Fromage AOP
La marque de fromages Jort fête ses 130 ans
La petite boîte rouge et jaune bien connue des amateurs de fromages AOP fête son anniversaire dans une ambiance commerciale favorable, le terroir ayant le vent en poupe.
La petite boîte rouge et jaune bien connue des amateurs de fromages AOP fête son anniversaire dans une ambiance commerciale favorable, le terroir ayant le vent en poupe.
Au détour d’une rue, dans le petit village de Bernières-d’Ailly (Calvados), la Société fromagère de Jort laisse immédiatement transparaître son histoire puisque les bâtiments ne semblent guère avoir bougé depuis leur construction en 1883. La fromagerie réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 5,2 millions d’euros et emploie une quarantaine de personnes.
La laiterie collecte le lait de 34 éleveurs dans un rayon de 40 km et respectant le cahier des charges pour l’AOP. « Comme nous fabriquons du fromage au lait cru, l’implication des producteurs est cruciale pour les règles d’hygiène », explique Jérôme Sauveplane, directeur de la Société fromagère de Jort. « Nous avons mis en place un système d’autocontrôle en exploitation pour vérifier l’absence de E. coli », complète le directeur, « puis un deuxième contrôle a lieu dans la fromagerie. En cas de présence de bactéries, le lait sera thermisé et ne sera pas destiné aux camemberts AOP ». Pour limiter en amont le risque sanitaire, la laiterie va aussi mettre en place des conseils techniques sur la réalisation de l’ensilage d’herbe, qui peut être un agent pathogène.
Le moulage à la louche est essentiel
Le lait collecté est partiellement écrémé puis mature avec des ferments une journée, avant emprésurage. Les mouleurs coupent ensuite le caillé avec des trancheurs et entament le moulage. Il faut trois semaines de formation pour apprendre ce geste technique. Chaque jour, un mouleur produit 1 200 à 1 300 camemberts, à raison de cinq louches par fromage, une par heure. Pour limiter les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS), les mouleurs sont polyvalents et quelques adaptations ont été adoptées comme le passage à des louches en plastique plutôt qu’en inox, plus légères. « Ces cinq louches vont permettre au camembert de présenter sa texture caractéristique, c’est essentiel », s’enthousiasme Jérôme Sauveplane.
Le moulage à la louche. Ces experts font 1200 camemberts par jour a raison de 5 louches par camembert ??? pic.twitter.com/Ko74vAl7gp
— Virginie Pinson (@VirginiePA) 29 novembre 2018
Huit mille camemberts sont fabriqués chaque jour. Les fromages sont retournés une seule fois puis salés le lendemain. Après un ressuyage, les camemberts sont ensemencés avec des souches de Geotrichum et Penicillium. « À chaque fabricant son choix de souche, selon le goût qu’il souhaite obtenir. Nous, nous recherchons un fruité, légèrement aillé », explique le directeur. Les fromages passent quatorze jours au hâloir puis sont emballés dans leur papier et la fameuse boîte en peuplier, toujours fabriquée à quelques kilomètres. Les fromages sont ensuite affinés et commercialisés à partir du 22e jour, selon le cahier des charges. Ils affichent une DLC de 60 jours.
Le lait cru dans l’air du temps
La marque Jort est distribuée pour moitié en crémerie, pour moitié en grande distribution (coupe et libre-service). Alors que le marché des fromages à croûtes fleuries en général et du camembert en particulier perd 2 à 3 % par an, « les ventes de camemberts au lait cru progressent de 2 % et celles de notre marque Jort ont bondi de 10 % cette année », se félicite Pascal Rémont, le directeur commercial. « Les gens recherchent le terroir et sont prêts à payer plus cher, quitte à en manger moins », précise-t-il. Pour toucher davantage le consommateur, la fromagerie a ouvert une boutique à Saint-Pierre-sur-Dives dans le cadre de la route des fromages et devrait à moyen terme s’ouvrir au public.
Trois sites de production pour une UES
Jérôme Sauveplane est le directeur de la Société fromagère de Jort, d’Orbec et du Moulin de Carel. Les trois sites du Calvados forment une UES au sein du groupe Lactalis. À Orbec, sont fabriquées 1 100 t/an de camemberts de Normandie au lait cru, avec trois ou quatre MDD principales, dont Lidl. C’est aussi de la laiterie d’Orbec que sortent 1 500 t/an de camemberts Lanquetot (au lait thermisé) ainsi que d’autres spécialités. Les fromageries Jort et Moulin de Carel produisent respectivement 550 tonnes et 250 t/an de camemberts AOP. Lactalis a aussi racheté la fromagerie Graindorge en 2016 et produit depuis plus de la moitié des volumes camemberts sous AOP. Au sein de l’ODG Camembert, Lactalis ne détient que 35 % des voix, précise Jérôme Sauveplane.