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Ingrédients : des ressources durables en devenir
Coproduits, algues, insectes, biotechnologie : des filières se construisent pour fournir l’industrie en ingrédients nutritionnels aux effets environnementaux réduits.
Les dernières Journées aliments & santé de La Rochelle ont consacré une conférence aux ingrédients nutritionnels sous l’angle « quelles ressources durables pour le sourcing de demain ? » Pour Fanny Lange, responsable scientifique agroécologie chez Deloitte Développement durable, « une révolution est en cours » dans le domaine des ingrédients. Alors que montent en puissance les logiques du « sans » et les impératifs de naturalité, elle a décrit trois stratégies complémentaires en matière de recherche d’ingrédients durables : les ressources d’origine agricole en bio et agroécologie, les ressources alternatives (algues, insectes, production de protéines par biotechnologie), et la valorisation des coproduits.
Les gisements de coproduits sont estimés à « 12 millions de tonnes de matières sèches en France », a rappelé Marie Bellenger, responsable développement commercial d’Olygose, qui raconte comment sa société avait amené sur le marché un nouvel ingrédient pour la nutrition spécialisée, issu d’un coproduit végétal. Ces Alpha-GOS d'Olygose obtenus par la raffinerie du pois sont une alternative végétale aux galacto-oligosaccharides (GOS) provenant du lait de vache et participent au rééquilibrage du microbiote. Le produit est autorisé sur le marché du complément alimentaire. Neuf ans de développement et 10 millions d'euros de budget R&D ont été nécessaires pour mener ce projet, qui devrait aboutir à une unité industrielle d'ici à deux ans.
Arriver à l’équilibre en 2025
Parmi les nouveaux ingrédients français, la production d'insectes affiche une faible consommation d’eau et une réduction d’espace, d’émission de gaz à effets de serre (GES)… Outre le facteur culturel, le prix reste un frein, mais « l’objectif est d’arriver en 2025 au point d’équilibre du prix du kilogramme de protéines d’insecte et de bœuf », a indiqué Bastien Rabastens, cofondateur de Jimini’s. Pour lever ces freins, la start-up cherche à développer des produits de grande consommation et mise sur l’Insteak, un mix de protéines d’insecte et végétales.
Autres ingrédients nutritionnels au fort potentiel, les microalgues constituent « une matière première peu ou non valorisée, disponible et renouvelable », a estimé Pi Nyvall Collén, directrice scientifique d’Olmix Group. Sa société participe à travers le projet collaboratif Ulvans à la structuration d’une filière qui collecte en France 80 000 tonnes d’algues par an. Elle développe des ingrédients algo-sourcés avec des applications sur les plantes, les animaux – pour réduire l’usage des antibiotiques – et les hommes.
Protéines de levure : une piste à exploiter
On retrouve des algues utilisées dans des produits sans œuf ou sans gluten, avec des propriétés intéressantes en matière de réduction du taux de sel, de texturation végétale et de stimulation des défenses naturelles. Autre piste évoquée lors de la conférence, celle des protéines de la levure. « En seulement 17 heures et avec une faible consommation en eau, la fermentation de 27 tonnes de sucre donne 8 tonnes de protéines », a illustré Rudy Menin, responsable R&D de Biospringer (groupe Lesaffre). Ces ingrédients naturels peuvent être utilisés dans des produits de boulangerie, pâtisserie, des smoothies…
Des méthodes pour reformuler
Une conférence des Journées aliments et santé s’est penchée sur la formulation nutritionnelle. Nicole Darmon, directrice de recherche à l’UMR MOISA, et Caroline Rouveyrol, conseiller technique au Critt agroalimentaire Paca, ont présenté le potentiel de la programmation linéaire, « un outil de reformulation nutritionnelle accessible à tous ». Ce modèle d’optimisation sous contrainte permet d’atteindre la meilleure combinaison d’ingrédients, en intégrant plusieurs critères. Deux autres intervenantes ont exposé les premiers résultats du projet de reformulation nutritionnelle Céréfibres, qui vise à enrichir en fibres des produits céréaliers. La méthode utilisée consiste à définir les limites d’acceptabilité des consommateurs.