle l'ensemble des coûts durant la vie de l'équipement (ou 10 ans). « La taille moyenne d'un sécheur GEA Niro a plus que doublé sur la dernière décade ; les capacités variant entre 7 et 15 t/h. Dans ce contexte, la performance devient le critère majeur d'évaluation d'un projet », a-t-il souligné. Mais pour pouvoir mettre en place le TCO, il faut un véritable partage des connaissances entre l'utilisateur final et le concepteur. « Des équipementiers spécialistes parlent à des exploitants sachant », résume Philippe Beauxis. Cette approche partagée des connaissances s'étend dans les pays anglo-saxons mais a du mal à séduire les industriels français qui considèrent comme stratégiques leurs données de fabrication.
UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE PRÉDICTIVE
Ainsi, la Laiterie de Montaigu a choisi une autre voie de performance pour la construction en cours d'une nouvelle tour de séchage signée GEA Niro. « Nous nous appuyons sur la démarche scientifique prédictive que nous avons développé dès 2006 et qui nous permet de préserver la qualité nutritionnelle, physicochimique et microbiologique des poudres de lait infantiles », a expliqué Eric Blancheur, le directeur. C'est en 2001, même que la Laiterie de Montaigu s'est rapprochée de l'Inra de Rennes et du STLO pour comprendre l'effet des paramètres de séchage sur les ingrédients qui composent la matrice des laits infantiles. Elle a aussi intégré des compétences de nutrition spécialisée (pédiatre, scientifiques...) et s'est rapprochée des fournisseurs d'ingrédients pour une meilleure connaissance des matières premières et innover.« Un lait infantile, c'est un mélange de plus de 30 matières différentes et nous séchons cette solution complète pour garantir l'homogénéité des fonctionnalités du produit », précise Eric Blanchard.
Le partenariat avec l'Inra a abouti notamment à la mise au point d'un logiciel prédictif permettant de déterminer les paramètres thermodynamiques de séchage optimaux. Le logiciel SD?P a été déposé en 2006 et il est utilisé par d'autres industriels français. Copropriétaire avec l'Inra et Agrocampus de Rennes, la Laiterie de Montaigu travaille toujours au perfectionnement du modèle de prédiction. Cette approche scientifique a permis à la Laiterie de Montaigu d'augmenter sa productivité de 15 à 20 % et de passer à un taux de nonqualité de l'ordre de 0,4 %, se poursuit. Elle a également amélioré l'image de l'entreprise à l'export. « Nous exportons aujourd'hui 55 % de notre chiffre d'affaires (182 MEUR) contre 5 % en 2006 », précise Eric Blanchard.
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE
Et c'est là un bon exemple d'intelligence économique, un des thèmes de l'après-midi sur lequel a planché Michel Nallet, directeur des relations extérieures du groupe familial Lactalis, numéro 1 mondial des produits laitiers avec 15,7 milliards d'euros et troisième groupe agroalimentaire européen. Lactalis réalisait en 2000, un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros. Comment s'est opérée cette progression ? « S'informer, observer et analyser les activités de nos concurrents. L'intelligence économique a toujours existé même si elle n'est pas nommée en tant que telle dans nos entreprises. Par ailleurs, audelà de la concurrence, notre secteur est face à des enjeux internationaux : saisonnalité de la production laitière, concurrence du végétal, volatilité des marchés, développement démographique, contraintes environnementales, réglementaires, politiques... L'intelligence économique se travaille sur tous ces sujets aussi. Tous les collaborateurs y participent au quotidien au niveau d'un pays, d'une zone géographique, du monde. Et alors qu'on parle de concentration du secteur laitier : le chiffre d'affaires des 10 plus importantes entreprises laitières ayant augmenté de 150 % entre 1996 et 2011 (132 milliards USD), il est important de souligner que sur 450 millions de tonnes de lait transformé au niveau mondial, la part de marché des leaders mondiaux (Danone, Nestlé et Lactalis) est à peine de 5 % (chiffres 2011). « Pour améliorer nos positions dans cet environnement concurrentiel, Il est important de mettre en face une intelligence économique solide, d'autant plus que nous sommes présents sur toutes les activités laitières », a-t-il conclu.
DES GAINS POSSIBLES DE PERFORMANCE AU NIVEAU DE LA SUPPLY CHAIN
« Améliorer les performances d'une entreprise, c'est aussi, pour une grande part, optimiser la supply chain, c'est-à-dire la gouvernance des flux physiques, des flux financiers et des flux d'informations », affirme Richard lebreton, directeur supply chain LFA chez Bongrain. Beaucoup de résultats ont déjà été obtenus depuis 2000. Par exemple, les délais entre la commande et la livraison sont passés, en GMS, de 4 - 5 jours en moyenne à moins de 24 heures. Les flux tendus se sont généralisés chez les distributeurs, qui se sont aussi partagés des plateformes de répartition et de massification. Les industriels ont augmenté le nombre de livraisons hebdomadaires en magasin (de 2/3 à 5/6). Ils ont aussi mutualisé leurs entrepôts entre eux. Mais beaucoup reste encore à faire pour réduire les coûts globaux de la supply chain, et ainsi augmenter les performances : mieux « manager » les prévisions, modéliser les flux de commande, passer de la mesure du taux de service en entrepôt au taux de service en linéaire (les ruptures en GMS atteigent encore, en moyenne, 6 %), mettre en place des livraisons directes des drive, étendre les échanges d'informations informatiques (avis d'expédition, factures dématérialisées...)...