Avis d’un spécialiste de la grande distribution
« Il y aura davantage d’enseignes dans les années à venir »

Les Marchés Hebdo : Une enseigne de grande distribution alimentaire pourrait-elle disparaître en France ?
Philippe Goetzmann : Il faut distinguer la notion d’enseigne et celle de groupe ou d’entreprise. Si on raisonne avec le terme d’enseigne, ma conviction profonde est qu’il y en aura davantage dans les années à venir. La consommation se fragmente, entraînant la création de nouvelles enseignes françaises ou internationales d’ailleurs correspondant à des cibles différentes. Mais je suis d’accord avec ce que disait Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, lors de la commission parlementaire : le marché va se consolider. La France reste l’un des pays les moins concentrés si on compare avec l’Angleterre ou l’Allemagne. Les leaders y ont une taille plus importante que les quatre premiers français. La concentration sera inévitable, car les investissements digitaux ou en supply chain sont lourds et nécessitent d’avoir plus de volumes.
LMH : Y a-t-il de la place pour l’entrée d’un groupe étranger ?
Ph. G. : Il y a toujours de la place pour ceux qui s’occupent de leurs clients. Colruyt a bien affirmé son intention de se développer en France, en observant le succès de Lidl. Je suis convaincu que ce succès s’est fait grâce à la loi Galland, qui lui a ouvert les portes. Je suis aussi convaincu que les états généraux de l’alimentation auront le même effet. Lidl caracole en tête actuellement.
LMH : Que pensez-vous du lancement de Supeco par Carrefour, qui vient titiller Lidl ?
Ph. G. : Il s’agit là d’une initiative intéressante. L’offre semble restreinte pour optimiser la supply chain et les coûts. La question reste de voir si Carrefour apporte une réponse suffisante en matière d’offre à la clientèle de Valenciennes. C’est d’ailleurs très intéressant que cette enseigne ouvre dans cette ville.
LMH : Le prix reste un critère d’achat. Est-ce la raison du succès de Lidl, E.Leclerc ou Intermarché ?
Ph. G. : Lidl gagne des parts de marché constamment depuis quelques années et là le phénomène s’est accéléré. E.Leclerc a été constant et puis repart en 2019. Intermarché se calme un peu cette année, mais a profité de son repositionnement l’année dernière et en 2017. Et Système U reste plutôt stable. Il y a toute une tranche de la population française qui reste très sensible au discours prix. Chez les indépendants, les achats sont restés aux commandes des patrons de magasins. Cela change beaucoup de choses puisqu’ils peuvent proposer des prix attractifs et une offre davantage adaptée à ses clients.