Doux repense son « poulet export » breton
Une mutation profonde du groupe Doux est décidée par son actionnaire principal, le groupe coopératif Terrena. Le roi breton du poulet congelé destiné à l’Arabie saoudite change complètement de modèle économique. Ainsi en a décidé le directoire de Doux, qui a présenté en CCE le 13 septembre à ses 1 500 salariés permanents les trois axes stratégiques définis au cours des derniers mois. Un premier axe est amorcé par le lancement en octobre sur le marché saoudien d’une gamme de poulets nutritionnellement supérieurs : FitLife. Fruit d’un partenariat avec Bleu-Blanc-Cœur et soutenu par le pôle de compétitivité Valorial, ce poulet apporte notamment davantage d’oméga 3 qu’un poulet standard.
Ainsi, Doux, dont une part appartient au conglomérat saoudien Almunajem, projette de « monter en gamme » sur les produits d’origine française et destinés au grand export. Les produits élaborés, comme les saucisses de poulet, participent de cette montée en gamme. Les marchés visés sont ceux du Moyen-Orient et d’Afrique. Les adaptations nécessaires sont de deux niveaux : à l’amont, spécialiser les éleveurs bretons ; au niveau de la transformation, doubler les capacités de production du site industriel de Quimper, dans le Finistère.
Le halal frais comme axe de croissance
Le halal frais européen est le deuxième axe de mutation de Doux. Il est en « pleine croissance », a déterminé le directoire. Son centre de production, abattage et congélation, sera le site vendéen de Chantonnay. Ce qui n’est pas encore déterminé : quel type de certification halal – avec ou sans électronarcose ? quel positionnement marketing ? Aujourd’hui, les grands faiseurs de ce marché sont au Benelux, considère-t-on chez Terrena.
Le troisième axe est la reconquête des marchés d’entrée de gamme, en Europe comme au grand export. Pour cela Doux veut s’associer à « un opérateur européen avec des coûts de production plus faibles ». Concrètement, il s’agit d’«ouvrir le capital à un ou deux industriels européens ». Des contacts ont déjà été pris avec des partenaires européens, apprend-on en interne, et qui demandent à se concrétiser.
100 M€ nécessaires en 4 ans
Le rapprochement de partenaires européens obéit à deux nécessités matérielles : se doter d’une force de production industrielle à bas coûts et diversifier les bassins d’élevage afin de réduire le risque sanitaire, en particulier celui d’influenza aviaire, très pénalisant au grand export.
Le motif est aussi financier. Le besoin de financements est évalué à une centaine de millions d’euros en quatre ans. Cette somme est à comparer au plan d’investissement de 150 millions d’euros sur trois ans envisagé l’an dernier pour l’ensemble volailler de Terrena, Galliance (regroupant Gastronome et Doux), quand le groupe coopératif a repris Doux. Investissements prévus pour trois ans sur les seize sites de Galliance, dont les huit sites de Doux.
Une mutation urgente
Plusieurs facteurs ont contribué à la chute des exportations de Doux au Moyen-Orient l’an dernier : l’offensive du poulet brésilien en Arabie saoudite, premier marché de Doux, facilitée par le paramètre monétaire, la hausse des droits de douane du royaume, la guerre au Yémen – deuxième marché historique de l’exportateur français – et enfin les embargos dus à l’influenza aviaire. Le groupe s’alarmait cet été d’un prix de vente passé de 2 000 dollars à 1 400 dollars, bien en dessous de son prix de revient de 1 800 dollars. « L’entreprise connaît des difficultés économiques qui se sont accentuées depuis à peu près un an et demi », a confié à l’AFP Christophe Couroussé, président du directoire de Doux. Selon lui, l’exportateur a perdu 35 millions d’euros en 2016, et l’année 2017 serait « un peu sur la même tendance ». La situation devenue « intenable », selon le directoire, précipite la mutation envisagée depuis plus d’un an.